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Extraction de sable « conséquences indéniables sur l’environnement »

Suite à l’interdiction d’exploiter le maërl – ce substrat constitué notamment de débris d’algues marines riches en calcaire qui se forme le long des côtes bretonnes – à l’horizon 2011, la Compagnie armoricaine de navigation (Can), basée à Pontrieux, a demandé l’obtention d’un titre minier. Son objectif : pouvoir disposer d’une autre ressource de distribution, le sable calcaire ou sable coquillier, au niveau de la zone rebaptisée la « Pointe d’Armor », dans la baie de Lannion. Le site a été choisi pour l’importance de la ressource qui s’y trouve – 186 000 m3 de ce sable, selon Bernard Lenoir, le directeur foncier de la compagnie – et pour son éloignement de 5 km minimum des côtes. La demande d’extraction déposée par la Can porte sur un périmètre de 4 km², pour une durée de 20 ans et un volume maximum de 400 000 m3 par an. « L’extraction n’aurait aucune conséquence sur le trait de côte », affirme Bernard Lenoir, s’appuyant ainsi sur les propos d’Odile Guérin, géologue et élue chargée du développement durable à la mairie de Trébeurden. En effet, « les conséquences directes sur les côtes devraient être mineures, étant donné la profondeur de l’extraction et l’éloignement des côtes », confirme celle-ci. Cela ne signifie pourtant pas que les conséquences sur l’environnement seraient nulles. Au contraire, Odile Guérin estime même qu’elles devraient être « catastrophiques », au plan biologique et halieutique. Pas de quoi corroborer les propos de la Can…

« Pas question de passer en force »

Au moment de l’étude d’impact, la Can avait demandé au Comité des pêches de Paimpol de réaliser l’inventaire de la ressource halieutique dans la zone convoitée (lire « Un mauvais coup pour la pêche ». Suite à cette étude, le Comité des pêches s’est prononcé défavorable au projet. « Nous avons reçu une opposition ferme des pêcheurs sur le dossier », précise Bernard Lenoir, selon qui la ressource aurait été « surévaluée » par ces derniers. « Nous voulons déterminer les principales contraintes des uns et des autres et exercer notre activité de manière à embêter le moins possible les pêcheurs », affirme-t-il. Le nouveau projet de la Can ? « Etablir un partenariat avec un laboratoire de recherche breton et confier deux sujets de thèse à des étudiants, l’un portant sur l’inventaire et l’amélioration des connaissances halieutiques, l’autre sur les conditions de vie et de reproduction du lançon » – ce poisson qui vit dans le sable coquillier et constitue la base alimentaire du bar. « Il n’est pas question de passer en force », rassure Bernard Lenoir.

Des conséquences sur le plancton

Suite à l’étude réalisée par le cabinet Astérie, à Brest et le cabinet d’experts Safège, pour le compte de la Can, l’impact au plan géologique et biologique serait « limité » sur la zone, compte tenu de la profondeur de l’exploitation (entre 30 et 40 mètres). « Selon la règle préconisée par l’Ifremer, un bilan sera réalisé tous les cinq ans pour étudier l’importance du creusement et les conséquences de la déposition des particules, précise Bernard Lenoir. Cela pourrait aboutir à l’évolution des conditions d’exploitation. » Pourtant, plusieurs scientifiques ont déjà pointé du doigt les conséquences biologiques d’un tel projet (lire « Yves Lebahy : « Des conséquences énormes »). Odile Guérin se dit quant à elle clairement « opposée » à la façon dont la Can souhaite extraire le sable. «C’est un sable très fin, dont les particules vont mettre beaucoup de temps à retomber»
, précise-t-elle. Le problème étant qu’une telle extraction crée des nuages de turbidité – c’est-à-dire des nuages troubles où se déplacent des particules en suspension – très nocifs pour le zooplancton.

Des solutions alternatives ?

Bernard Lenoir ne nie pas les conséquences de l’extraction sur la faune. « L’impact environnemental sur la zone elle-même est incontestable », souligne-t-il, avant d’avancer l’argument agricole. « Il ne faut pas oublier que le sable calcaire est utilisé comme élément de fabrication d’amendement agricole et à l’état brut par certains agriculteurs. Ces amendements sont donc constitués d’une bonne part de produit naturel : le sable. Quand on parle d’impact environnemental, il ne faut donc pas se limiter aux seuls impacts de l’extraction. » Selon le directeur foncier de la Can, se passer de ce gisement signifierait aller chercher le calcaire dans des carrières hors de la Bretagne, ce qui reviendrait à transporter la ressource en camion – une solution guère beaucoup plus écologique. Faudrait-il alors accepter le moins mauvais compromis ?
Odile Guérin estime qu’il existe pourtant des solutions alternatives pour trouver ce calcaire qui devrait nourrir les terres bretonnes, en particulier légumières. « Les besoins ne s’élèvent pas à 400 000 m3 par an, soutient-elle. Si on se limite aux terres légumières, nous n’avons pas besoin de ce volume. Et puis, il existe des possibilités de substitution de ce sable. J’ai proposé trois solutions pour trouver du carbonate de calcium : le ramassage de la crépidule, ce coquillage invasif qui prolifère sur les côtes bretonnes et qui contient du carbonate de calcium ; le tri et le broyage des coquilles de coquillages sur les communes littorales ; ainsi que le sédiment du Mont-Saint-Michel. » Preuve qu’il existe peut-être des solutions plus « durables » que la destruction partielle d’un site pour trouver le calcaire nécessaire à nos agriculteurs…

 

Carte d’identité de la Can

Entreprise implantée à Pontrieux, la Compagnie armoricaine de navigation appartient au groupe Roullier. Elle emploie une trentaine de salariés, dont la plupart sont marins sur les bateaux.

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