A la « Manu » de Morlaix, ce que les artistes font aux Jardins, ce que les Jardins font aux artistes

A la « Manu » de Morlaix, ce que les artistes font aux Jardins, ce que les Jardins font aux artistes
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Montage photos de : Gérard Rouxel, Laurence Mermet, Ximena de Leon Lucero, Jacqueline Ledoux, Elise Hallab.

Le premier volet de ce triptyque d’articles consacré à la renaissance si singulière des Jardins de la Manufacture des tabacs de Morlaix, se focalisait sur celui qui en a la charge, Tiphaine Hameau, « un humain du sensible et du geste compagnon de la plante ». Se présentant avec justesse comme artiste-jardinier nourri par l’Arte povera et le Land art, il lui tient à coeur de proposer à d’autres artistes d’entrer en dialogue fécond avec les Jardins sous différentes formes : résidences, expositions, spectacles.

Réalisé avec le concours et la plume de Tiphaine Hameau ainsi que celles des autres artistes que ce 2ème volet vous invite à découvrir. Deux d’entre elles sont en sortie publique de résidence du 25 au 29 septembre 2024.

Volet 2 – Parmi les artistes que les Jardins de la Manufacture accueillent, le photographe Gérard Rouxel, la graveuse/dessinatrice Ximena De Leon Lucero et la plasticienne Elise Hallab. Les deux premiers vivent à Morlaix et co-animent COURANTs D’ART dans une ancienne tannerie de Plourin-les-Morlaix où se déroulent expositions et ateliers partagés.

Gérard Rouxel travaille en immersion dans différents lieux pour saisir l’invisible, ce que l’on ne définit pas mais qui constitue l’esprit des lieux. Très touché par ses rencontres au fil des saisons avec Tiphaine Hameau et les Jardins, le photographe y est intervenu à plusieurs reprises ces dernières années.

Entre novembre 2021 et mai 2022, dans le cadre d’un projet d’éducation artistique et culturelle (EAC) proposé par l’association Les Moyens du bord, avec Ximena De Leon Lucero, il a accompagné les élèves de deux écoles primaires locales… En-quête(e) de lumières(s)*.

Gérard Rouxel a ainsi initié les élèves de l’école publique bilingue (français-breton) Jules Ferry de Saint-Martin-des-Champs, à l’art subtil de saisir l’ombre et la lumière dans les Jardins de la Manufacture : « Au-delà de l’apprentissage de la photographie, les élèves capturent les images qui parlent à leur sensibilité, à leurs cinq sens. C’est un travail sur l’imaginaire et l’invisible », confiait-il à Ouest-France**. Et quels lieux plus sensoriellement inspirants que ces Jardins !?!

Photo : Les Moyens du bord

Puis en Juillet 2023, dans le cadre d’une sortie de résidence qu’il nous présente ci-dessous, le photographe a fait découvrir ses images sur les murs de la Manufacture, marqués par les traces du temps et plus surprenant, en terrarium, c’est-à-dire des bocaux fermés dans lesquels les photos cohabitent et co-évoluent avec le substrat végétal également présent.

De son côté, Ximena De Leon Lucero pratique la taille douce sur cuivre, le monotype et le dessin. Le plus souvent elle mélange le trait puissant et net du burin à celui sensible et doux de la pointe sèche. Si le projet EAC** de découverte de la gravure qu’elle a mené avec les élèves de l’école publique bilingue morlaisienne Poan Ben ne les ont pas conduit.es jusqu’aux Jardins de la Manufacture, ce n’était que partie remise puisque Ximena y oeuvre actuellement, avec une autre artiste, Élise Hallab.

Leurs résidences que la plume de Tiphaine Hameau nous décrit maintenant, s’appuient pour chacune sur un temps de recherche, d’expérimentation, de restitution puis de médiation. Leurs réalisations seront visibles par le public du mercredi 25 au dimanche 29 septembre de 15h à 19h30. Un temps de rencontre avec Élise le mercredi 25 de 16h à 19h puis avec Ximena le vendredi 27 de 16h à 19h.

« Dans les ombres du jardin (se balade une chèvre…) »

La résidence de Ximena De Leon Lucero repose sur deux axes de recherche : les ombres, comme le cliché d’un instant figé et, d’autre part, les traces sur l’écorce des arbres du jardin.
Le présent du jardin : les ombres, dans leur instant de vie éphémère. Attraper l’expression d’un instant, de capter une « pose » de la nature dans le plus haut de sa force, dans un moment d’apogée lumineux, comme le « Mié » dans le Kabuki japonais. L’âme d’un instant précis, à un moment précis, dans un lieu précis et emblématique du jardin : l’abri de son gardien. Pour ce faire : du papier d’essences naturelles (Aguagami – kitakana – kizuki) et des crayons…

Photos Ximena De Leon Lucero : Janvier 2024_ombres Graphite sur papier Japon – Mai 2024_écorce Graphite sur papier japon

« Le passé du jardin : il était une fois une chèvre, gentille bête qui, grâce à son appétit féroce, dévora les ronces d’un verger abandonné. La chèvre permit de renouer avec la plénitude de
l’espace, on put l’arpenter à nouveau, on doit beaucoup à la chèvre. Hélas, c’est aussi la chèvre qui, dans son appétit féroce, blessa malencontreusement et fatalement de nombreux arbres.
Comme un retour des choses, qui voudrait que des éléments partent pour que d’autres prennent place à leur tour, des moulages de troncs rongés, des « gravures sur arbres », des impressions et des objets, tenteront de garder le passage de l’animal et la trace de ce temps qui fut. »

Couleurs des plantes invasives et d’autres de la saison d’été

Élise Hallab, qui n’est pas une inconnue pour Eco-Bretons***, vit et travaille à Nantes aux Ateliers Bonus.
Après avoir effectué ses études d’art entre Brest, Nantes et Bruxelles, elle poursuit ses travaux en édition et sérigraphie. Depuis 2015, elle explore les potentialités des encres naturelles en sérigraphie à partir de cueillettes et de collectes de végétaux. Ses travaux artistiques collectifs ou personnels questionnent les notions de paysage, de couleur et de saisonnalité en relation avec la matière première. L’artiste avait notamment fait pousser des plantes tinctoriales dans le jardin solidaire de Morlaix, au cours de l’été 2022, pour en extraire le jus servant à fabriquer ses encres.

Sa résidence actuelle dans les Jardins de La Manufacture s’inscrit en regard du travail de Tiphaine Hameau concernant le rangement des déchets organiques et l’organisation des espaces, le dessin du jardin et parfois la géométrie ; mais aussi par l’aspect patrimonial du jardin et de recherches autour du lin morlaisien. En effet, sa démarche artistique consiste, en arpentant le paysage, à glaner au gré des saisons feuilles, fleurs, fruits, écorces, matériaux utilisés pour la fabrication des couleurs. À partir de ses récoltes, le jus coloré obtenu est travaillé pour être utilisé comme encre de sérigraphie ou comme bain de teinture.

Photos Elise Hallab : composer, cueillir, lire

Si la démarche de Tiphaine Hameau entre en belle résonance avec la volonté de Morlaix Communauté d’accorder une place particulière aux artistes contemporain.es dans les Jardins de la Manufacture des Tabacs, elle n’est pas sans poser un problème inédit à cet écrin de nature. En effet, la qualité du programme d’interventions artistiques proposées*** conjuguées à la magie du lieu, ont pour conséquence d’attirer de plus en plus de monde, au point qu’il s’agit de trouver un équilibre entre la nécessaire quiétude des vivants non-humains de ces Jardins et la volonté de faire découvrir ses trésors vivants, ce par l’instauration d’une jauge de participant.es. Gageons que, de mieux en mieux renseigné, le public saura pratiquer l’art de la patience, si chère aux jardinier.es.

Prochainement : le 3ème et dernier volet de ce triptyque consacré aux relations qu’entretiennent avec les Jardins les étudiant.e.s de BTS gestion et protection de la nature du lycée de Suscinio de Morlaix dans le cadre de leurs projets.

* https://lesmoyensdubord.fr/en-quetes-de-lumieres-ximena-de-leon-lucero-gerard-rouxel/

** https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/en-images-en-quete-de-lumieres-dans-les-jardins-de-la-manu-a-morlaix-7baa6392-ab63-11ec-859a-5b04fa3130a0

*** http://www.eco-bretons.info/elise-hallab-ou-quand-lart-se-mele-au-vegetal/ ET http://www.eco-bretons.info/encres-vegetales-aux-couleurs-subtiles-pour-latelier-serigraphie-de-elise-hallab/

**** Avec les rencontres estivales Station verger, entresort sonore, manuel, ludique et poétique du collectif Les Aimants et Les monologues en plein champ, lecture-promenade musicale de l’écrivaine-comédienne Stéphanie Tesson accompagnée par Olivier Depoix/accordéon, et Emmanuelle Huteau/clarinette-tuba-chant qui ont enchanté les participant.e.s.

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Laurence MERMET

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