A Morlaix, une journée sous le signe du végétal, entre savoirs et savoir-faire

A Morlaix, une journée sous le signe du végétal, entre savoirs et savoir-faire
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Il est des moments où, d’autres représentants du vivant que les humains, nous appellent si fort qu’il n’est pas possible de faire autrement que d’aller à leur rencontre. Et ce jour-là, en ce premier samedi de mai qu’on annonçait orageux mais qui resta ensoleillé, c’est le monde végétal qui s’est manifesté par l’intermédiaire de la libraire morlaisienne des Déferlantes, Lénaïg Jézéquel. Elle proposait en effet de participer à une vraie « parenthèse botanique pour célébrer ensemble le printemps », en compagnie de quatre femmes passionnées et désireuses de partager activement les savoirs et savoir-faire qu’elles ont acquis en si bonnes compagnies végétales au fil des années.

C’est ainsi que se sont succédé au premier étage de la librairie-café, trois ateliers « de mise en liens avec le vivant », à la fois instructifs et créatifs où des participant.es enthousiastes ont pu s’initier au dessin botanique avec l’illustratrice naturaliste Aurore Colliou, à la confection de teintures mères et macérat de plantes avec la productrice de plantes aromatiques et médicinales Frédérique Trochereau, et à la création de papier végétal et recyclé avec l’artiste-designeuse papetière Laura Conill. En parallèle de ces ateliers, une balade dans les venelles de la ville avec la botaniste Marie Caillaud offrait une initiation à la reconnaissance des plantes sauvages. Appel entendu ! Reportage.

Aurore Collliou : Par le dessin botanique, je rencontre cette plante-là, lui prête attention : qu’est ce qu’elle a à me dire ?

Après des études en école des beaux-arts, Aurore Colliou s’est formée à l’herboristerie. Elle est dessinatrice naturaliste et aquarelliste botaniste. Elle édite également des cartes d’art naturalistes.

Voici ce qu’elle nous livre sur la pratique du dessin botanique :« Apprendre à dessiner c’est d’abord apprendre à voir. La dynamique de l’atelier est donc de se rendre attentif aux vivants végétaux en affinant notre observation. A travers un accompagnement du regard c’est l’occasion de parler de botanique en utilisant un peu le vocabulaire désignant chaque partie: pétales, sépale, corolle, pédoncule… Et aussi de décrire précisément : la couleur, la texture, la forme des feuilles, la pilosité…  On apprend à regarder. Je rencontre cette plante-là, qu’est ce qu’elle a à me dire, je vais rentrer dans son intimité. Le dessin se révèle être ainsi un outil d’observation tout en travaillant quelques techniques : donner corps au volume, faire circuler les ombres et la lumière, façonner les proportions, comment tenir son crayon pour former un trait fin ou rendre un aplat… Le fait de passer par la main et par le crayon est une expérience physique qui va marquer davantage que simplement balayer du regard et permet de développer davantage notre attention. Si on développe une familiarité avec ce qui nous entoure, on y porte une attention plus grande, avec alors le désir d’en prendre soin. »

Ecoutez les témoignages audios de l’animatrice de l’atelier, Aurore Colliou, et de trois participant.es : la botaniste Marie Caillaud, ainsi que Iwen et Maeva, animateurices à Plougasnou :

Aurore :

Marie :

Iwen et Maëva :

Fabrication de teintures mères et macérat de plantes médicinales avec Frédérique Trochereau

Productrice de plantes aromatiques et médicinales, co-fondatrice de Flore d’Arrée (entreprise installée à Pleyber-Christ), formatrice à l’Ecole Bretonne d’Herboristerie, Frédérique Trochereau est également membre active du réseau finistérien Paysan.ne.s-herboristes du bout du monde qui organise chaque année un grand marché saisonnier – la Printanière ; L’Estivale – permettant aux producteurices de se retrouver pour « présenter leurs différentes façons de transformer les plantes, et de créer du lien avec celles et ceux qui comptent sur elles au quotidien. »

Sous sa houlette, les participant.es ont appris en un premier temps à réaliser une teinture mère d’aubépine (propriétés calmantes et anxiolytiques)puis une autre de bardane (propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires). La teinture mère est une solution hydro-alcoolique issue d’un mélange de plantes fraîches et d’alcool. Pour l’obtenir, la plante doit macérer pendant trois semaines dans de l’alcool de grain pur entre 60° et 95°. Ce mélange doit être régulièrement remué à l’abri de la lumière afin que le liquide se charge des principes actifs de la plante utilisée. Il est ensuite filtré, pour ne garder que la solution liquide. La teinture mère est la base de la majorité des médicaments homéopathiques et est régulièrement utilisée en phytothérapie pour soulager de nombreux maux au quotidien.

L’atelier s’est achevé par la fabrication d’un macérat de plantain, réputé astringent, anti-inflammatoire et cicatrisant.

Balade botanique et reconnaissance des plantes avec Marie Caillaud

Marie Caillaud est chargée d’étude Flore et Habitat au Conservatoire botanique national de Brest. Guidées par elle, les participant.es ont parcouru les venelles de Morlaix à la découverte des plantes sauvages qui les habitent. Marie a ainsi pu partager son enthousiasme du monde végétal et transmettre ses outils pour nommer les plantes que nous côtoyons au quotidien, sans que nous leur prêtions attention la plupart du temps.

Création de papier artisanal et recyclé, avec l’artiste-designeuse Laura Conill

Artiste- designeuse et papetière installée à Morlaix, Laura Conill – à laquelle Eco-Bretons a déjà consacré un sujet :https://www.eco-bretons.info/dans-les-papiers-vegetaux-et-cartes-du-vivant-de-laura-conill/) fait partie du collectif Bouillons. Engagé pour le vivant, il est composé de quatre artistes-designeuses, Chloé, Morgane, Laura et Louna, autour de techniques créatives artisanales (teinture naturelle, céramique, papier artisanal et illustration), et de projets qui engagent dans des récits d’autres modes de création et de vie.

Au cours de cet atelier, les participant.es ont découvert avec Laura les différentes étapes de fabrication de papier artisanal et créé des papiers avec des inclusions végétales : fleurs et feuilles glanées en cueillette dans Morlaix, pendant l’atelier précédent de la botaniste Marie Caillaud.

Et pour celles et ceux qui souhaitent parfaire leurs connaissances et pratiques, Laura Conill a publié en juin 2024, un livre intitulé « Faire son papier – recyclé, artisanal, végétal » (ulmer éditeur https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/faire-son-papier-recycle-artisanal-vegetal-979-cl.htm).

Deux recommandations de lecture de Lénaïg, de la librairie-café Les Déferlantes

Cher arbre, de Albane Gellé (esperluète éditions)

Ce recueil, entre témoignage et poésie, est une déclaration d’amour aux arbres qui nous entourent. L’autrice, à travers des lettres qui leur sont adressées, rend hommage avec soin et sensibilité à chacune de leurs spécificités. Saule, aulne, chêne… autant de portraits comme un hommage à la nature et au vivant qui nous entoure en silence. Une invitation à la lenteur afin de regarder et de reconsidérer ces arbres différemment. Dessins de Séverine Bérard.

L’allée des frênes, de Matthieu Flammarion (Actes Sud)

Mahaut, maraîchère indépendante, découvre que l’allée du village qui abrite des frênes centenaires, va être sacrifiée, sous prétexte de maladie. Refusant cette décision arbitraire, elle essaie de mobiliser les habitants pour que cette allée soit considérée comme patrimoine naturel et protégé.

Assez rapidement, afin de bloquer le projet de coupe, la seule solution qui s’impose à Mahaut va être de rentrer en résistance en allant vivre dans un arbre plusieurs jours pour faire échouer le projet. Une partie du village va alors rejoindre la lutte et déterrer des souvenirs historiques qui témoignent de l’importance de ces arbres.

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Laurence Ariouat Mermet