JARDINS DE L’IMAGINAIRE – ÉTATs D’ESPRITs. Dialogue artistique entre un lieu et la photographie

Le photographe morlaisien Gérard Rouxel était au début de cette année en résidence* à l’école publique Cragou-Monts d’Arrée sur la commune du Cloître-Saint-Thégonnec, afin d’initier les élèves du CP au CM2 à sa pratique artistique, en croisant son propre projet artistique avec celui des enfants. Gérard Rouxel, joue avec l’imaginaire que le site de l’Abbaye du Relec peut dégager, il appréhende l’esprit du lieu, par des assemblages numériques de photographies, prises à différents moments de l’année. Les écoliers quant à eux font le portrait imaginaire de leur commune. Subventionné par la DRAC, ce projet donne lieu à une exposition du photographe et des écoliers visible jusqu’au 31 octobre dans le potager de l’Abbaye du Relec, l’un des magnifiques sites de Chemins du Patrimoine en Finistère.

Nous ouvrons nos colonnes en deux temps : aujourd’hui avec les mots du photographe et ceux du paysagiste Gilles Clément qu’il convoque pour présenter son propre travail. Celui des enfants le sera dans un second article à venir tout prochainement.

C’est un processus créatif et une écriture qui s’est imposée sur le lieu de l’abbaye. Une question est arrivée, assez simple et en même temps redoutable « Une écriture photographique peut-elle traduire un dialogue entre un lieu et un photographe ? ». La réponse est arrivée juste après la question ou, peut-être, juste avant.

Bien que la question soit assez précise, ce qui se joue là est beaucoup plus vaste, sûrement plus complexe aussi. Dialoguer avec un lieu, demande de le faire avec l’ensemble des éléments présents, tous les éléments, y compris celui ou ceux que l’on ne voit pas : l’esprit ou/et les esprits du lieu. Il y est question de dialogues, d’échanges entre des êtres et des esprits.
Entamer ce dialogue peu habituel, de vivant à vivant, de matière à matière, d’espace à espace, en reliant tout avec tout. Comment capter sans enfermer, demander la permission, se faire accepter, garder sa place, chacun la sienne ? Être à l’écoute ou converser avec l’esprit des arbres, celui des êtres humains, de l’eau, du vent, des pierres, du héron, du potager, des voix d’Arrée Voce, de la ligne de crête juste au-dessus…
Se laisser embarquer par ces esprits qui font l’esprit du lieu. Être vraiment là, présent, car ils sont joueurs. Sans oublier l’esprit de Chronos, du temps, du temps qui passe ou qui s’éternise. Regarder le temps prendre sa place à chaque instant, instant après instant. Instants collés en transparence les uns avec les autres, créant un autre temps, une autre existence du temps, comme on regarde un nuage, pfttt…, déjà transformé.
Cette écriture ne traduit pas, ne montre pas. Elle transmet sans comprendre, comme un chaos brut de création, comme une expérience de liberté laissée au lecteur de recevoir, ou pas, son envie ou besoin de voir… pour voir.

Claire Prijac, directrice du site de l’Abbaye du Relec et Gérard Rouxel
devant deux de ses tirages photographiques.
Photo : Laurence Mermet

« Le paysage renvoie chacune de ses perspectives aux perspectives intérieures de celui qui le contemple. Le jardin est la démonstration d’une pensée. Le paysage, symptôme culturel, création de l’esprit, ne sera rien sans une image qui lui soit propre, atteinte et gagnée à travers le corps : le jardin. Tout homme, assujetti à sa propre cosmogonie, porte en lui-même un jardin qui traduit le paysage et, au second plan, l’univers entier. Le fait que dans un lieu de culture, contrôlé et circonscrit, cohabitent le visible et l’invisible, oblige à considérer ce lieu, le jardin, comme le territoire spécifique de l’âme où l’artifice, quels que soient les capacités et les résultats, se met au service des visions les plus lointaines. D’où l’impossibilité de réduire ce lieu à des limites physiques. La corrélation entre paysage et jardin nait quand l’homme prend conscience de son propre environnement et trouve les mots pour le définir ». Gilles Clément, les caractéristiques du jardin planétaire.

*Une « résidence d’artiste » désigne l’octroi pour un artiste d’une aide à la création artistique tant financière que logistique sur une durée et un projet donné. Une résidence est soumise à un cahier des charges strict impliquant que 70% du temps de présence de l’artiste soit dévolu à sa création sur le lieu ou le territoire d’accueil et employer 30% à des actions de médiation.
Ici, la structure d’accueil est Chemins du Patrimoine en Finistère (dont l’Abbaye du Relec est un des cinq sites). Le travail photographique de Gérard Rouxel a été mené d’Octobre 2019 à mars 2020 (il devait continuer jusqu’en mai, un virus en a décidé autrement) sur l’ensemble du lieu. Parallèlement les enfants de l’école du Cragou du Cloître-Saint-Thégonnec ont réalisé un «portrait imaginaire» de leur commune, pendant la même période. L’artiste a accompagné les élèves dans leur démarche créative, les laissant choisir ou être choisi par les lieux. L’exposition de leur travail est à voir dans le jardin potager de l’abbaye.

Gérard Rouxel a créé un catalogue de cette exposition, en vente à la boutique de l’Abbaye du Relec. Format 20×20 cm, 36 pages en double et 4 pages de couverture. 22€




Une application pour aider les habitants de Nantes à mieux trier

Depuis 2015, l’association «Mieux trier à Nantes » a lancé une application mobile et un site internet répertoriant toutes les informations sur le tri à Nantes Métropole mais également les coordonnées des structures de réemploi. En développant son logiciel libre de droits, l’association ambitionne de le répliquer partout en France.


Ce déchet est-il
recyclable ? La déchetterie la plus proche de chez moi est-elle
ouverte ? Où se situent les conteneurs de verre à proximité ?
Quels sont les jours de collecte des déchets?

Le tri et les consignes de tri peuvent engendrer de nombreux questionnements pour les particuliers. En effet, même si la prévention sur le tri et les consignes de tri est importante à l’échelle nationale, les informations qui y sont données restent souvent bien trop générale et peu adapté aux consignes propres à chaque localité. Pour aider les habitants de Nantes Métropole à y voir plus clair, l’association « Mieux trier à Nantes » a lancé en 2015 une application Android et IPhone pour tablettes et téléphones ainsi qu’un site internet.

Grâce à des données en open data, c’est-à-dire dont l’accès et l’usage sont laissés libres aux usagers, l’application ainsi que le site internet a pu grandement se développer jusqu’à répertorier des cartes interactives dont certaines dénombrant près de 1200 points de repère dans la Métropole de Nantes. Emplacements des déchetteries, horaires et jours de collecte, lieux de distribution des sacs bleus (une spécificité nantaise) et jaunes, coordonnées précises des lieux de dépôt et des structures de réemploi, toutes les informations sur le tri y sont présentes pour favoriser le recyclage et le réemploi. Un grand avantage pour les utilisateurs est que l’application n’a pas besoin d’Internet. De plus, l’application ne mesure que 7,5 Mo.

Créée par une équipe de bénévoles, « Mieux trier à Nantes » s’est développé après une participation au concours Open Data de la ville de Nantes « Rendez-moi la ville + facile » en 2012 où le projet avait été présenté. Après une première version bêta et plusieurs années de développement, l’association a récemment lancé une carte interactive qui recense les magasins de produits d’occasions tenus par les associations ou des friperies et les boîtes à dons et cherche des bénévoles pour les aider à les répertorier. Après une deuxième application spécifique aux consignes de tri de Montpellier, « Mieux trier à Nantes » souhaite que leur logiciel libre de droits se réplique partout ailleurs en France.

Liens utiles :

  • L’application Android – voir l’application sur Play Store
  • L’application Windows Phone – voir l’application sur Windows Store
  • Le site Internet qui donne les mêmes infos que les applications – voir le site



Matthieu Combe. « Nous baignons dans le plastique à tous les stades de notre vie »

Interview de Matthieu Combe, auteur de « Survivre au péril plastique – Des solutions à tous les niveaux » (éd Rue de l’échiquier). Récemment de passage dans les librairies « A la Lettre Thé » à Morlaix et « L’Ivresse des Mots » à Lampaul-Guimillau, il vient de se voir décerner pour cet ouvrage le prix Roberval Grand public 2019 à Compiègne.

Vous
préférez parler des plastiques plutôt que du plastique…

Le
terme « plastique » est un terme générique qui fait
référence en réalité à une multitude de matériaux. Il existe
des centaines de familles de plastiques. Les six familles les plus
répandues sont le polyéthylène téréphtalate (PET), le
polyéthylène haute-densité (PEHD), le polyéthylène basse-densité
(PEBD), le polychlorure de vinyle (PVC), le polypropylène (PP) et le
polystyrène (PS). Mais dans chaque famille, les plastiques restent
différents, car ils présentent des propriétés différentes
conférées par des additifs divers : anti-UV, anti-microbiens,
colorants, retardateurs de flamme…

Le
problème n’est pas le plastique en tant que matériau. La
problématique concerne surtout sa production exponentielle et ses
usages superflus, notamment dans les emballages. C’est le manque
d’éco-conception qui fait que des plastiques techniquement
recyclables ne sont pas recyclés par manque de rentabilité et de
filières. C’est aussi le fait que les plastiques sont
majoritairement produit à base d’énergies fossiles et que certains
de leurs composants soient toxiques. C’est surtout le manque de
gestion des plastiques en fin de vie qui fait que l’on en retrouve
partout dans l’environnement et que
près de 80% des déchets retrouvés dans la mer sont en plastique.

Vous
dites que nous baignons dans le plastique à tous les stades de notre
vie…

Le
plastique est présent partout autour de nous, de notre enfance à
notre vie adulte. Bébés, nous sommes en contact avec le plastique à
travers les biberons, les tétines, la vaisselle… Puis, nous
finissons rapidement habillés en plastique de la tête au pied.
Textiles, emballages, numérique, cosmétiques… nous baignons au
quotidien dans le plastique. Regardez autour de vous, vous verrez
très rapidement du plastique, à commencer par celui de votre
téléphone, de votre tablette ou de votre ordinateur.

Comment
et pourquoi le plastique est-il devenu l’ennemi public n° 1 ?

Si
le plastique est présent dans notre quotidien, il finit trop souvent
par polluer l’environnement. Quelques chiffres parlent d’eux-mêmes.
Environ 8 millions de tonnes de plastiques finissent dans les océans
chaque année. Près de 270 000 tonnes flottent à la surface des
océans, mais autour de 150 millions de tonnes se retrouvent sous la
surface, jusqu’au fond des océans. Le plastique se retrouve
désormais dans les eaux, les sols et l’air.

Pourquoi
est-il devenu l’ennemi public n°1 ? Car il n’est pas
biodégradable et mettra des centaines, voire des milliers d’années
à disparaître en fonction du milieu où il finit. Parmi les grandes
causes, citons le manque d’infrastructures de collecte et de
traitement des déchets et des eaux usées. La consommation de
plastiques augmente beaucoup plus vite que la construction des
infrastructures nécessaires à leur collecte et à leur traitement.
Dans plusieurs pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du sud, entre 60
et 90% des déchets sont mal gérés. Les déchets plastiques se
retrouvent majoritairement dans des décharges à ciel ouvert ou dans
la nature.

Selon
vous, nous avons toutes les clés en main pour lutter contre les
pollutions du plastique… Quelles sont les plus encourageantes ?

Pour
résoudre le problème, il faudra avant tout réduire notre
consommation de plastiques. Il faudra des lois pour interdire
certains types de plastiques à usage unique et les microbilles. Les
engagements volontaires des entreprises et des marques pour réduire
l’utilisation des plastiques et augmenter l’incorporation de matières
recyclées devront laisser la place à des obligations chiffrées.

Afin
de réutiliser ou de recycler 100% des plastiques, il faudra
atteindre 100% de collecte. Cela passe par la mise en place du tri
partout, dans toutes les collectivités, dans l’espace public, lors
des événements et dans les entreprises. Les citoyens ont aussi un
rôle important à jouer. Ils peuvent faire attention à leurs
achats, en achetant moins de produits transformés emballés dans du
plastique, en respectant les consignes de tri et en interpellant les
marques sur leur utilisation de plastique.

Qu’appelle-t-on
un plastique biosourcé ? Constitue-t-il il une solution
prometteuse ?

Aujourd’hui,
seulement 1% de la production mondiale de plastiques est faite à
partir de produit biosourcés. Un plastique est dit biosourcé
lorsque la matière première pour fabriquer ses polymères est issu
de la « biomasse », c’est-à-dire d’origine végétale,
animale ou de micro-organismes. Cela ne signifie par qu’il sera
biodégradable ou compostable en fin de vie.

Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et la raréfaction des matières premières non renouvelables, la solution la plus prometteuse est la recherche de nouveaux plastiques biosourcés, réutilisables, recyclables, ou compostables à base d’algues, de déchets organiques ou de CO2.

Matthieu Combe a fondé le magazine en ligne Natura-sciences.com en 2009. Gratuit et à destination du grand public, le magazine a à cœur de présenter les solutions pour réduire son empreinte écologique. Les thématiques abordées sont variées : alimentation, énergie, pollution, santé, politique environnementale, transition écologique…




Pas à pas. J’apprends à faire ma cire naturelle pour cheveux

Bien trop souvent, il peut être difficile, autant pour les hommes que pour les femmes aux cheveux courts, de trouver une cire pour les cheveux avec une composition saine, naturelle et sans produits chimiques. Eco-Bretons à trouvé LA recette de cire qui n’étouffe pas le cuir chevelu, stylise vos cheveux et les nourrit en profondeur.


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La cire est prête !

Il ne vous reste plus qu’à appliquer une petite quantité de cire cheveux maison sur votre chevelure, selon l’utilisation que vous souhaitez en faire : fixer, discipliner, styliser ou encore démêler. A utiliser de préférence sur sur cheveux mouillés. A conserver au congélateur après utilisation


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Portrait de femme n°3. Anne-Laure Nicolas, Domaine du Bois du Barde à Mellionnec (22)

Rencontre avec Anne-Laure Nicolas, co-fondatrice et coordinatrice du Domaine du Bois du Barde à Mellionnec (22), un Pôle Territorial de Coopération Economique (PTCE) sur lequel on trouve une ferme, un camping, et deux associations. Un éco-domaine dédié à la transition, qui prend tout son sens dans le parcours de vie d’Anne-Laure.

Mellionnec. Situé en plein cœur du Pays Pourlet, entre Rostrenen et Guémené-Sur-Scorff, le petit bourg de 430 habitants du Kreiz Breizh est connu pour son dynamisme. Notamment grâce à Ty Films, association qui travaille autour du film documentaires et qui organise des rencontres annuelles sur ce thème, à la librairie-café « Le Temps qu’il Fait », mais aussi grâce au Domaine du Bois du Barde. C’est dans cet éco-domaine que nous retrouvons Anne-Laure Nicolas, co-fondatrice et coordinatrice du domaine. Un lieu qu’elle a « imaginé depuis très longtemps, depuis toute jeune ». Une aventure qui a démarré en 2006, en construisant la maison familiale. Petit à petit, l’endroit est devenu un « lieu économique, de transmission et de partage, à partir de 2011 », explique Anne-Laure. Aujourd’hui, le Domaine du Bois du Barde est devenu un Pôle Territorial de Coopération Economique (PTCE). Un statut qui fait partie du champ de l’Economie Sociale et Solidaire, mais bien connu que les Scop ou les Scic. « Il y a cinq PTCE en France basés sur des fermes comme ici », précise Anne-Laure. Au Bois du Barde, on trouve ainsi plusieurs structures : la ferme sur 24 hectares, où sont récoltés des pommes à cidre et de la sève de bouleau ; le camping avec ses hébergement insolites qui bénéficie de l’Ecolabel Européen ; l’association Koed Barz qui s’occupe de la partie pédagogique et des événements culturels du lieu ; et une autre association, Breizh Cooperation, qui transmet la manière de travailler au Bois du Barde pendant des stages, des week-ends…

« Je ne vais pas parler de « mission de vie », mais c’est quelque chose qui est ancré en moi depuis toujours »

Un riche projet qui fait sens dans le parcours d’Anne-Laure. « Je ne vais pas parler de « mission de vie », mais c’est quelque chose qui est ancré en moi depuis toujours», confie-t-elle. Issue du milieu rural, titulaire d’un bac agricole, son premier travail a été dans l’animation, avec le poney comme outil pédagogique, auprès des enfants, des adultes et des personnes en situation de handicap. Bretonne d’adoption, elle est tombée amoureuse de la région et a choisi de déménager ici à 24 ans. « Dès mon arrivée, je voulais créer un lieu comme le Bois du Barde, je ne me voyais pas faire ça ailleurs », évoque Anne-Laure. « Le projet a pris une tournure précise grâce aux personnes rencontrées, qui m’ont enrichie. Au fur et à mesure, il est devenu de plus en plus écologique, avec notamment la maison en paille ou encore les bassins en phytoépuration. Les gens que j’ai rencontrés ont enrichi ce projet à leur manière. Et je pense que je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui, et le Bois du Barde ne serait pas ce qu’il est, sans ces personnes, qui parfois n’ont fait que passer ».

Mais tout n’a pas été un long fleuve tranquille. Au tout début de son aventure bretonne, lorsqu’elle a voulu s’installer, on la dissuade « On m’a dit : tu as 24 ans, va te marier, fais tes gosses et on reparlera plus tard ». De même, en 2001, les projets de diversification agricole « étaient impossibles » se souvient-elle. « Ca n’a pas été facile pour moi d’accepter ça, parce que je suis arrivée pleine d’idéaux, avec toute mon énergie ». Changement de décor alors pour Anne-Laure qui quitte le Trégor pour Rennes. Elle y rencontre le milieu bretonnant : musiciens, organisateurs de Fest Noz, démarrage du festival Yaouank… En parallèle, elle est formatrice Bafa-Bfd en bénévole. Elle se lance dans un Brevet d’État d’Animateur Professionnel (Bejeps aujourd’hui), pour se professionnaliser. Au même moment, Anne-Laure rencontre le père de ses enfants, qui lui lance « Viens passer un hiver en Kreiz Breizh et après on verra ». Un test réussi. « J’ai beaucoup aimé, le Centre-Bretagne m’a reconnecté à la nature ». Elle devient alors directrice d’un centre de loisirs dans le Morbihan, du côté du Pays du Roi Morvan. Elle commence à construire son projet de famille, et emménage dans une longère sur la ferme de ses beaux-parents. Un enfant, puis deux, puis trois naissent. Le projet de création du Bois du Barde est alors relancé, Anne-Laure ayant toujours « l’idée en tête ». Gilles, le père de ses enfants, poursuit son activité de technicien du spectacle, sur des festoù-noz ou des grands festivals. Il se lance aussi dans une formation pour être meneur de tourisme équestre, voulant changer d’activité par la suite. Mais tout ne se passe malheureusement pas comme prévu. « Il y a des choses qui arrivent, ce n’est pas pour rien, même si c’est dur à vivre », lâche Anne-Laure. Gilles fait une rupture d’anévrisme, alors qu’il allait s’installer et acheter les vergers. « J’étais enceinte de notre dernière », explique Anne-Laure. « Sur le coup, c’est dur à vivre. Là ça fait 10 ans, on est ressorti grandis. Il a un handicap cognitif à 80 %. Mais grâce à lui, je grandis aussi. L’accompagner dans son handicap, ce n’est pas facile, au quotidien, ce sont des épreuves, des remises en question. Malgré tout le Bois du Barde c’est aussi lui, car il l’a façonné avec moi. Il a sa place ici, c’est important ». Dans l’adversité, Anne-Laure peut s’appuyer sur des personnes ressources qui l’entourent, qui font partie du projet. Elle a « aussi appris à demander de l’aide, ce qui n’est pas facile ».

« Déjà, pour moi, tout est lié. Ce n’est pas un travail. Tous les jours, quand je me lève, ce que je fais, je sais que ça a du sens pour moi »

Comment fait-elle pour arriver à tout concilier ? « Déjà, pour moi, tout est lié. Ce n’est pas un travail. Tous les jours, quand je me lève, ce que je fais, je sais que ça a du sens pour moi », analyse Anne-Laure. Mais attention à la contrepartie. « J’ai fait une grosse fatigue cérébrale », confie-t-elle. Entre la gestion du quotidien avec des enfants « zèbres » et le handicap de Gilles qui au début ne pouvait pas conduire, la charge mentale a été lourde. « Ça a été très dur à vivre, mais aujourd’hui avec le recul, je me dis que si je n’avais pas eu ça, je ne serais pas qui je suis aujourd’hui. Les épreuves, elles te façonnent ». Des épreuves qui ont influé sur le Bois du Barde, mais en bien. « Ca a permis de poser le cadre qui est celui d’aujourd’hui, que ce soit au niveau de la coopération économique ou de l’habitat participatif. On utilise la sociocratie notamment ». Un mode de gouvernance partagée, une sorte de démocratie qui ne fonctionne pas en système pyramidal avec un chef unique, mais avec une place pour chacun. « On fonctionne en cercle », déclare Anne-Laure. «Il y a un cercle stratégique qui va réunir un représentant de chaque cercle opérationnel. Il y a aussi des « référents intellectuels », des « sages », qui sont au-dessus de moi et qui apportent leur regard, par exemple si quelqu’un veut entrer dans la coopération économique ou l’habitat participatif ». La sociocratie, ce sont aussi des protocoles de réunion spécifiques : pas de table, en cercle, avec un facilitateur/animateur, où chacun peut faire des propositions (information, réaction, avec besoin de prise de décision derrière). « L’avantage, ce sont que les introvertis peuvent aussi avoir toute leur place ». Autre principe de la sociocratie : les élections sans candidats. « On fait un profil de poste comme si on cherchait un employé, avec des compétences et des qualités. Ensuite, on cherche dans le groupe qui est capable de faire ça ».

« Les femmes ont une place à prendre, les hommes doivent leur laisser la place et être attentifs à elles »

Un fonctionnement qui sied bien au Bois du Barde, qui est un lieu dédié à la transition écologique. Pour la fondatrice, la transition écologique est « un mot récent, qu’on emploie davantage depuis la démission de Nicolas Hulot sur France Inter. Je pense qu’il y a eu un déclic à ce moment-là de la part du grand public, qui a commencé à se poser des questions ». Pour elle, la permaculture est une belle grille de lecture pour la transition. « Rob Hopkins en parle très bien, Damien Carême à Grande-Synthe aussi ». Revenir au local , développer l’habitat écologique, les énergies vertes, l’autonomie… sont autant de thématiques qui intéressent Anne-Laure. Elle donne d’ailleurs des « causeries » et conférences sur la permaculture, ou encore sur la place du féminin dans la transition. « Aujourd’hui, le constat que j’ai fait avec d’autres femmes, c’est que les « têtes de gondole » sont des mecs. Même dans le milieu alternatif, on doit travailler sur notre égo, sur notre légitimité et notre envie de dire les choses. Peut-être que les mecs devraient laisser la place aux femmes aussi », exhorte Anne-Laure, qui pense aussi que « Les femmes ont une place à prendre, les hommes doivent leur laisser la place et être attentifs à elles ». Si elle ne remet pas en question l’engagement d’hommes tels que Cyril Dion ou Maxime De Rostolan, Nicolas Voisin, ainsi que leur mouvement, elle s’interroge « Où sont les nanas ? ». « Je pense qu’on a un gros problème de sentiment d’illégitimité ». Face à une planète en danger, Anne-Laure constate cependant que les femmes n’ont plus « peur d’y aller ». « En tant que femme, on a la capacité de donner la vie, qu’on décide de le faire ou pas. Et là, l’humanité est en péril. C’est pas la planète qu’on doit sauver là, c’est nous. C’est pour ça que les femmes sortent de l’ombre. C’est long, ça prend du temps, on a besoin de travailler sur nous. Mais on y va parce qu’on doit le faire », déclare-t-elle.

Pour Anne-Laure, l’important est de trouver l’équilibre masculin-féminin qui est en chacun, afin de « mieux aller vers l’autre ». « Pour moi, aujourd’hui, la transition passe par là. » Le défi du 21ème siècle selon elle ? « L’humain face à lui-même ».

Ecoutez l’entretien avec Anne-Laure :






Cinéma – Walkabout : mûrir en milieu aride.

Compétiteur cannois sorti en 1971, Walkabout relate
l’histoire d’un frère et d’une sœur abandonnés dans le bush australien par leur
père. Ce dernier se donne la mort après avoir essayé de les abattre. La jeune
fille fait preuve d’un étonnant pragmatisme et d’une grande maturité. Elle ne
panique pas face à la mort de son père et son premier réflexe est de protéger
son frère, âgé quant à lui d’environ six ans, de ce père. Et, quasi
instantanément, ils se mettent en route, sans pleurer leur père, sans larmes,
sans panique.

Un film à portée
universelle ?

De ces deux enfants on ne sait rien de précis, ni leur âge
ni leur nom, seulement qu’ils sont issus d’une famille visiblement aisée, un
anonymat comme pour donner à cette histoire une dimension universelle et c’est effectivement,
un film sur l’humanité.

Survivants à l’infanticide, les deux enfants, plus
particulièrement la grande sœur, adolescente d’une quartorzaine d’années, font
preuve de beaucoup de courage et de sens pratique.

Après avoir trouvé refuge quelques heures dans un oasis dont
l’eau s’assèche bien vite, ils font la rencontre d’un adolescent aborigène en
plein « walkabout », un rite de passage à l’âge adulte consistant à
vivre seul dans la nature pendant plusieurs mois, celui-ci les prend, très
naturellement, sous son aile. Le jeune homme connait parfaitement la géographie,
la faune et la flore l’« outback ». S’ensuivent des jours qui
semblent, heureux composés de jeux, de chasse et de longues baignades. Si ces
trois jeunes gens semblent former une fratrie, des sentiments amoureux ou du
moins d’attirance naissent quasi instantanément dès la rencontre entre les deux
adolescents. A aucun moment, l’un ou l’autre ne fera preuve d’irrespect, de
comportements déplacés, ce malgré la difficile communication entre ces deux
jeunes gens que langue et culture séparent. Les rapports des adultes, semblent reposer
sur le non-dit, la tromperie et, malgré une langue et une culture commune ne semble
ne pas parvenir à se comprendre.

De la puissance
des images.

Le film repose en grande partie sur une vision utopique mais
non naïve, du mode de vie aborigène de l’époque, en opposition au mode de vie
occidental. Cette vision n’est jamais exprimée verbalement, le film ne contient
d’ailleurs que peu de dialogues et aucune narration, ce qui d’ailleurs laisse
au spectateur la liberté de « trancher ». Cette opinion est en effet
plutôt exprimée par l’image, par une opposition de plans dont on se demande
parfois la provenance. Sont ainsi opposées les différentes méthodes de chasse
du jeune aborigène à celle d’hommes en 4×4, le rapport à l’art lorsque petit
garçon arbore fièrement sur son dos, comme un blason, une peinture de kangourou
que lui a dessinée le jeune aborigène en opposition au spectacle d’autres
aborigènes exposant des dizaines de petites sculptures identiques réalisées pour
un genre de foire à folklore. Sont également comparées les relations
homme/femme avec du côté des deux adolescents, une relation saine, basée sur le
respect et la douceur, et de l’autre, des flirts graveleux (un groupe de
scientifiques travaillant dans le désert où l’unique femme fait figure de proie
et d’objet sexuel) reposant sur la duperie et la moquerie.

Au-delà, du sens que l’on peut donner à ces images, Walkabout
est également, d’un simple point de vue esthétique, un très beau film et l’on
reconnait dans ces images aux couleurs tangerine et indigo, la patte de celui
qui fit ses débuts dans la direction artistique de Lawrence d’Arabie. Ces
images presque kaléidoscopiques de drôles d’animaux et de superbes paysages
australiens sont sublimées par la musique de John Barry. On peut d’ailleurs
supposer que ces animaux et ces paysages sont filmés comme du point de vue d’un
aborigène.

Un film qui invite
à la réflexion avant et après 14 ans.

Si Walkabout est un film de survie, il
est aussi un film d’amour, d’initiation et semble être le fruit d’une réflexion
non simpliste, ouverte et approfondie, sur le consumérisme, le rapport de
l’homme à la nature, de l’homme à ses semblables.

Si Walkabout figure sur la liste British Film Institute des 50 films à voir avant d’avoir 14 ans, ne vous estimez surtout pas trop âgé pour le regarder, il s’agit d’un film qui fait réfléchir à tout âge, et qui -selon moi- peut encore, si ce n’est plus profondément, résonner à l’âge adulte.

A lire :

  • Le chant des pistes (The Songlines) – Bruce Chatwin (1987) : l’auteur britannique voyant sa vue le quitter, abandonne sa vie d’expert en peinture moderne pour partir à la rencontre des nomades du monde et dans ce livre des aborigènes australiens et leurs itinéraires chantés.
  • Walkabout – James Vance Marshall (1959) : roman librement adapté par Edward Bond et Nicolas Roeg pour le film éponyme, retraçant l’histoire d’un frère et d’une sœur devant se débrouiller dans le désert australien suite à un crash aérien.