Certes, les combats n’étaient pas les mêmes, certes les opposants n’étaient pas les mêmes. Dans un cas, on retrouvait chez les Bonnets Rouges, une coalition hétéroclite où la FNSEA jouait un rôle très actif contre un projet jugé emblématique par les écologistes. Dans l’autre on retrouvait à la pointe de l’opposition au barrage, des écologistes qui ne voulaient pas d’un projet qui ne profitaient qu’à quelques entrepreneurs agricoles, soutenus par la FNSEA.
Chacun sait où va ma préférence mais ce n’est pas mon propos ici
En l’occurrence je ne fais aucune différence entre un jeune mécanicien, enrôlé chez les Bonnets Rouges, parce qu’ainsi il croyait défendre l’emploi régional et un jeune biologiste naturaliste, qui ne voulait pas d’un projet qui détruirait quelques dizaines d’hectares de zones humides et encore plusd’habitat d’espèces protégées.
En effet, tous les deux agissaient de bonne foi, tous les deux manifestaient paisiblement, même si autour d’eux il y avait parfois de la violence, tous les deux n’étaient pas « bête, au point de perdre leur vie [ou un membre] pour des idées », comme l’a dit ignominieusement Mr Carcenac, président du Conseil général du Tarn (ce faisant, il rejoint Louis Pauwels et son « SIDA mental » dans l’abjection), tous les deux sont victimes d’une violence policière que rien ne justifie.
Et c’est là l’objet de mon propos.
Quelle que soit l’objet d’une manifestation quelle que soit la façon dont elle se déroule, rien, je dis bien rien ne justifie qu’on utilise des moyens qui peuvent tuer ou grièvement blesser un manifestant. Le temps où on pouvait tirer sur les mineurs en grève est révolu. Une grenade offensive, comme un flash-ball, comme un Taser, ne sont évidemment pas des fusils Lebel, mais il s’agit d’armes létales dans leurs effets.
Le droit de manifester est une conquête de la démocratie. La meilleure preuve en est que la moindre manifestation publique dans un pays que nous jugeons sous dictature, est saluée dans nos démocraties comme une avancée démocratique. Le droit de manifester implique de pouvoir le faire en toute sécurité.
Il faut donc bannir de l’arsenal des forces de l’ordre, toutes ces inventions, soit disant « défensives », c’est-à-dire visant à protéger les forces de l’ordre contre la violence des manifestants. C’est une question de survie démocratique.
Mais me direz-vous, que faire quand les rangs des manifestants sont gangrenés par quelques dizaines de voyous , car il n’y a pas d’autres mots pour les qualifier, pour qui détruire ou frapper est le seul mode d’expression ? Je répondrais à cela deux choses :
C’est la responsabilité des organisateurs de ces manifestations de faire en sorte que ces olibrius ne puissent agir. C’est aussi une question de survie démocratique
c’est ce qui fait l’excellence des forces de l’ordre quand elles arrivent à canaliser ces hordes violentes. C’est leur honneur et la justification démocratique de leur action.
Mais pour cela, il faut que quand un drame a lieu, les responsables, et on voit à travers mes lignes, qui sont pour moi les responsables possibles, doivent répondre de leurs actes. Laisser impunies de telles exactions, qu’il s’agisse d’une mort d’homme, d’une blessure grave ou à un moindre degré de dégradations de biens publics comme à Morlaix ou à Pont-de-Buis, c’est inciter ces « responsables » à l’irresponsabilité. C’est une question de survie démocratique. C’est même la plus importante dans un pays où la légalité démocratique doit toujours rejoindre la légitimité de la revendication démocratique.