Conversion en bio : « J’ai préféré attendre, malgré la prime conversion et une bonne valorisation »

Conversion en bio : « J’ai préféré attendre, malgré la prime conversion et une bonne valorisation »
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Pourquoi avoir fait le choix de la conversion ?

J’ai pris la décision de convertir mon système à la bio en avril 2006. J’avais déjà été en système herbager les deux premières années de mon installation. Puis, j’étais resté proche du bio avec un système maïs et herbe. J’utilisais un compost certifié bio pour assurer mes rendements. Il est provenait de ma commune, Naizin, et était issu de lisier de porc et de déchets verts. Cela m’évitait d’être totalement autonome.
La raison majeure de ma conversion à la bio, c’est le pulvé. Je ne supportais pas de l’utiliser. Finalement, on ne sait pas ce qu’il y a dedans. Avant l’entrée en conversion, je n’utilisais déjà pas d’engrais chimiques. J’ai toujours eu horreur des traitements et je les maîtrisais mal. Il m’est arrivé une fois de traiter une parcelle à cause du rumex. Mais quand j’ai vu l’effet que cela avait eu sur l’herbe… cela m’a ôté l’envie de recommencer.
Pour la bio, je m’étais déjà posé des questions au moment des CTE. Mais je ne me sentais pas encore au point techniquement. Même s’il y avait la prime et une bonne valorisation, j’ai préféré attendre.
Aujourd’hui, je me sens en harmonie avec moi-même. Moi qui suis assez indépendant, je ne suis plus sous la dépendance de techniciens qui me disent comment je dois faire. Surtout, il y a moins de traitements dans les champs et aussi sur les animaux.

 

Comment ont évolué vos résultats techniques et économiques et en êtes-vous satisfaits de cette évolution ?

Oui, je suis content. Mais, je dis toujours « peut mieux faire ». En fait, ça n’a pas beaucoup changé pour moi. Avant j’étais à environ à 40% de rapport entre EBE et production et aujourd’hui je suis plutôt aux alentours de 50%. Et puis, je tournais déjà aux alentours de 5000 litres par vache. Ce qui, pour moi, n’est pas trop élevé. J’aimerais bien remonter à 6000 litres pour dégager plus de revenu et travailler moins ou bien pour embaucher.
Au niveau technique, je peux aussi m’améliorer car je ne suis pas très bon en rotation des cultures et, du coup, j’ai un souci avec le parasitisme des génisses de moins de 1 an. Il faut toujours que je surveille les taux de leucocytes et il y a aussi des mammites. Pourtant les Montbéliardes sont moins fragiles que les Holstein.
Depuis ma conversion, j’ai déjà fait appel à un groupement d’employeurs pour un quart temps salarié. Avec le prix du lait en non bio, ça n’aurait pas été possible, car financièrement ça ne serait pas passé. Je peux aussi mieux valoriser mes vaches de réforme en bio et gagner 1 euros de plus à l’hectare : ce qui fait presque 250 euros par animal.

 

Comment avez-vous vécu la baisse des rendements sur votre exploitation ?

J’avais déjà désintensifié une fois. A l’époque, les techniciens ne me donnaient pas 5 ans. Et puis, par ici, quand tu es à 5000 litres ou moins, on te prend pour un rigolo qui ne sait pas travailler. Le regard des autres n’est pas d’ailleurs pas toujours facile.
Pour le passage en bio, j’ai fait en sorte que la baisse de rendement ne soit pas supérieure à 20 ou 30%. Cela a été possible parce que j’ai pu m’agrandir. Et c’est aussi cela, d’ailleurs, qui m’a décidé à partir. J’avais 4 nouveaux hectares. Avec ça, je me suis dit que j’allais stabiliser mon système fourrager. Je pouvais aussi descendre à 200 000 litres mais sans partir en vacances. 
Aujourd’hui, je fais entre 200 et 300 000 litres et quand le prix suit, ce n’est pas un problème.

 

Quels conseils/astuces donneriez-vous à un candidat à la conversion ?

Pour partir et ne pas avoir trop de changements d’un coup, je dirais qu’il faut déjà avoir pas mal d’herbe. Quasiment 80%. Et puis, il faut se préparer pendant pas mal de temps avant d’entamer la conversion. Il ne faut pas non plus avoir peur d’avoir quelques mauvaises herbes dans ses parcelles, surtout en été et en juillet.

 

Comment votre temps de travail a-t-il été impacté par la conversion ?

Je peux dire que je travaille plus qu’avant. Je passe entre une demie heure et 1 heure de plus chaque jour. Il y a le suivi des pâturages. Car tout cela se fait plus dans la pratique. Et puis, je suis plus appliqué. Je suis plus minutieux sur certaines choses. Je vais m’arrêter donner à boire à un veau. Je suis plus attentif. Avant de passer en bio, mes bêtes étaient en système de libre service. Aujourd’hui, je suis passé en distribution. Et puis je les rentre plus souvent la nuit qu’avant. En 2008, je les ai rentrées 12 fois et une vingtaine en 2009.
Pour finir, j’ai aussi une personne qui vient maintenant travailler 30 jours par an.

 

Comment vous êtes-vous armés pour la maîtrise des adventices ?

La maîtrise technique est importante à partir du 15 juin quand il faut gérer les stocks sur pied et la croissance des mauvaises herbes. En plus, chaque année est différente et la gestion de l’herbe et plus compliquée que celle du maïs. J’ai plutôt tendance à me former sur le tas qu’en groupe.
Aujourd’hui, il m’arrive de mettre du sel sur les chardons, à la main, pied par pied. Sinon, je les coupe quand il pleut. J’utilise aussi un girobroyeur. Je coupe assez haut pour ne pas abîmer le trèfle et assurer la repousse.
Finalement, il faut quasiment deux mois de pâturage d’avance, donc j’essaie d’avoir pas mal de trèfle et dans les pâtures.
En théorie, l’alternance fauche et pâturage pourrait aussi être une solution. Mais pour cela, il faudrait que j’aie un parcellaire plus groupé autour du bâtiment.
 

 

Le ZOOM technique : Quel a été pour vous le point technique le plus important à maîtriser en bio ?

La santé sanitaire du troupeau et le choix de la race :
Quand tu es en conventionnel, tu peux davantage traiter ton animal. Au tarissement, par exemple. En bio, il faut choisir le bon moment pour faire le traitement. C’est vrai que depuis que je suis en bio, j’ai plus de leucocytes.
Avant de démarrer, j’ai commencé à mettre plus de Montbéliardes dans le troupeau de mes parents qui avaient des Holstein. La Montbéliarde est moins productive mais elle est aussi moins fragile. Elle est plus rustique et plus résistante. Les petites musclées, elles ne sont jamais malades et elles ne font même pas de mammites. Et puis je trouve qu’il y a une meilleure facilité de vêlage, ce qui est aussi important.

 

Textes : Virginie Jourdan (FRAB) pour SymBIOse
Illustrations : Matthieu Chanel (Agrobio35)

 

 

Plus d’infos

www.agrobio-bretagne.org/

 

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Marie-Emmanuelle Grignon

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