Quand les jardins font de la résistance… ils deviennent Terre -de bien- des vertus, comme le montre le très touchant documentaire de Vincent Lapize, consacré aux Jardins Ouvriers des Vertus à Aubervilliers, qui font face aux aménagements liés aux JO2024 et à la pression foncière. Alors quand les tractopelles du Grand Paris menacent, la résistance s’organise, les expérimentations citoyennes fleurissent. Ce film impressionniste et politique conte les défis et les espérances de ce jardin-monde.
Son réalisateur l’accompagne actuellement dans le cadre d’une tournée bretonne, organisée par Cinéphare. Entamée le 16 juin à Redon, elle s’achèvera le 26 juin à Mellionnec, aux Rencontres du Cinéma Documentaire. Dolorès Mijatovic, présidente de l’association des jardins ouvrier d’Aubervilliers est également aux côtés de Vincent Lapize à Brest et Morlaix.
« C’est un très beau documentaire sur la défense des zones naturelles en ville et la beauté de la convergence des individus au sein de luttes pour plus de solidarité », souligne Colin Destombe, chargé de médiation et de développement des publics au Cinéma La Salamandre – SE/cW de Morlaix. Celui-ci accueille jeudi 26 juin prochain, Vincent Lapize, en compagnie de Dolorès Mijatovic, présidente de l’association des jardins ouvrier d’Aubervilliers et protagoniste du film « La terre des vertus » dans le cadre d’une soirée ciné-rencontre.
Vincent Delize : Film après film, je documente des luttes qui me semblent essentielles, j’en raconte la vie alternative et la créativité citoyenne à l’œuvre
« Je façonne mon approche cinématographique en m’imprégnant sur le temps long de la poésie du lieu et des dynamiques collectives, partageant ma recherche de fond et de forme avec les protagonistes.La terre des Vertus est un conte documentaire, qui tente, par l’intime, de dire le politique.
La défense des Jardins d’Aubervilliers, prévisiblement déséquilibrée dans ses rapports de forces, ne débouche pas sur le constat, réducteur, de la victoire ou de la défaite. L’issue du combat est certes un enjeu, mais elle n’est pas le cœur de ce documentaire. Ce qui me trouble et me passionne, c’est la constitution d’une conscience politique collective, fragile et disparate. Plutôt le voyage de la pensée résistante et utopiste que l’impasse du résultat compétitif.
La plupart du temps, mon regard reste à l’intérieur du jardin, avec ses jardinier.e.s., pour raconter l’histoire d’une communauté qui tente de résister à un ennemi au pouvoir démesuré. Avec ses propres moyens qui sont ceux de l’inventivité, de la solidarité et de la fantaisie. Face à l’aura fantasmatique des légendes du sport et l’emprise des seigneurs du BTP, je recueille les paroles sensibles et les gestes hésitants de Viviane, Marie, Dolorès ou Lila pour rendre compte de l’abnégation des jardinier.e.s du temps et du vivant.
Le chantier programmatique, les délais à respecter et la vitesse d’exécution, face à la dilatation des moments, aux cycles imparfaits des saisons, à la langueur imprécise des mots et des poèmes, à la lenteur de la pousse et des réflexions. Une façon d’incarner l’idée du philosophe urbaniste Paul Virilio, d’une tyrannie de la vitesse et de la technologie face à la nécessité du temps démocratique : « gagner du temps, c’est perdre le monde ».
Dans le contexte actuel de crise écologique mondiale, de désenchantement à l’égard des institutions démocratiques, d’accélération des informations et des émotions, je reste dans les Jardins pour regarder la richesse mélancolique de cette terre et de ce que les jardinier.e.s y cultivent et y expérimentent. Je cherche à révéler en quoi la vie qui se déroule ici est inspirante, pour penser le rapport au collectif, au vivant non-humain, à la citoyenneté.
A travers ce voyage onirique dans la forêt urbaine, j’incarne la vie animale et végétale qui la peuple. Je regarde la proximité relationnelle entre humain et non-humain dans les jardins. Dans l’univers urbain de cette banlieue du 93, le regard anthropocentriste est surplombant. La manière de penser l’aménagement de la ville et l’accès à la citoyenneté est profondément conditionné par cette vision verticale du monde.
Le pouvoir de l’imaginaire est de renverser les récits dominants, et d’inspirer une autre relation au territoire et au commun. La porosité entre vitalité urbaine et zones encore sauvages est une richesse que j’aime contempler. Je trouve une certaine beauté à mêler la végétation luxuriante et les tours d’immeubles d’Aubervilliers et de Pantin. Car la métaphore de la friche n’est pas simplement à voir sous l’angle écologique, elle suggère une forme de liberté d’être soi dans la coexistence avec autrui. « Il n’y a pas d’herbes folles, il n’y a que des herbes libres » dit le poème de Viviane à la fin du film. Comme pour contrebalancer les projets mortifères, la lucarne des immeubles pointe vers un horizon d’émancipation. »
Les dates à venir de la tournée bretonne
- vendredi 20 juin – Le Grand Bleu, Carhaix – 20h
- samedi 21 juin – Le Club, Douarnenez – 20h45
- mercredi 25 juin – Les Studios, Brest – 20h – en présence de Dolorès du Collectif des Jardins des Vertus
- jeudi 26 juin – La Salamandre, Morlaix – 20h30 – en présence de Dolorès du Collectif des Jardins des Vertus
- jeudi 26 juin – Les Rencontres du Cinéma Documentaire de Mellionnec – 15h – en présence du réalisateur Vincent Lapize et de la productrice Colette Quesson.
Plus d’informations et bande-annonce sur : https://vraivrai-films.fr/catalogue/la-terre-des-vertus
Droits images : Vincent Lapize.