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Quand l’eau des lavoirs vibre avec Shumann

Article écrit avec La Toute Première Fois

Que fait-on de l’eau ? Cette interrogation que l’actualité fait surgir de façon récurrente et désormais inquiétante tant cet élément vital est de plus en plus malmené par les activités humaines, nous est cette fois-ci formulée par un binôme d’artistes, La Toute Première Fois. Emilie Maréchal et Sylvain Descazot, sollicitent nos imaginaires dans le cadre d’une performance au sein de l’exposition « Glaz » où l’association de promotion de l’art et des artistes contemporains Les Moyens du Bord,  propose jusqu’au 5 novembre prochain à Morlaix, dans la très belle et multiséculaire Maison Pénanault, une sélection d’oeuvres de son artothèque*.

Et au travers de leur performance qui accorde une importante particulière à sa dimension collective, les deux artistes nous permettent, mine de rien, de renouer concrètement et symboliquement avec des rituels païens très anciens de guérison que pratiquaient nos ancêtres pour se connecter aux puissants éléments du vivant. 

Laissons Emilie Maréchal et Sylvain Descazot nous en dire davantage sous leur plume et voix numériques :

« Autour des lavoirs la vie sociale féminine des lavandières s’organisait, La Toute Première Fois interroge savoirs d’antan et matières. Ici l’eau est ambivalente : on peut la voir, s’y mirer, s’y perdre dans la noyade, mais aussi la boire. L’eau nous lie au passé et au futur par ce qu’elle a de constant et de cyclique. Cet élément physique inscrit les mémoires et métamorphoses. L’eau, par son parcours souterrain, se charge des ondes électromagnétiques diffusées par les objets et supports techniques que l’homme a mis en place et les garde en mémoire. Cette accumulation de fréquences déséquilibre sa structure fondamentale et modifie son harmonie.

Avec l’installation « Que fait-on de l’eau ? » La Toute Première Fois soumet les eaux de 3 lavoirs morlaisiens (Collobert, rue de Ropars et Pouliet) aux résonances de Schumann, les ondes originelles que produit la terre. Les résonances de Schumann sont un ensemble de pics spectraux dans le domaine d’extrêmement basse fréquence (3 à 30 Hz) du champ magnétique terrestre, observées la première fois dans les années 1960. Ces résonances globales sont présentes dans la cavité formée par la surface de la Terre et l’ionosphère qui fonctionne comme un guide d’onde. La principale a une longueur d’onde égale à la circonférence de la planète et une fréquence de 7,8 Hz. Sont présentes, en plus de cette onde fondamentale, des harmoniques à 14,3 Hz, 20,8 Hz, 27,3 Hz et 33,8 Hz.

Au-delà du prisme scientifique, cette installation traduit l’envie de redonner à cette matière sa valeur primaire et questionner la place de cet élément mal traité et pourtant essentiel à notre survie. Nous avons souhaité que cette installation soit le fruit d’une action collective. Ainsi, durant toute la durée de l’exposition, chacun·e est invité·e à déposer, dans l’emplacement de son choix, un bol contenant une eau d’un lavoir, quel qu’il soit. Ce bol doit être en porcelaine ou verre (pour une meilleure conduction du son) et son diamètre ne pas excéder 15 centimètres. Un carnet répertoriant les dates de dépôt et provenance des eaux est également à compléter par chaque participant·e (NDLR : jusqu’au 5 novembre 2022). »

Interview audio d’Emilie Maréchal et Sylvain Descazot :

«  »La Toute Première Fois est un binôme : Émilie Maréchal, vivant à Bruxelles est metteure en scène et comédienne, Sylvain Descazot, habitant en Bretagne, est designer. Ils cherchent, depuis plus de deux ans, à construire un propos commun. Ce dernier se développe autour d’axes de recherches plastiques, performatives et d’objets. Ils définissent des thèmes et fascinations communes afin de croiser leurs disciplines, apprendre de l’autre. Cette mise en travail commune est déjà en soit une expérience et un défi.

L’attrait de Sylvain Descazot est d’étudier la nature : partir se promener, déambuler, se perdre et revenir avec des intuitions formelles, des rêveries contemplatives, qui sont toujours les premiers temps de la mise en place de ses recherches. En parlant de zones, régions, lieux de manière subjective et sensible, il cherche à révéler l’image poétique de la matière et magnifier ce qui, par les valeurs et vertus sociales, se trouve marginalisé ou rejeté.

L’attrait d’Émilie Maréchal est l’Homme. À travers l’écriture, elle met en scène et joue pour faire marcher les gens, les activer, les bousculer. La prise de conscience, le vertige, ne sont possibles que dans le saisissement, dans le choc presque, dans une recherche formelle et esthétique rigoureuse. C’est en comprenant sa nature archaïque, que l’homme s’élève.

Le binôme s’est alors rendu compte que malgré leurs « sujets d’études » différents, ils partagent des intérêts, qui sont l’archaïsme (l’essentialité de toute construction et l’histoire commune de l’humanité), le communautaire et le rituel (un savoir partagé et une action commune reliant à un environnement), le «faire» et l’immersion (la connaissance de la matière et l’«être» en expérience). Par des formes et volumes simples où la matière pauvre est sublimée, par l’inscription d’un protocole et la sublimation des corps, ils développent des bases d’expérimentations communes pour créer et dialoguer. L’acte de création se situe à la jonction de l’objet ou du volume dessiné, de l’expérience physique et de la production de formes performatives. »

 

*https://morlaix-communaute.bzh/layout/set/print/Visiter-Sortir/La-Maison-Penanault/Exposition-Glaz

Les Moyens du Bord et le binôme La Toute Première Fois proposent de partager et croiser les regards sur la matière eau, à travers une installation et un cycle d’ateliers, tout au long de l’exposition.

  • Samedi 21 mai, 14h>18h : “Excusez-moi de vous demander pardon” – Le pardon du lavoir – Procession en extérieur
  • Samedi 23 juillet, 14h>18h : Lavandière de nuit – Atelier sérigraphie
  • Journées européennes du patrimoine : Madame Propic – Nettoyage d’un lavoir

Réservations auprès des Moyens du Bord : 02 98 88 25 62 – lesmoyensdubord.mdb@gmail.com