Le Guillemot de Troïl, sorti du mazout

Le Guillemot de Troïl, sorti du mazout
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L’Erika n’aura pas eu raison du Guillemot de Troïl. Et pourtant, l’interminable agonie de dizaines de milliers d’individus englués dans le bain de mazout qui se substituait à la mer, laissait aux spécialistes le pire présage : l’impact sur les petites colonies bretonnes pourrait entraîner leur déclin. C’était le 12 décembre 1999. Le pétrolier faisait naufrage au large des côtes bretonnes, déversant dans le golfe de Gascogne, 17 000 tonnes de fuel lourd, exterminant plus de 100 000 oiseaux, dont 83 % étaient des Guillemots de Troïl. Si quinze ans plus tard, les colonies de cet oiseau marin de la famille des alcidés prospèrent en Bretagne, c’est en partie du fait de leur situation géographique au moment du naufrage.

Peu de reproducteurs bretons parmi les victimes

« Les reproducteurs des colonies bretonnes se trouvaient sur le littoral nord de la Bretagne et n’ont donc pas été touchés par la marée noire. Les individus décimés sont des jeunes non-reproducteurs ainsi que des individus d’autres colonies. », explique Bernard Cadiou, biologiste ornithologue. Parmi les individus présents à ce moment dans le golfe de Gascogne, on estime à deux tiers le nombre de jeunes de l’année et d’immatures (1 à 4 ans), quand les reproducteurs potentiels et anciens reproducteurs constituaient le tiers restant. Mais surtout, l’endroit était majoritairement peuplé de Guillemots originaires des îles britaniques, venus hiverner. « Un impact a en effet été constaté sur la survie d’autres colonies mais les non-reproducteurs se sont reproduits et l’impact sur la population globale a été résorbée. », rapporte l’ornithologue. Cette capacité qu’a l’espèce à absorber des pertes massives est due au nombre de jeunes reproducteurs supplémentaires, dépassant le nombre d’anciens reproducteurs qui meurent chaque année et constituant ainsi une résèrve d’individus.

« L’effet serait catastrophique si la marée noire se produisait à proximité des colonies en période de reproduction »

Cependant, cette capacité se verrait fortement amoindrie si plusieurs catastrophes de cette ampleur venaient à se succéder et les répercutions sur la population peuvent énormément varier selon la zone impactée et la période. « L’effet serait catastrophique si la marée noire se produisait à proximité des colonies en période de reproduction, car elle décimerait alors une grande part des reproducteurs. », prévient Bernard Cadiou. Par ailleurs, l’Erika n’a pas épargné toutes les espèces d’oiseaux marins : l’Eider à duvet, qui comptait 24 couples présents dans le golfe de Gascogne, a complétement disparu. Face à la rapidité et l’ampleur d’une telle marrée noire, les opérations de sauvetage semblent vaines. Sur 74 000 oiseaux retrouvés englués sur le littoral français, seuls 2150 ont pu être sauvés. « Le meilleur moyen de lutter est de renforcer le contrôle des bateaux, soutient l’ornithologue, car en situation de crise les structures ne peuvent gérer l’arrivée massive d’oiseaux. »

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Marie-Emmanuelle Grignon

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