Portrait de femme N°15. Maurèen Poignonec, le crayon en action

Portrait de femme N°15. Maurèen Poignonec, le crayon en action
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C’est sur l’île de Groix que nous partons à la rencontre de Maurèen Poignonec, illustratrice jeunesse récemment installée en région rennaise et dont la sensibilité artistique se conjugue avec son engagement de militante pour les causes environnementales et sociales .

Crédit photo : Basile Mesré-Barjon

Originaire du Finistère par son père, la Bretagne a toujours été un endroit lui apportant une respiration, une énergie nourrissant sa pratique du dessin et où elle a choisi de s’établir. Comme tous les enfants, elle a toujours dessiné mais « fait partie de ceux qui n’ont jamais arrêté ! ». Encouragée par ses professeurs, elle a poursuivi un parcours de bac L option arts plastiques puis a intégré les ateliers des Beaux Arts de la ville de Paris et y a choisi des ateliers axés sur le dessin et la narration. Un passage furtif par les Beaux Arts de Versailles et les Arts Déco de Strasbourg lui a confirmé que l’enseignement académique ne lui convenait pas. Maurèen nous confie d’ailleurs qu’elle n’aime pas être contrainte et que le choix de l’illustration jeunesse lui offre cette liberté d’imagination tellement chérie…, elle peut dessiner un éléphant énorme, plus haut qu’une maison , sans que cela soit jugé comme incorrect !
Particulièrement sensible au vivant, très proche du monde de l’enfance, elle dessine énormément d’animaux et son univers est rempli de sensibilité, de douceur et de petits détails humoristiques qui la caractérisent si bien !

C’est en 2015 qu’une info, donnée par une ses amies sur la féminisation des poissons dues aux pilules contraceptives, l’a emmenée à une prise de conscience accrue des problématiques environnementales. « Au départ, c’était juste une indignation personnelle… je me suis mise à faire des recherches sur les liens entre nos consommations et les impacts environnements et sociaux… ».Et là, tout s’enchaîne et fait sens pour elle. Le documentaire « The true cost », qui explique l’impact de la mode à petit prix, a été un choc. Une fois informée, c’était difficile de revenir en arrière… Elle était déjà végétarienne mais a commencé par faire encore plus attention à sa consommation, à ses déchets… des petits gestes qui en ont entraîné d’autres et notamment une envie forte de collectif.

C’est en Bretagne, au Quillio, que Maurèen a participé au rassemblement CollapsHill en 2020 avec des intervenant.e.s comme Laure Noualhat, journaliste environnement, autrice engagée, Vincent Mignerot, essayiste ou encore Anne-Laure Nicolas de l’éco- domaine du Bois du Barde, lieu important en Bretagne pour imaginer une autre façon de vivre plus respectueuse du vivant dans toutes ses dimensions. De retour en région parisienne où elle vit à l’époque, elle participe au camp climat d’Alternatiba Paris. Et elle ressent un énorme coup de coeur pour le mouvement, pour son fonctionnement bienveillant, pour ses luttes sur le terrain mais également pour la possibilité offerte d’imaginer des alternatives désirables à notre mode de vie actuel. Elle participe avec eux à des actions comme celle de l’envahissement du tarmac de l’aéroport Roissy- Charles de Gaulle contre l’extension du terminal T4 ou encore récemment, au blocage de l’AG des actionnaires de Total, en assumant les risques juridiques inhérents aux mouvements de désobéissance civile. Elle nous raconte avec amusement son interpellation par la police sur le tarmac où elle a suivi très gentiment, évidement sans violence, le policier pour sa garde à vue. Portée par le collectif, pour
Maurèen, « cela ne fait pas peur de faire quelque chose qui est profondément légitime.Je ne vais rien faire de mal, on fait tout cela pour demain, pour l’avenir de tous et toutes… ». L’engagement militant lui apporte une grande confiance en elle.
Elle a en toute cohérence arrêté de prendre l’avion et a dessiné une petite BD sur Instagram qui s’intitule « Diaboliser l’avion avec délicatesse pour profiter longtemps de notre planète ». Une petite série de dessins pour se questionner, non pas directement sur le climat, mais sur son propre rapport aux voyages, comment elle- même a réussi à le déconstruire et à communiquer dessus sans culpabilisation et avec humour.

 

Maurèen Poignonec évoque la façon dont ses engagements personnels ont pu rentrer en résonance avec son métier d’illustratrice. Elle en a pris conscience il y a deux ans, en travaillant avec le collectif « La rue est à nous » qui fait partie d’Alternatiba. « Je me suis rendu compte que les univers que je dessinais, n’étaient pas du tout ceux que je côtoyais au quotidien. Je ne dessine pas d’univers pollués… je dessine littéralement et inconsciemment un monde que j’ai envie de voir. Parfois, j’ai dessiné des voitures mais c’était écrit, sinon je n’en dessine pas naturellement ! ». Elle adore participer à des projets où elle sait qu’elle pourra dessiner des forêts avec des arbres énormes, dans lesquels elle pourra s’amuser à y cacher pleins de petits animaux, et quand ses projets éditoriaux inclus des villes, elle y rajoute des arceaux à vélo devant chaque maison et des pistes cyclables dès qu’elle le peut ! C’est très important de montrer à voir autre chose aux enfants, « l’imaginaire est fondamental pour penser, rêver le monde de demain », phrase qu’elle emprunte à Rob Hopkins, initiateur des villes en transition et militant environnementaliste britannique. Pour réaliser un futur désirable, il faut pouvoir se l’imaginer et ce changement de paradigme peut tout à fait passer par la littérature jeunesse et par l’art en général, par la liberté de penser qu’ils nous offrent…

En 2021 est paru un livre qui lui tient particulièrement à coeur. « Dix idées reçues sur le climat » .Myriam Dahman, experte climat à l’AFD (Agence Française de Développement) et également autrice jeunesse, sa collègue Charlotte-Fleur Cristofari, experte en politique climat- énergie et Maurèen ont réalisé ensemble cet ouvrage. Ce n’était pas une commande d’éditeur mais un vrai désir de personnes engagées. C’est Glénat, un des éditeurs de Maurèen, qui a répondu favorablement au projet des trois jeunes femmes. Elles ont voulu un livre pour les 12-25 ans qui traite le sujet du climat en faisant à la fois de la vulgarisation scientifique et en donnant des idées d’actions pour agir. Le livre souhaite apporter un double message : d’espoir d’abord, car il n’est jamais trop tard pour agir ; et puis de mobilisation : chacun doit faire sa part. Les dix idées reçues choisies ne l’ont pas été au hasard mais s’inspirent des discours qui retardent l’action climatique. Elles ont été présentées dans un papier de recherche de l’Université de Cambridge en 2020. On peut en citer deux en exemple : « 2 degrés, ça ne change rien » ou encore « c’est triste pour les ours polaires mais ça ne change rien à nos vies ».
Les autrices et illustratrice ont particulièrement fait attention au côté émotionnel, l’impact psychologique n’est pas nié sur des sujets pouvant être graves. L’humour des dessins, la bienveillance et les propositions d’actions montrent que, même si l’état d’urgence climatique est là, la solidarité et l’entraide sont présentes et essentielles. Pour Maurèen, le rôle de l’illustration est justement d’emmener de la légèreté et de l’impertinence au livre.

 

Pour Eco-bretons, Maurèen évoque ce à quoi la notion de transition lui fait penser : « C’est quelque chose que je vois comme nécessairement collectif…la transition ne se fera que lorsque nous serons nombreux et nombreuses à penser à des alternatives… »
Et on ne peut que conseiller les livres de Maurèen Poignonec pour cela ! Ils sont remplis d’attention au vivant, de drôleries, de luttes contre les stéréotypes, de féminisme etc… Pari réussi, on a envie d’y vivre ! Et qui sait si un jour, elle n’alliera pas ses dessins avec sa plume qui est également fort sensible ?
Nous quittons cette jeune femme, venue à vélo de Paris à Groix ( petit passage en train et bateau bien sûr ), impressionnés par le talent, la détermination , la cohérence et la douceur de cette illustratrice à suivre sans hésitation !

 

Pour découvrir le blog de Maurèen : https://poignonecmaureen.blogspot.com/

 


Chronique de lecteur :  » la petite fille jaune tournesol « 

 

 

 » la petite fille jaune tournesol  » est un livre à double lecture.

L’enfant y découvre un monde coloré, poétique et intense. C’est une ode à la vie, au vivant. Le beau y est omniprésent, et la qualité des dessins amène un rendu féérique.

Pour l’adulte, nul jugement, ni morale, juste un questionnement subtilement distillé au fil des pages au travers de cette enfant débordante de vie face à ces gens ternis, de leur uniformité écrasante et de leur flamme éteinte.

Le gris est la couleur d’un ciel qui gronde, d’un avant-orage, d’un soleil caché, d’une flopée de nuages … et de tout plein de choses, mais le gris est aussi transitionnel.
Il ne reste pas, il peut être coloré, comme il peut en tomber de la pluie. Il peut laisser place au beau temps, comme à l’orage.

S’il ne devait me rester qu’un sentiment à la fin de cette lecture, ce serait celui d’une envie de coloriser le monde.

 

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Marie Jaouen

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