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Le sens de la marche : de Calgary à Landivisiau

Ce
vendredi 27 septembre 2019, aux quatre coins de la planète, des
jeunes, étudiants et lycéens « en grève pour le climat »,
et moins jeunes mais tout aussi motivés se sont mis en marche pour
dire aux décideurs, politiques et économiques, qu’ils attendaient
d’eux qu’ils fassent leu travail, c’est à dire décider et agir pour
que, enfin, les solutions adéquates soient mises en œuvre fin
d’éviter le pire que nous annoncent les scientifiques de tous pays.

On
a beaucoup parlé de la manifestation gigantesque qui a eu lieu à
Montréal, surtout parce qu’y participait celle que les médias ont
intronisé comme icône climatique, en tant qu’initiatrice de ce
mouvement de désobéissance scolaire. Mais il n’y avait pas que là
que les jeunes Québecois se sont mis en branle ; un peu partout
des cortèges se sont formés comme ici à Québec où plus de 30.000
personnes ont été dénombrées, un chiffre rarement atteint dans
cette capitale paisible.

La
manifestation était très bon enfant, les slogans les plus potaches
côtoyaient les pancartes les plus désespérées. Il y avait très
peu de revendications politiques alors même que l’ensemble du Canada
vient d’entrer en campagne électorale pour des élections cruciales
au Parlement fédéral. Tout juste si on notait de ci de là, une
affichette demandant l’annulation du 3° lien , ce pont ou ce tunnel
qui devrait relier les deux rives du Saint-Laurent pour soulager les
deux « vieux » ponts existant. Plus nombreuses étaient
les pancartes demandant l’annulation du terminal gazier de Saguenay
et naturellement du gazoduc qui doit alimenter cette usine de
liquéfaction de gaz « naturel ».

Il
s’agit a priori de revendications locales qui n’ont rien à voir avec
la planète et de fait tout le long du Saint-Laurent, de Saguenay et
Chicoutimi à Rimouski, Baie-Comeau et Sainte-Anne des Monts, les
jeunes s’étaient mobilisés, vraisemblablement parce que les
méthaniers qui vont sillonner ce fleuve majestueux risquent de
perturber les bélugas qui y ont trouvé un habitat propice. Mais
plus en amont de Québec aussi, des cortèges s’étaient formés, à
Trois-Rivières et Sherbrooke avec les mêmes mots d’ordre ou
presque.

Il
n’est pas jusqu’aux Etats de l’Ouest où cette lame de fond s’est
levée. Certes, ce fut moins impressionnant et les cortèges étaient
moins fournis. A Calgary même, il y eut environ 500 étudiants pour
braver l’interdiction universitaire de participer à cette grève des
cours. Un demi-millier, cela peut paraître peu pour une
agglomération de plus d’un million d’habitants, mais il faut avoir
en tête que l’Alberta, dont Calgary est la capitale, est l ‘Etat
pétrolier par excellence du Canada. Dans ces conditions, « sécher
les cours » pour manifester contre les énergies fossiles,
c’est prendre le risque de sévères réprimandes familiales puisque
l’essentiel des emplois a un lien avec l’exploitation des ressources
pétrolières et gazières.

Arrivé
à ce stade, on constate que la boucle est bouclée, si on peut dire,
puisque ce gaz produit en Alberta, transiterait par l’Ontario et
viendrait alimenter le gazoduc de Saquenay. De Saquenay, les
méthaniers s’en iraient vers l’Europe et on ne peut exclure que ce
gaz servent à alimenter les centrales électriques à cycle combiné
gaz qui sont mises de l’avant comme solution de pis aller pour
remplacer les centrales à charbon.

Du coup, ce gazoduc n’est plus seulement une nuisance locale, c’est aussi et surtout un enjeu planétaire qui illustre de façon symbolique la manière dont les décideurs abordent encore la transition écologique. En effet, à l’autre bout de la chaîne, il y aura peut-être la centrale CCG que Total veut construire à Landivisiau et à laquelle, des centaines d’habitants sont opposés. Ainsi donc à Calgary, comme à Landivisiau, celles et ceux qui marchent pour le climat, marchent dans le même sens.

Crédit photo : Dominique Guizien pour Eco-Bretons