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Tiny House : l’habitat de demain ?

(Plume Citoyenne) Nos maisons, nos appartements, nos studios, sont-ils toujours dans l’air du temps ? Consommation d’énergie, construction polluante, étalement urbain, qualité du mode de vie, sont des sujets problématiques dans nos sociétés occidentales actuelles. Et si la solution à tous ces problèmes existait ? S’il suffisait de penser « décroissance » ? Les tiny houses seraient-elles nos habitats de demain ?

Il serait trop optimiste de dire qu’elles permettraient de tous les résoudre, pourtant, elles n’en semblent pas si loin. Tiny house, signifie “toute petite maison” en anglais. Cette appellation semble plutôt bien les résumer, du moins si l’on précise qu’elles sont aussi mobiles. Selon Matthieu Millet, elles sont simplement « la version moderne des roulottes et des charrettes des pionniers américains. Elles n’ont rien de révolutionnaire car ce type d’habitat existe depuis des millénaires, depuis que l’homme est nomade, c’est simplement une version adaptée à notre société et à notre époque. ». Charpentier de formation, il a décidé en 2015 de lancer, avec son ami Stéphane Boleat, leur entreprise de construction de tiny houses à Landeleau dans le Finistère. « Nous avons découvert les tiny houses dans une émission de radio, ça nous a tout de suite comblés. Nous avons donc décidé de commencer par la construction d’un modèle pour Stéphane. » Aujourd’hui, l’entreprise Ty Rodou a bien grandie, puisque ce sont désormais six « écolos » à temps plein qui construisent une dizaine de tiny houses par an. « Nous sommes très attachés à réaliser des projets sur mesure qui correspondent au mieux à nos clients, sans jamais rentrer dans un mode de construction sur-productif et en série. Nous voulons rester dans l’esprit de l’artisanat. ».

L’équipe de Ty Rodou dans leur atelier à Landeleau dans le Finistère (29)

Chez eux, et comme la grande majorité des tiny houses, elles sont essentiellement construites en bois, à l’extérieur mais aussi à l’intérieur. Le choix de ce matériau est un premier pas vers un mode de construction plus écologique que celui d’une maison classique. Il n’y a pas besoin de béton, fabriqué principalement à partir de ciment, qui, selon International Energy Agency (IEA), représente 7% des émissions de gaz à effet de serre mondiales1. Aucun terrassement ou réseau souterrain n’est nécessaire. Mais surtout, le volume, « environ dix fois moins important qu’une maison lambda permet d’utiliser dix fois moins de matériaux ». Cependant, pour limiter au mieux l’empreinte carbone à la fabrication, ces matériaux doivent être bien choisis. Il est par exemple préférable de choisir des acteurs locaux qui ont une démarche durable et respectueuse de l’environnement. Chez Ty Rodou, le bois et les remorques sont de provenances locales. Cela permet de limiter les transports mais aussi d’éviter les emballages.

Si les tiny houses sont si peu polluantes à la construction, il est tout de même nécessaire de s’intéresser au coût énergétique à l’utilisation. Tout d’abord, le plus important, comme pour les maisons traditionnelles, c’est une bonne isolation. Selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), une maison non isolée perd 20 à 30 % de sa chaleur par le toit et 20 à 25 % par les murs2. Il faut donc choisir les bons composants, efficaces mais aussi respectueux de l’environnement. Il peut s’agir de fibre de bois ou de chanvre par exemple. Ce sont des matériaux d’origine végétale. Cependant, ils sont cultivés sur des terres agricoles dédiées et contiennent souvent des additifs nécessaires à leur conservation. Pour éviter ces inconvénients, Ty Rodou a choisi les vêtements recyclés, « cela permet de redonner une vie aux vêtements, qui, nous le savons proviennent d’un marché très polluant, le textile. ».

Tiny House en construction dans l’atelier de Ty Rodou

Une fois l’isolation terminée, il faut définir son modèle énergétique. Dépendant ou indépendant ? Choix complexe. Alors que les énergies renouvelables fleurissent un peu partout dans le monde, nous commençons à identifier leurs limites. Pour rendre une tiny house indépendante sur le plan énergétique, il faut généralement miser sur les éoliennes ou les panneaux solaires. Ces deux alternatives fonctionnent grâce à des batteries composées de terre rare, matériau qui, par son extraction, est ultra polluant3. Leurs rendements sont dépendants de la météo, donc non maîtrisables. Il est donc compliqué au quotidien de s’alimenter uniquement par une énergie comme celle-ci. Le plus simple reste donc toujours, comme pour une habitation classique, de se raccorder à un réseau d’électricité et d’eau même si écologiquement, les énergies renouvelables sont largement plus valorisantes que le nucléaire et les énergies fossiles.

Pierre Roger et sa famille ont décidé, eux, de choisir l’apport énergétique conventionnel pour leur tiny house. Ils sont tous les quatre installés depuis fin 2019 sur le terrain d’une ferme maraîchère bio à Pouancé dans le Maine-et-Loire. Pierre explique, « j’ai construit la grande majorité de notre tiny house moi-même mais j’ai été aidé par un charpentier et une architecte pour l’ossature bois. N’étant pas formé dans ce domaine, j’ai préféré concéder cette partie technique à des professionnels. Pour le reste, cela me tenait à coeur de le faire personnellement. ». Le climat régional peu favorable et les inconvénients, déjà mentionnés, des énergies renouvelables ont motivé le choix du couple. « Nous utilisons l’électricité pour les postes les moins consommateurs ; aération, éclairage, frigo, … Pour les plus consommateurs nous avons choisi d’utiliser du gaz ; four et plaques chauffantes, chauffage et chauffe-eau. Un autre choix compliqué entre électricité et gaz. » Leur électricité provient donc majoritairement du nucléaire4 et leur gaz, énergie fossile extraite dans des pays étrangers, provient en grande partie de la Norvège5.

Cependant, une chose est sûre c’est que la consommation totale d’un ménage vivant en tiny house est largement inférieur à celle d’un ménage moyen français. Principales explications ; la différence de volume et la façon de consommer. La consommation énergétique annuelle de Pierre et sa famille en est la preuve. « Nous consommons environ 50 kWh d’électricité et une bouteille de gaz classique de 13 kg par mois en moyenne. L’hiver, nous sommes plutôt à 100 kWh car nous devons utiliser un déshumidificateur à cause du climat humide de la région et de la vie à quatre dans un milieu restreint. ». Finalement, à l’année, cela revient à une moyenne de 800 kWh d’électricité et 2 327 kWh de gaz6. Pour un ménage moyen français, la consommation annuelle d’électricité s’élève à 4 753 kWh7 et 11 620 kWh de gaz8. Soit 6 fois plus d’électricité et 5 fois plus de gaz. Pour la consommation d’eau, il y a aussi une nette différence, en partie due à l’utilisation de toilette sèche. Annuellement, 48m3 d’eau pour les pouancéens contre 120 m3 9 pour un ménage français moyen, 2,5 fois plus.

Pierre et sa famille devant leur Tiny House à Pouancé dans le Maine-et-Loire (49)

De manière significative, les tiny houses sont donc beaucoup moins polluantes que les habitats classiques. Elles pourraient permettre aussi, si elles continuent à se développer, de freiner l’étalement urbain. Il est possible de créer des « quartiers » de tiny house avec une densité plus importante qu’un lotissement classique et surtout sans multiplier l’artificialisation des sols. Dans ce sens, un peu partout en France fleurissent des communautés aux habitats alternatifs. L’objectif premier étant souvent une reconnexion avec la nature. « Après avoir vécu pendant 8 ans, ma femme et moi dans une location à Clichy, nous avions un grand besoin de retourner à la campagne, se rapprocher de la nature. Ayant grandi à la campagne, je voulais que mes enfants grandissent aussi dans ce cadre plus paisible et plus naturel que celui des grandes métropoles comme Paris. ». C’est aussi la possibilité de changer de lieu de vie tout en déplaçant sa « maison ». Intéressant dans notre société actuelle où la mobilité professionnelle concerne de plus en plus d’individus. Cependant, ce qu’il faut bien comprendre c’est que vivre en tiny house est un mode de vie à part entière. Les contraintes de volume liées à la législation routière10 nécessitent des sacrifices de bien matériels et d’espace de vie. A l’intérieur d’une tiny house, tout doit être mesuré à la loupe, le moindre espace est optimisé pour partager au mieux espace de vie et rangement. Dans celle de la petite famille pouancéenne, l’escalier pour rejoindre les chambres est aussi un placard, les tabourets font en même temps office de poubelle, le linge est étendu au plafond. « Pour une famille de quatre comme la nôtre, c’est assez compliqué à gérer car l’espace est très limité. Je pense que c’est plutôt adapté à une ou deux personnes. ».

Il reste encore du chemin à faire pour voir nos villages, nos communes, nos villes changer dans un sens ouvertement favorable à l’environnement. Mais une chose est sûre : les tiny houses seront partie prenante de ce tournant.

1 – Rapport de IEA en avril 2018 – https://www.iea.org/news/cement-technology-roadmap-plots-path-to-cutting-co2-emissions-24-by-2050

2 – Dossier « Isoler sa maison » de l’ADEME – https://librairie.ademe.fr/cadic/2047/guide-pratique-isoler-sa-maison.pdf?modal=false

3 – Ces matériaux extrêmement rares sont extraits avec difficultés par des machines ultra polluantes et une quantité démentielle d’eau. Cette eau, imbibée de produits chimiques, est ensuite déversée dans des bassins artificiels qui, par de forte pluie, débordent et se déversent sur les terres agricoles avant de rejoindre la nappe phréatique.

4 – 72,3 % de la production électrique française est nucléaire en 2016 selon le RTE – https://www.ecologie.gouv.fr/production-delectricite

5 – 36 % du gaz français provient de Norvège en 2020 selon Connaissance des Energies – https://www.connaissancedesenergies.org/idee-recue-le-gaz-consomme-en-france-vient-principalement-de-russie-211209

6 – une bouteille de gaz de 13 kg équivaut à peu près à 179 kWh selon France Gaz Liquide – https://www.francegazliquides.fr/energie-butane-propane/industrie-et-distribution/bouteilles/

7 – selon les données de la Commission de Régulation de l’Energie en mars 2019 – https://www.choisir.com/energie/articles/104333/la-consommation-electrique-moyenne-des-francais-en-2020

8 – selon les données du CRE en 2013 – https://www.totalenergies.fr/particuliers/parlons-energie/dossiers-energie/comprendre-le-marche-de-l-energie/quelle-est-la-consommation-moyenne-de-gaz-des-francais?gclid=Cj0KCQiAuP-OBhDqARIsAD4XHpdcWdtRWex2UfYrrfTgmzzL94_vtVptYNeECJAe1tqOZzz332EvvaoaAupHEALw_wcB

9 – selon l’INSEE, pour un ménage moyen français – https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/quels-sont-les-usages-domestiques-de-leau/

10 – « Les tiny house ne doivent pas dépasser 2m55 de large et un total maximal de 3,5 tonnes pour respecter la législation routière » Matthieu Millet – Ty Rodou