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Saint-Brieuc (22): Les biologies imaginaires de Maud Boulet.

Rencontre avec Maud Boulet invitée de la deuxième édition de Verdoyons !, cycle d’ateliers, d’expositions et de conférences proposés par le service culturel, les bibliothèques et la mission développement durable de l’université Rennes 2 sur le thème de l’écologie et de notre rapport à l’environnement.

Maud Boulet n’est pas une militante chevronnée de la cause écologiste, et pourtant (pourtant !), en voyant ses travaux on ne peut s’empêcher de le penser… C’est en fait avec cette invitation à Verdoyons ! qu’elle a pris conscience de l’interprétation qu’on pouvait donner de ses dessins.

Les travaux de Maud Boulet sont très souvent reliés au vivant. En effet, avec sa série Human Botany par un développement du détail, comme au microscope, Maud Boulet nous plonge dans des efflorescences entre anatomie et botanique rappelant tantôt les planches Deyrolles tantôt les coraux de Max Ernst ou les déploiements organiques de Fred Deux. Elle explore d’autres supports, les cartes maritimes qui redessinées laissent apparaître des veines.

« Les Indices », c’est le titre d’une série exposée pour la première fois. Il s’agit d’objets naturels tels de petits rondins de bouleau ou des feuilles mortes peints, à l’encre puis dessinés au bic. Une diversité de supports et de techniques caractérise le travail de Maud Boulet. Elle a par exemple expérimenté le dessins sur gâches, c’est-à-dire le papier non utilisé lors de l’impression des journaux, support qui évoque « l’information éphémère, l’idée que nous prenions des nouvelles de la nature et du vivant sans mot » ou encore sur des cartes maritimes. Si elle travaille principalement au stylo à bille et au crayon, elle s’essaye depuis peu à la peinture à l’huile dont la transparence lui rappelle celle de la peau. A l’inverse de l’acrylique qui requiert, comme notre époque, d’aller vite, la peinture à l’huile, utilisée par les peintres classiques flamands ou italiens, demande plus de temps. Non vernis, les Indices sont des œuvres amenées à évoluer comme des matières organiques.

La méthode qu’a développée Maud Boulet pour les « Tâches dessinées » consistant à laisser couler et imbiber l’encre puis à en dessiner les contours pose la question des limites et du hasard dans la construction des dessins. Maud Boulet s’est rendue compte qu’elle ne produisait que des formes fermées mais vivantes. En effet, les formes se circonscrivent et s’épuisent toutes seules à la manière des tâches d’encres qui se délimitent elles-mêmes et tracent leurs propres limites. Cette interrogation sur le contour et son développement dans l’espace, est au cœur du travail de Maud Boulet qui se concentre sur l’environnant qui est par nature limité.

Le dessin haptique.

Atteinte d’une malformation de la rétine, Maud Boulet travaille beaucoup sur l’haptique. Si nous connaissons tous l’adjectif accolé au sens de la vue, celui qui correspond à celui du toucher est beaucoup moins répandu. L’haptique désigne donc le sens du toucher. Et quand on regarde les dessins de Maud Boulet on peut avoir envie de les toucher et de se laisser guider par ces lignes sinueuses qui semblent se mouvoir et se déployer en toute indépendance.

Comme Giuseppe Penone, dont la réflexion l’inspire, Maud Boulet travaille sur les rapports homme/nature, ce qui nous ramène encore une fois à la question de la temporalité. Pour elle, « la nature crée la perfection mais l’homme la dérègle ».

Comment, alors, faire face à l’imperfectibilité de l’homme ?

« Au regard d’une pensée humaine, nous dirions que c’est
injuste. Mais la justice n’existe pas dans le vivant. Le beau, le juste, le
moral, le méchant et tous ces concepts sont terriblement humains. La nature n’a
aucune préoccupation commune avec l’homme. Elle vit simplement. C’est un
réconfort pour l’imparfait qui cherche justice, car il n’y a de justice que dans
la tête des hommes. Ainsi s’installe le paradoxe de mon dessin. Entre question
humaine et forme vivante. Entre la recherche de réponse dans la fabrication et
l’acceptation dans la contemplation. » – Maud Boulet à propos des Indices, dans un texte du 22 novembre
2016 sur le défaut.

Une autre particularité de son travail réside dans les
dimensions de ses œuvres. Elles sont en effet pour la plupart de petites
tailles. Des dimensions inhabituelles par rapport aux œuvres d’art contemporaines,
tentées par le spectaculaire, qui peuvent induire une autre manière de les
regarder, peut-être, en prenant plus le temps de s’y perdre.

Après Rennes 2, l’exposition se prolonge au Campus Mazier, à Saint-Brieuc, jusqu’au 25 février.

Vous pouvez également découvrir son travail sur son site internet https://maudboulet.wixsite.com/dessincontemporain, sur sa chaîne Youtube https://www.youtube.com/playlist?list=WL, ou sur ses réseaux sociaux.

Une interview réalisée en partenariat avec Noctambule Média http://noctambule.info.