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Mélanie Mardelay, la cuisine végane au cœur… et au bout des doigts !

C’est à l’occasion du veganuary, le plus grand mouvement mondial végan*, encourageant depuis 2014 à manger végan tout au long du mois de janvier, qu’Eco- Bretons part à la rencontre de Mélanie Mardelay, cheffe culinaire de la région de Dinan (22). Mélanie y élabore ses recettes végétales qu’elle transmet avec passion, pédagogie et humour. Et c’est en toute sincérité et simplicité qu’elle nous parle de son parcours de transition professionnelle qui lui a permis d’accorder ses convictions éthiques, environnementales et sociales avec sa passion de la cuisine.

 

Bonjour Mélanie, vous êtes une autrice et cheffe cuisinière de référence dans le milieu végan, pourriez-vous nous raconter votre parcours et quel a été le déclencheur de votre passage à l’alimentation végétale ?


J’ai créé mon blog en 2014, à l’époque j’étais traiteur, très fraîchement végane et j’avais envie de partager mes recettes pour le quotidien, pour contrebalancer la cuisine plus élaborée que je proposais dans mon travail. C’était un peu mon carnet de bord.
J’ai commencé à me questionner en 2013, grâce à mon travail justement. Je proposais des menus de fêtes essentiellement pour des mariages et, bien que travaillant avec des produits bios, locaux, je trouvais que j’utilisais quand même pas mal de produits animaux (il s’agissait davantage d’une réflexion logistique à cette époque que éthique). Un week- end où j’avais une grosse commande de desserts, et que je cassais des dizaines d’œufs à la main, je me suis demandée ce qu’il en était des plus grosses entreprises en restauration : si moi, petite boite, j’avais déjà autant d’œufs à casser, comment se fournissait les autres ? Et comment arrivait-on à les fournir, surtout ! J’ai commencé à me renseigner sur l’élevage de poules et j’ai mis les pieds dans un système dont je n’avais absolument aucune idée avant : les couveuses et le sort réservés aux mâles, les immenses bâtiments fermés, le traitement et la fin des animaux pourtant élevés aux normes bios. Ça a été une claque énorme pour moi qui ne m’étais jamais questionnée dessus (pourtant fille d’éleveur en plein air) et mettant le bio en haut du panier en termes d’éthique de vie.

À partir de là, j’ai déroulé une pelote de laine. Si j’avais déjà arrêté de manger du foie gras un ou deux ans auparavant, je suis devenue pendant plusieurs mois végétarienne puis végétalienne le temps de tout réapprendre et de pouvoir aligner mon travail avec mes nouvelles valeurs. Fin 2019, j’ai arrêté mon activité de traiteur pour me consacrer à mon blog et à mes livres et j’en vis depuis.

 


Sur votre blog « Le cul de poule » et sur les réseaux sociaux ( melanie.leculdepoule sur Instagram), en plus de l’humour, on sent chez vous une attention particulière à ne pas culpabiliser vos lecteur.rice.s, ne pas être parfait.e en cuisine, y aller progressivement…Le désir de transmission est prégnant et non imbibé d’injonctions à la perfection écologique…
Y êtes-vous attentive dans votre façon de transmettre vos convictions ? Vous parlez également de féminisme, de charge mentale etc…


J’y suis très attentive aujourd’hui, mais j’étais bien plus rentre dedans au début. Quand on ouvre enfin les yeux, on est en colère contre le monde et contre soi, on a envie que tout aille vite et on ne comprend pas que plus de gens ne sont pas déjà engagés dans une transition alimentaire. Si j’ai toujours partagé avec humour et passion je pense que je manquais de nuances au tout début, j’étais très vindicative. Aujourd’hui, je suis toujours très droite dans mes bottes mais j’ai appris à modérer mon discours afin de toucher plus de gens. J’ai appris à prendre en compte les freins des un.es et des autres et à comprendre qu’il est indispensable que chacun.e aille à son rythme et qu’on avance bien plus facilement quand on est soutenu.e que quand on est jugé.e.
Et adopter un mode de vie végan, donc pour les animaux, c’est aussi, irrémédiablement, investir et relier de nombreux combats idéologiques. On ne peut pas être féministe et manger des produits issus de l’exploitation des femelles par exemple**. Quant à la charge mentale, elle est déjà omniprésente chez les femmes, mais quand vient s’ajouter un changement d’alimentation pour le foyer, ça devient carrément colossal. Donc oui, ce sont des sujets qui me tiennent énormément à cœur car être vegan est un choix politique et on ne peut pas se contenter de présenter ses casseroles sans englober tous ces sujets.

Vous plaisantez souvent que cuisine végétale ne veut pas dire cuisine régime ! Le plaisir reste au centre de votre cuisine et en même temps vous faites très attention à l’équilibre alimentaire. Pas question de carences en protéines, en fer, en calcium ou autre dans vos recettes, vous maîtrisez vraiment cela ! Vous êtes- vous formée à la nutrition et en quoi cela vous semble important ?


Si la nutrition m’a toujours intéressée, j’ai été obligée de m’y pencher un peu plus en ayant des enfants car évidemment, rien n’est fait pour nous aider donc il fallait à l’époque chercher par soi-même. Heureusement aujourd’hui on trouve des ressources scientifiques fiables et en français (ONAV, vegan pratique). Je ne pense pas que ce soit un prérequis pour devenir végan, clairement. Combien de personnes mangeant de la viande se soucient de leur équilibre alimentaire ? On ne leur demande rien, or on exige des personnes végétaliennes une connaissance parfaite afin de prouver que c’est viable et qu’elles ne se mettent pas en danger. Les preuves existent mais ne sont pas du tout véhiculées en France, bien au contraire.
Donc c’est plus par défaut et pour rassurer les gens que je me suis formée sur le tas et surtout que je travaille avec une diététicienne nutritionniste sur de nombreux ouvrages qui traitent de la nutrition. Mon métier, ça reste la cuisine.

 


Selon vous, quelles peuvent être les raisons en France, en Bretagne terre d’élevage, pour que l’alimentation végétale provoque autant de crispations, de réflexions souvent ironiques ou agressives ? Quels sont vos conseils pour y faire face et emmener un peu plus de
compréhension sur ce choix alimentaire ?


Indiscutablement le patrimoine culinaire français qui peine à se renouveler et à se moderniser et les lobbies agro alimentaires qui pèsent de façon colossale dans toutes les décisions liées à une amélioration des conditions de vie des animaux, à la santé des humains, et à l’environnement de manière générale. Tant que des politiques ne s’empareront pas davantage de ces sujets afin de faire bouger les lignes au niveau législatif, on ne peut que continuer de sensibiliser l’opinion publique, montrer qu’une autre voie est possible. On ne convainc pas, on amène à réfléchir et on propose des alternatives. Personne n’aime s’entendre dire que ce qu’il fait est mal ou qu’aujourd’hui, on peut faire autrement. Il faut sortir du jugement des comportements individuels pour proposer un autre choix de société. Il faut que l’on puisse s’identifier à un mode de vie pour l’embrasser et aujourd’hui, les alimentations végétales peinent à se faire une place à cause de ces lobbies qui se gavent littéralement au détriment du vivant. Mais on avance.
Je nous vois un peu comme un tracteur, lent mais bien solide, plus que comme une voiture de course.

 


Une question m’intrigue quand je vous écoute sur les RS notamment sur Instagram…Bien que ce soit évidement au cœur de votre choix de vie, vous parlez finalement assez peu d’antispécisme, de votre rapport aux animaux…Le côté émotionnel engendré par l’exploitation animale laisse la place à la joie, le partage, le plaisir de se nourrir sans souffrance animale. Est-ce un choix conscient de ne pas l’évoquer frontalement ?


C’est une bonne question. C’est un vrai choix que de l’aborder comme ça oui. Comme je le mentionnais, au début j’étais assez vindicative et j’ai passé beaucoup de temps à essayer de mettre les gens face à leur contradiction. Je partagerai volontiers tout ce qui me tombait sous la main afin de montrer mes “preuves”. Et je me suis fatiguée, j’étais tout le temps en colère. Je n’avais pas envie de devenir une personne aigrie alors j’ai décidé de me consacrer à ce que je savais faire, mon cœur de métier : la transmission et l’apprentissage de la cuisine. Ça ne m’empêche nullement de proposer de longs articles (les RS c’est quand même très limité et ce n’est absolument pas là que se trouve l’essentiel de mon travail…) sur comment devenir végan, pourquoi, les dessous de l’élevage. Je traite également de ces sujets dans mes webzine dont le dernier en date sur le végétarisme et les dessous des produits laitiers. J’ai réalisé plusieurs vidéos sur mon parcours, sur le choix moral que c’est de devenir vegan et comment le vivre au quotidien vis à vis des animaux.
En résumé, quand on défend une cause, on ne peut pas être à tous les échelons pour faire changer les choses, c’est absolument impossible. Moi je ne me situe pas au début comme élément déclencheur. Mais je suis là quand les gens décident de creuser et de s’y mettre en cuisine. C’est comme si on reprochait aux personnes qui écrivent des livres sur le spécisme ou qui réalisent des podcast sur la condition animale de ne pas proposer en même temps des recettes de cuisine. Chacun sa zone de combat et c’est ensemble qu’on fait avancer les choses, je ne suis qu’un maillon.

 

Au-delà de l’alimentation, qu’est-ce que le véganisme a apporté dans votre vie, dans vos rapports au monde ?


Une vraie connexion avec le vivant, ce qui m’entoure, que j’avais très peu avant. Bien qu’ayant vécu toute ma vie à la campagne, entourée d’animaux, la dissonance cognitive était très forte, tout ça c’était un peu acquis pour moi, je ne le remettais pas en cause.

Aujourd’hui je suis bien plus consciente que tout est lié. Rien de spirituel là-dedans : nous sommes des animaux, qui vivons dans un environnement que nous ne respectons pas. Ça ne peut pas durer. On ne peut pas se comporter comme des dieux vivants en crachant sur ceux qui nous entourent, animaux, humains, nature et se regarder dans la glace en espérant que rien ne change.



 

 

 


Votre deuxième livre  » Dépenser moins, manger mieux » sort ce mois de janvier aux Éditions La Plage, comment l’avez-vous conçu et si vous deviez donner un seul argument pour se mettre à la cuisine végétale, quel serait-il ?


Je l’ai conçu comme une boîte à outils afin qu’il soit transposable dans un maximum de cuisines. Je ne crois pas à une seule méthode d’organisation en cuisine, je voulais que, quelle que soit la composition du foyer, les gens puissent se l’approprier et s’investir dans la qualité de leur assiette en préservant leur portefeuille. Le budget est un élément central de nos repas, quel que soit notre régime alimentaire, nous sommes quand même une majorité à y prêter attention et à vouloir mieux manger.
Mon argument est que la cuisine végétale est vraiment très facile. Ce qui est dur, c’est de s’y mettre dans la tête et dans l’organisation. Mais la cuisine végétale du quotidien en soi est réellement très facile et à la portée de tout le monde.

 


Eco- Bretons étant un média engagé dans les transitions écologiques, pouvez-vous nous dire ce que la notion de « transition écologique » vous évoque et comment est-elle ancrée chez vous en Bretagne ?


C’est un changement et je trouve que le terme transition englobe bien toutes les étapes par lesquelles on doit nécessairement passer. Les brûler ne va aider personne, ni les animaux, ni l’environnement ni les humains… On est encore au stade de l’information en Bretagne avec tous les freins pour y accéder que nous avons vu. On doit réfléchir collectivement à une autre façon de traiter le vivant et je ne pense pas qu’il y ait une solution qui fasse l’unanimité. Cependant, actuellement ce sont les intérêts d’une minorité qui décident pour la majorité et ce n’est pas tenable. Je trouve formidable toutes les alternatives qui se font à l’échelle d’un territoire, aussi petit soit-il. On a tendance à parler pour la France, mais on voit bien que les décisions majeures ne viendront pas d’en haut en premier lieu. La Bretagne est emprisonnée dans sa façon de faire, dans un élevage intensif et toutes les catastrophes qui en découlent, le monde de l’élevage et de l’agriculture n’a que très peu de marge de manœuvre. J’espère qu’un jour on arrivera à trouver une solution pour arrêter ces exploitations qui broient autant les animaux que les humains.

 


« Si, quand vous pensez à la crise climatique ou à la violence de notre système alimentaire, vous vous sentez impuissant•e et vous vous dites « J’aimerais tellement pouvoir faire quelque chose » : vous pouvez. ». Ces mots de Joaquin Phoenix, célèbre acteur américain et un des parrains du veganuary, résonnent avec ceux de Mélanie Mardelay. Alors n’hésitez pas à découvrir ses recettes savoureuses dans ses livres ou sur son blog !


Pour découvrir :
blog Le cul de poule
Instagram
webzine Le coup de fouet 

Définitions :


*Véganisme : Être végan est un mode de vie basé sur le refus de toute forme d’exploitation animale, la Vegan Society le définit ainsi : « « Une philosophie et façon de vivre qui cherche à exclure – dans la mesure du possible – toute forme d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but, et par extension, faire la promotion du
développement et l’usage d’alternatives sans exploitation animale, pour le bénéfice des humains, des animaux et de l’environnement. En matière diététique, il désigne la pratique de se passer de tous les produits dérivés en tout ou partie d’animaux. »


Végétarisme : Le végétarisme est une pratique alimentaire qui exclut la consommation de chair animale.

 


Pour aller plus loin :


** Chercheuse en philosophie, Myriam Bahaffou s’intéresse à l’analogie historique entre l’exploitation des animaux et l’exploitation des femmes. Article du journal Usbek et Rica

– podcast « Comme un poisson dans l’eau »




Portrait de femme n°16. Louise Roussel, la vélorutionnaire pour toutes… et bien plus encore !

« Quand vous voyez passer un cycliste, ne vous fiez pas à son allure inoffensive. A sa façon, il est en train de changer le monde ». Ces mots de Didier Tronchet, tirés de son petit traité de vélosophie, pourraient parfaitement s’appliquer à Louise Roussel. Mais le monde auquel Louise aspire, c’est celui où toutes les femmes ont accès au plaisir de rouler à vélo, vélo vu comme un fabuleux outil d’empowerment et de prise de confiance. C’est à Lorient (56) que nous la rencontrons pour évoquer son parcours et sa volonté de faire découvrir à toutes, la liberté, l’autonomie et l’émancipation que peuvent offrir le vélo. Et si Louise est devenue une des porte- voix de toute une génération de femmes cyclistes, nous découvrons que son engagement est bien plus vaste…

La première fois que nous avons rencontré Louise, c’était à l’occasion de la projection de son film-documentaire autour des femmes et du vélo, « Les échappées », co-réalisé avec sa compagne, Océane Le Pape et c’était déjà à Lorient. Cette ville est devenue depuis, son port d’attache, son point d’ancrage. Il n’a pas été choisi au hasard car la Bretagne et son énergie régénératrice, l’ont déjà sauvée d’un burn-out il y a une dizaine d’années. La beauté de la nature environnante, sa richesse culturelle et associative ont fait de Lorient le choix final des deux trentenaires.
Née dans les Flandres, fille de paysans, le vélo a été présent dans sa vie d’enfant comme un moyen courant de déplacements, de loisirs à la campagne, lui permettant de suivre facilement son grand frère. Mais alors que lui partait déjà seul à vélo vers 8 ans, les premiers souvenirs de Louise à vélo en solitaire se situent plutôt vers ses 12-13 ans… Une première différence entre les filles et les garçons qu’elle remarque aujourd’hui . Pas spécialement sportive, le vélo est relégué dans un coin de sa vie jusqu’au début de sa vingtaine où, pour accompagner son frère, elle décide de faire Amsterdam-Lille en pédalant. Par manque d’argent, le vélo leur semble un moyen accessible de voyager. Elle avoue en rigolant que cette première expérience fût horrible ! Débutants complets dans le voyage à vélo, sacs à dos… sur le dos… trop chargés, Google Maps se révélant le guide le plus foireux qui soit, l’aventure fût épique et reste un souvenir mémorable à raconter ! Et aussi décomplexant pour tous et toutes ! Mais le déclic est là, le sentiment de puissance et de liberté retrouvée, d’avoir réussi à faire cela « seulement avec son corps » lui font aimer et continuer le vélo. L’année suivante, elle part seule jusqu’à Budapest et depuis, n’arrête plus de rouler. Son vélo est devenu son moyen de transport principal et elle prend un malin plaisir à démontrer par l’exemple, qu’elle peut tout faire à vélo, comme arriver à des mariages à l’autre bout de la France ! Ne prenant plus l’avion, il lui permet également de faire des longues distances en Europe.

Louise se rend vite compte que les femmes sont peu représentées dans le milieu du vélo. Pourtant elles existent mais sont souvent invisibilisées… Les comportements sexistes sont légion, les remarques récurrentes sur le physique, sur les équipements vestimentaires, sont accompagnés d’un manque de place laissée aux femmes dans les fédérations, dans les ateliers de mécanique et même dès la conception des vélos, dans les entreprises du secteur… Comment changer cela ? Louise a toujours écrit, plus jeune elle a été correspondante de presse, a fait des études de communication… Son attachement à transmettre, à mettre en valeur les autres va pouvoir s’exprimer dans le domaine des femmes et du vélo. Ouvrir le champs des possibles, créer une communauté d’entraide sont des valeurs fondatrices pour elle. Encouragée par Océane, qui relisait les portraits qu’elle écrivait pour raconter les initiatives créées dans sa ville lors du confinement, l’idée d’un livre a germé.

Un livre et un road-movie pour visibiliser les femmes cyclistes

Ce sera « Le guide du vélo au féminin, à vos cycles ! »( Tana Editions ) en 2021, livre écrit comme un objet-manifeste, « un récit féministe, joyeux et poétique qui propose de découvrir des femmes, de leur 1er coup de pédale à la grande aventure, d’apprivoiser la technique grâce aux fiches pratiques et de prendre la route ». Sur la couverture, on y retrouve les mots « liberté, émancipation et autonomie ». Ce livre, écrit pendant le confinement, Louise et Océane ont eu envie de le faire vivre sur les routes de France, en allant à la rencontre de celles qui roulent, travaillent et luttent pour ouvrir la voie par le biais du vélo. Elles ont rencontré près de 200 femmes, certaines présentes dans le livre, et ont réalisé « Les échappées », road-movie sur ce périple de 3000 km à travers l’hexagone. On y retrouve des femmes comme Swanee Ravonison, artisane cadreuse à Nevers, une des seules en France à fabriquer entièrement des vélos dans son atelier PaRiaH, ou encore Gaëlle Bojko qui a parcouru 900 km sur la glace du lac Baïkal. On y rencontre des femmes de tout âge, de tous milieux sociaux et c’est un vrai choix politique que les deux jeunes femmes ont opéré dans leur désir de visibiliser les femmes cyclistes. Louise nous explique qu’il peut être très facile de rester dans les schémas habituels et de ne présenter toujours et encore que les mêmes profils… Elle jette pourtant en toute humilité, un regard critique sur le fait qu’elles n’ont pas représenté de femmes en situation de handicap visible ou de femmes trans, en regrettant de ne pas être aller jusqu’au bout de leur démarche d’inclusivité. Mais ce tour de France et la centaine de projections du documentaire lui permettent de continuer son travail de réflexion. Elle aurait maintenant choisi de ne pas intituler son livre avec le terme « au féminin » car le mot lui semble trop connoté, comme une injonction à être féminine. C’est un livre pour toutes les femmes, qu’elles soient féminines ou pas, peu importe !
Le livre et le documentaire ont permis d’emmener le sujet du féminisme dans des espaces, comme des clubs de cyclotourisme par exemple, où il n’était jamais évoqué, mais également dans des assos féministes où le sujet du vélo, du sport en général, pouvait sembler « pas assez noble pour certains espaces intellectuels ». La rencontre et le dialogue entre deux mondes qui se méconnaissent parfois, est tout l’intérêt de la démarche.


Femme engagée, militante, Louise l’était bien avant sa rencontre avec le vélo. Sa sensibilité au monde qui l’entoure, à l’écologie, aux inégalités et dominations, lui ont fait très tôt participer à de multiples initiatives, en cherchant où s’impliquer pour être utile. Louise évoque avec simplicité la création de l’association lilloise, Vai ma poule, qu’elle a co-créée en 2018 avec des amies. Elle accueillait déjà régulièrement des personnes réfugiées, en demande d’asile, pour dîner simplement chez elle et l’idée de rouler ensemble leur est venue en regardant les vélos qu’elle entreposait dans son petit appartement… Vai ma poule était née comme une évidence… Le vélo , pour faire du lien, pour se faire du bien, pour découvrir un nouveau territoire de vie… et aussi pour « pouvoir s’identifier en tant que cycliste, pouvoir se sentir comme tout le monde, pour permettre de prendre une place dans la société et de se sentir légitime de le faire ».

On ressent chez Louise une vision globale du monde, ses observations sont fines et sensibles, réfléchies et tendent vers le vivre-ensemble, le commun, dans le respect des différences, dans l’entraide et le partage. Dans son nouveau territoire de vie qu’est la Bretagne, elle évoque déjà le
problème de l’accès au logement en citant le livre « Habiter une ville touristique » du collectif Droit à la ville Douarnenez ou encore la réalité du milieu agricole en citant celui d’Aurélie Olivier, « Mon corps de ferme ». L’aspect politique des choses l’intéresse, dans son ancienne région, elle a déjà fait partie d’une liste électorale aux dernières élections municipales, et elle voit la politique comme pouvant permettre de réellement transformer la vie des gens. Pour le moment, elle découvre la région lorientaise et ses dynamiques, en s’y impliquant déjà dans sa vie professionnelle et associative, comme par exemple en animant des ateliers d’autoréparation chez Syklett en mixité choisie.

« La joie est un acte de résistance »

Eco-bretons étant un média engagé dans la transition écologique, nous demandons à Louise ce que cette notion lui évoque: «C’est comment passer du monde d’avant au monde d’après» , sans vouloir être dans une phrase-clichée s’exclame-t’elle aussitôt! « Nous sommes dans un monde qui ne peut plus fonctionner parce qu’il consomme trop de tout, trop d’énergie, trop de vêtements… Nous avions l’impression de pouvoir continuer comme cela, de prendre l’avion tous les week-end, d’acheter de tout, tout le temps… Mais nous savons que cela n’est plus possible alors comment fait-on? ». Après une phase angoissante, c’est l’excitation de réussir ce monde nouveau qui l’emporte, l’enthousiasme de tout ré-inventer qui prévaut, joie et colère mêlées comme moteur d’actions. Une phrase prononcée par l’ancienne ministre belge, Sarah Schlitz l’a particulièrement touchée : « La joie est un acte de résistance ».

Et le vélo dans tout çà ? La réponse semble évidente sur l’empreinte carbone, moins de CO2 à l’usage comme à la fabrication, moins de pollution visuelle et sonore, moins de bétonisation de l’espace public, désengorgement des villes, amélioration de la santé physique et mentale… Et encore et toujours, Louise évoque et revendique le caractère populaire du vélo. Elle peste contre la mode du vélo «nouveau golf», qui ne serait réservé qu’aux plus nantis. Le vélo est et doit rester populaire et accessible à tous et toutes, un vecteur de lien social et d’égalité… Pas d’écologie sans justice sociale somme toute…

Louise Roussel est en mouvement, elle avance déterminée et attentive au monde. Elle semble aller vite mais sa vitesse est à échelle humaine pour ne laisser personne de côté. Les projets foisonnent et Louise qui avait pourtant dit « j’arrête de parler vélo ! », évoque en souriant malicieusement, la préparation d’un podcast sur deux femmes préparant le Paris-Brest-Paris, épreuve mythique de cyclotourisme car elle adore le côté désuet que peut refléter cette épreuve et aime son côté accessible. La création d’un « festival du voyage féministe et populaire » est aussi d’actualité avec Océane : projections, rencontres, podcasts, bivouac collectif… sont dans les projets des deux femmes. Avec toujours l’idée d’inclure le plus possible tous les publics, par des journées avec des scolaires, dans les quartiers de Lorient, à imaginer « comment voyager en restant chez soi », des ateliers de balisage de randonnées ou de lectures de cartes… « Voyage féministe » parce que oui, les femmes voyageuses, exploratrices ont été nombreuses et une idée suggérée par une de ses amies, la réalisatrice du film « Women don’t cycle », Manon Brulard, a fait naître le désir d’un marathon d’élaboration de fiches Wikipédia sur ces femmes. Et cela pour les rendre visibles parmi les 80% de fiches masculines !

Transmettre, partager, inspirer et s’il ne fallait retenir qu’un seul conseil de Louise, ce serait celui « d’oser, d’essayer… au pire, cela ne te plaira pas ! ». Mots en résonance avec ceux de Lael Wilcox, icône mondiale du bikepacking, cycliste de longue distance : « Tu ne sais pas
que tu peux faire quelque chose jusqu’à ce que tu essaies. »

Recommandations de Louise :
* livre : « Les femmes aussi sont du voyage, l’émancipation par le départ » par Lucie Azema (Editions Flammarion ). Parce qu’Ulysse parcourt le monde et Pénélope reste immobile… et si cela changeait ?
*livre : « A vélo en famille » par Jeanne Lepoix et Camille Boiardi-Franchi ( Tana Editions).

*vidéos : celles de The Adventure Syndicate, la Resolution Race. Quatre femmes en vélo-cargos qui relient Edimbourg à Copenhague dans une aventure drôle et pleine de sens et qui montre « dans quelle mesure la détermination collective, la collaboration et la bienveillance peuvent nous porter dans la course pour sauver notre planète » http://theadventuresyndicate.com/resolution-race
A noter, rencontre avec Louise Roussel et Océane Le Pape au café-librairie Boucan
de Pont Aven (29) le vendredi 12 mai à 18h30 : Projection du film documentaire « Les échappées » à prix libre suivi d’un échange autour du film et du livre « Le guide du vélo au féminin ». Réservation fortement conseillée auprès d’Anne et Mathilde de Boucan au 0950917953 ou 0609203580. https://www.facebook.com/boucanpontaven/
 



Portrait de femme n°17. Emilie Cariou-Ménès ou la fibre de l’engagement social et solidaire

Rencontre avec Emilie Cariou-Ménès, chargée de mission au pôle ESS du Pays de Morlaix. Juriste de formation, elle évoque son parcours au sein du milieu de l’économie sociale et solidaire et l’étude qu’elle a réalisée sur le projet de tiers-lieu des transitions en pays de Morlaix. Ainsi que l’engagement et la curiosité intellectuelle qui la caractérisent.

A quelques encablures du centre ville de Morlaix, sur la route de Garlan, se dresse le château de Kerozar. Dans son parc, riche de nombreuses espèces végétales dont un tilleul sûrement plusieurs fois centenaire, se cache un bâtiment qui est le siège d’une belle diversité lui aussi, mais de structures. C’est là que travaille depuis maintenant deux ans et demi Emilie Cariou-Ménès, au sein de l’Adess du Pays de Morlaix, le pôle de développement de l’économie sociale et solidaire. « C’est une association, il en existe 18 autres en Bretagne. On travaille tous à l’échelle d’un Pays, par exemple ici sur trois intercommunalités », explique la jeune femme. « Nous sommes financés en majorité par la Région Bretagne, sur le développement économique de l’entrepreneuriat ESS, un axe « promotion » de projets collaboratifs. On sensibilise aussi à l’économie sociale et solidaire, par le biais d’intervention auprès des scolaires par exemple, ou sur des choses un peu plus pointues en fonction de la demande de nos structures adhérentes, qui sont 58 aujourd’hui », poursuit-elle. Les questions de mobilité, d’énergie, d’enseignements, d’éducation, et d’autres…sont ainsi abordées par l’Adess Morlaix, ses deux salariées et ses adhérents. « Nous faisons aussi de l’animation territoriale, ce n’est pas quelque chose qui est figé, on réagit en fonction des thématiques qui remontent des territoires, par exemple ici la question des transitions », précise Emilie.

Droit du patrimoine, ruralité, et habitat groupé

Mais qu’est ce qui l’a poussée à s’investir dans ce grand champ des possibles qu’est l’économie sociale et solidaire ? « On va dire que j’ai toujours eu la fibre de l’engagement », sourit-elle. « J’ai été élevée comme ça, ainsi que dans une grande curiosité intellectuelle. On m’a laissé faire mes propres choix ». La découverte de l’ESS s’est faite cependant assez tard dans son parcours. Juriste de formation, Emilie suit ses trois premières années de formation à la fac de Brest, dans un parcours mi-privé mi-public, hésitant à choisir. « En master, je me suis spécialisée en droit du patrimoine, parce que je voulais travailler dans le milieu de la ruralité », rembobine-t-elle. Elle effectue alors un stage de six mois au sein d’un syndicat agricole, qui lui a permis de découvrir un type de militantisme qui ne lui convient pas. « Cela me dérangeait car il n’y avait pas d’intérêt porté aux gens, à l’humain ». Une expérience qui lui a fait prendre conscience de ce qu’elle ne voulait pas dans sa carrière professionnelle. Elle entame ensuite de nouvelles études, toujours à Brest, cette fois dans un master en droit notarial, afin de « se spécialiser ». Petit effectif, grandes discussions, et ambiance pleine de motivation : Emilie s’y sent bien. La venue d’un responsable d’un master « mutualisme et coopération », recherchant des profils de juristes avec une spécialité patrimoine, l’amène à vouloir compléter sa formation et à y candidater. Elle est retenue dans ce master pro, et doit maintenant trouver un stage. Elle passe alors un entretien dans une grande banque coopérative, mais n’en sort pas complètement convaincue. C’est à ce moment que les routes de la jeune finistérienne et de l’économie sociale et solidaire vont vraiment se croiser : après un envoi de CV au tout jeune pôle ESS de Brest, la salariée l’appelle pour travailler sur la question des bailleurs sociaux et des porteurs de projets en habitat groupé. « Je n’y connaissais rien », avoue Emilie, qui accepte cependant de les rencontrer, dans une petite épicerie éthique de la ville. « Le courant est super bien passé, j’ai senti une certaine chaleur humaine avec la coordinatrice et le co-président de l’époque ». Emilie fait alors son stage durant neuf mois au sein de la structure, sur la mission qui lui est proposée. « On est en 2012, il n’y a pas encore la loi Alur, c’est le défrichage total ! Je passe une année d’étude complètement folle à découvrir un sujet qui me passionne, je monte un comité de pilotage, un comité d’études, avec des universitaires, des collectivités, des associations… ». Elle découvre aussi les premières missions du pôle ESS. « Il faut aller au charbon, voir les élus. On a de la chance à Brest d’être accueillis dans les locaux de Don Bosco, avec aussi l’antenne finistérienne de la Cress (Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire, ndlr). L’occasion d’un « apprentissage en accéléré ».

Son stage fini, Emilie a envie d’aller plus loin, de poursuivre son compagnonnage avec l’ESS, et de continuer sur la question de l’habitat groupé. Alors pourquoi pas un parcours de thèse, avec l’Adess Brest ? Emilie devient au même moment adhérente de l’association, et rapidement propulsée au conseil d’administration. Et devient carrément co-présidente la même année ! « Une ascension fulgurante au sein de l’ESS » rigole-t-elle. Elle s’investira à ce poste durant neuf ans, et verra éclore de nombreux projets, dont la monnaie locale Heol et le groupement d’employeur associatif, le Geai29. Et continuera le travail entamé sur l’habitat participatif, avec de nombreuses visites et rencontres sur le sujet au travers la Bretagne. L’occasion de découvrir une Economie Sociale et Solidaire un peu différente, portée par des citoyens militants et des structures, qui placent tous et toutes l’humain au premier plan, et qui « le démontrent tous les jours ».

Après 10 ans faits d’engagement sur le terrain, d’un mandat d’élue locale, de cours dispensés à l’université et d’un parcours de thèse, Emilie décide de tout arrêter et de « prendre du temps » pour elle. « Il y a un trop plein, je n’yarrive plus. Je suis tellement partout que je ne suis finalement nulle part ».

Mais l’appel de l’ESS se fait sentir…

Un poste se libère sur Morlaix, pour un remplacement de congé maternité, à temps partiel. Emilie hésite, prend conseil, et finalement dépose sa candidature au dernier moment. Retenue en entretien, elle est prise pour le poste. On est alors en pleine période de covid. Pas forcément évident…Mais l’essai sera transformé car on lui propose de rester, une fois la salariée en poste revenue.

La possibilité d’un « tiers-lieu des transitions »

Elle travaille alors sur une mission dédiée à un projet de « tiers-lieu des transitions ». « L’idée d’avoir un nouveau lieu surgit régulièrement lors des assemblées générales de l’adess Morlaix depuis quelques années », précise-t-elle. Un souhait des adhérents couplé au fait que les locaux de Kerozar, occupés depuis 2017, deviennent étroits, et sont de surcroît obsolètes du point de vue énergétique.

Emilie se lance alors durant un an, de novembre 2021 à octobre 2022, dans un grand diagnostic, soutenu financement par le programme européen Leader et par Morlaix Communauté. « Nous, on a cette idée de lieu, d’évolution, qu’on voit remonter,, mais ce qu’il faut qu’on approfondisse, c’est de savoir si c’est un projet du territoire ou de nos adhérents, ce qui n’est pas la même chose », observe-t-elle. Un questionnaire est alors lancé, suivi par des entretiens individuels. Mais il faut tout d’abord préciser cette notion de tiers-lieu, pas toujours simple à appréhender. « La question, c’est de savoir ce que nous, on veut mettre derrière ce mot », affirme Emilie, qui a alors réalisé tout un travail de recherche, comme en écho à son expérience autour de l’habitat groupé à Brest et à son passé à la fac. « On finit par se dire que sur le territoire, on ne veut pas exclure de gens, mais les amener à prendre conscience de ce que la notion de tiers-lieux inclut par l’ancrage territorial, la communauté d’acteurs, la réponse aux besoins des habitants, le faire ensemble. Par exemple dans la définition qui est faite par le Larousse il n’y a pas forcément le tiers-lieu en tant qu’initiative de collectivités, eu égard aux critères précités, mais ici ça existe, ça fait aussi partie d’un ensemble qui est plus complexe que ça ». Fab labs, tiers-lieu agro-culturel, cafés associatifs, espace de co-working…La chargée de mission constate qu’il existe tout un maillage de « tiers-lieu » en Pays de Morlaix. Elle en recense ainsi plus de 90, dont la moitié sont par ailleurs des bibliothèques et médiathèques.

Vient alors le temps des questionnaires, qui permet « de déterminer ce que les personnes interrogées mettent derrière le terme de « tiers-lieu des transitions ». Au fil du travail de traitement des 120 réponses obtenues, suivis d’une vingtaine d’entretiens, la jeune femme s’aperçoit que plus de la moitié des sondé.e.s perçoivent un tiers-lieu des transitions comme un « lieu physique », fonctionnant autour d’une dynamique collective, avec du lien social et des solidarités, central, et accessible facilement. L’association des acteurs, le travail en coopération semble aussi primordiale. L’une des thématiques qui ressort est celle « des bâtiments : tout ce qui est habitat, éco-habitat ». « C’est un thème fort sur le pays de Morlaix », note Emilie. Autre fait marquant : la grande place faite à la jeunesse dans les réponses, et la nécessité de faire réseau. Certain.e.s imaginent également des espaces de documentation, d’information sur les transitions, avec pourquoi pas un fab lab, et plus largement d’espaces de créativité. « L’idée, c’est aussi que chacun enrichisse le lieu, et que les rencontres soient favorisées ». L’étude, close, a été présentée lors d’un temps d’échange, et une rencontre a été organisée entre les différents tiers-lieux du Pays de Morlaix. « Il y a aussi un groupe de travail qui a été monté au sein du Conseil d’Administration de l’Adess ». La réflexion suit donc son cours, avec des demandes de financement encore en attente. « Qu’est ce qu’il va se passer ensuite ? Je ne sais pas encore », avoue la chargée de mission. « En tout cas il y a une envie des acteurs ». Pour l’instant la priorité est mise sur le partenariat Résam/ Ulamir/ Pôle ESS relatif à une étude sur la structuration des coopérations en terme de transitions sur le territoire mené par le Résam et accompagné parla Fonda. « On sent qu’il y a une envie d’avancer sur toutes ces questions », souligne la jeune femme, pour qui ce diagnostic a été l’occasion de renouer avec le monde de l’université, qui est lui est cher. « Il a fallu que je me réabonne à la BU, que je retrouve mes réflexes de chercheuse, ça m’a fait plaisir. J’ai cette curiosité intellectuelle, ça me titille ». Les rencontres ont été également riches, avec de nombreux acteurs et actrices locaux du secteur de l’économie sociale et solidaire. « J’ai aussi fait pas mal de mise en réseau, ce qui fait partie aussi de notre travail d’animation territoriale ». Une mission qui a permis à Emilie, outre l’intérêt évident pour l’Adess de travailler sur ce thème, d’être dans une belle démarche de stimulation intellectuelle, qui lui tient à cœur. Celle qui avoue en riant « avoir quinze nouveaux projets en tête par minute » voit les transitions comme un « sujet et un défi qui nous dépassent », « où chaque petits pas compte ». Il faut alors « réussir à travailler ensemble, en équipe, et pas sur une seule thématique. C’est transversal, il faut arrêter de cloisonner, de penser en silo ». Si tout ne va pas aussi vite que voulu, ce n’est finalement pas si grave pour Emilie, pour qui, avec des « petites graines », les choses commencent à avancer, telle la fameuse fable du colibri.

 

 


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Portrait de femme n°13. Yolande Bessong, créatrice engagée de cosmétiques naturels

Rencontre avec Yolande Bessong, aide-soignante en reconversion professionnelle, qui anime des ateliers de fabrication de cosmétiques naturels à la Maison du Ronceray à Rennes. En parallèle, elle travaille à la création d’une marque bretonne de produits de beauté naturels et bios, à destination des peaux noires et métisses. Engagée pour les droits des femmes, elle veut leur apporter conseils et soutien, et mettre en valeur leur travail, notamment dans les coopératives africaines.

La Maison du Ronceray est un centre socio-culturel basé à Rennes, dans le quartier de la Poterie. Cette « maison des initiatives » comme elle se définit avec son projet associatif qui a été mis en place il y a maintenant 18 ans, propose de nombreuses animations à destination de tous les publics. Avec toujours pour objectif de créer du lien.

C’est aussi ce qui anime Yolande Bessong. Avec son association « Innov’Actions Stop Solo », qu’elle a créé en 2018, elle intervient lors d’ateliers de fabrication de cosmétiques au naturel. Aide-soignante de profession, « passionnée par la beauté », Yolande est en reconversion professionnelle. « Avec mon activité, je veux créer du lien social, développer la solidarité locale, nationale et internationale, et m’engager pour les droits des femmes », explique-t-elle. Un projet qu’elle a voulu mettre en place suite à son expérience personnelle et son vécu. « J’ai rencontré des personnes en difficulté, et j’ai compris qu’il y avait un besoin : les gens sont seuls, face à leurs problèmes, et n’ont pas forcément le courage d’aller rencontrer des associations. J’ai pensé faire autrement, c’est-à-dire créer une structure pour aller vers eux, pour leur permettre de sortir de leur solitude, en leur proposant des ateliers, des animations. L’idée aussi c’est qu’ils puissent acquérir des compétences, et pouvoir faire des rencontres, qui peuvent être peut-être dans la même situation », précise la jeune femme. Lors des ateliers, les participant.e.s peuvent ainsi cuisiner, ou fabriquer de cosmétiques à base d ‘ingrédients naturels. « Après la crise sanitaire, beaucoup de personnes ont pris conscience de la nécessité de prendre soin d’elles, en utilisant des produits respectueux de la santé et de l’environnement », note Yolande. Toutes et tous apprennent à concocter des produits « simples », dans une démarche de sobriété : gel douche, baume, crème, avec peu d’ingrédients, et sans emballages. « Je fabrique moi-même des parfums avec des fruits, et des macérats huileux, et on utilise beaucoup de beurre de karité ». Yolande essaie au maximum de s’approvisionner auprès de producteurs locaux, en fruits et légumes.

La défense des droits des femmes est également importante pour la rennaise. Son projet a d’ailleurs été labellisé « Générations Egalité Voices » et « Onu Femmes France ». Un engagement qui trouve sa source dans des rencontres qu’elle a pu faire avec des femmes, victimes de violence, et aussi de ce qu’on nomme « arnaque sentimentale ». « Des femmes qui sont seules, qui ont envie d’une vie de couple, et qui vont être bernées du fait de leur situation de fragilité. Je veux les accompagner, leur apporter mon soutien, des conseils, et peut-être les diriger vers des interlocuteurs institutionnels, qui pourront les prendre en charge », analyse Yolande, qui reste en alerte, aussi bien dans la rue, dans les transports en commun, que sur les réseaux sociaux.

En parallèle de son engagement, Yolande Bessong s’est aussi lancée dans entrepreneuriat, et plus particulièrement dans l’ethno-cosmétique. Elle souhaite créer la première marque bretonne de cosmétique bios et naturels s à destination des peaux noires et métisses. « Avec des ingrédients naturels exotiques, qui sont méconnus du public ». Tout en valorisant le travail des femmes, notamment via des coopératives en Afrique. Seule dans le projet pour le moment, elle ambitionne par la suite de créer des emplois sur le territoire. Sa plus grande fierté : avoir été reçue dans la promotion 2022 de la prépa « French Tech Tremplin ». Une nouvelle et belle aventure qui s’annonce ! En attendant, on pourra retrouver Yolande à la Maison du Ronceray, pour l’animation de nouveaux ateliers au mois d’octobre, toujours dans le domaine de la fabrication de cosmétiques naturels.

 

Plus d’infos : https://www.innovactions-stopsolo.fr/




Portrait de femme n°11. Emeline Declerck, la fine fleur du « Slow Flower » est à Plouigneau

Rencontre avec Emeline Declerck, qui cultive des fleurs à couper en agriculture biologique sur la ferme de Lescinquit à Plouigneau, dans le Finistère. On la retrouvera mardi 1er mars pour un temps d’échanges dans le cadre de « la Virgule Verte », organisé par la Ville de Morlaix et animé par Eco-Bretons, au tiers-lieu La Virgule, rue de Paris à Morlaix.

C’est dans la campagne de Plouigneau, près de Morlaix, à la ferme de Lescinquit plus exactement, que s’est installée Emeline Declerck. Depuis 2018, elle produit des fleurs à couper sur un hectare et dans ses serres, en agriculture biologique et en respectant la saisonnalité. Une passion pour le végétal qui a amené cette grande jeune femme blonde à opérer un virage à 180 degrés dans sa vie professionnelle. « A la base, j’ai une formation artistique. J’ai fait des études d’arts plastiques, et un master en réalisation de documentaires », explique Emeline. Loin des anémones, des dahlias, pivoines et autre oeillets qui font aujourd’hui son quotidien. Diplômes en poche, elle part s’installer au Québec avec son mari. Là bas, elle travaille dans le domaine de la pub, notamment en tant que monteuse vidéo. Un emploi qu’elle occupera pendant huit ans. « Je montais des pubs, je faisais de la recherche pour les réalisateurs, on pitchait pour les marques, pour les agences », raconte la jeune femme. Une vie professionnelle intense, dans un bureau. Mais au bout d’un moment, ce milieu ne lui correspond plus, ne fait plus sens pour elle, qui avait envisagé de toute façon une deuxième carrière auprès des plantes. « Ca a toujours été présent dans ma vie », se souvient-elle. « Ma mère avait toujours des végétaux sur son balcon, dans son appartement. Et j’ai toujours adoré aller dans les jardins botaniques, ou en jardinerie… ». Emeline essaie de trouver un autre emploi dans l’audiovisuel, mais peine perdue. C’est alors qu’elle découvre l’existence des fermes florales aux Etats-Unis, et le mouvement Slow Flower. « Quand j’ai vu ça, j’ai su que c’était ce que je voulais faire », affirme-t-elle. « J’avais besoin du côté visuel, qui est présent avec les fleurs. Il y avait à la fois le côté paysan et le côté créatif, ça me plaisait ».

La fleur comme « un produit de saison, un produit paysan »

Vient alors l’idée d’un retour en France, ce qui tombe plutôt bien pour Emeline qui ne se voyait pas s’installer en production au Québec en raison des conditions climatiques rudes l’hiver. Elle s’inscrit alors en BTSA à l’ESA d’Angers, qu’elle effectue en partie à distance, et réalise un premier stage dans une ferme florale québécoise. De retour en France, la future productrice de fleurs poursuit et achève son BTSA et commence à travailler en maraîchage, puis à chercher un lieu où s’implanter, dans le Pays de Morlaix d’où est originaire son mari. Elle tombe alors sur la ferme de Lescinquit, avec sa prairie et sa maison. L’endroit idéal pour cultiver ses fleurs, en vente directe, sur le marché de Morlaix et alentours, ou pour de l’événementiel et des mariages. « Ici on est sur une petite structure, hyper diversifiée, labellisée bio, et on voit la fleur comme un produit de saison, comme un produit paysan », précise Emeline, qui, si elle a appris les techniques de l’agriculture biologique par ses expériences en maraîchage, a aussi dû compléter sa formation par de nombreuses lectures, notamment en anglais. « C’est très compliqué de faire de la fleur bio car il y a peu de documentation disponible, on procède alors essentiellement, par « Test-erreur », confie celle qui travaille beaucoup en manuel, et cultive ses fleurs en pleine terre, sans serres chauffées ni éclairage spécifique. « Et c’est une vraie satisfaction d’arriver à faire vivre la fleur, la voir grandir, se développer et être belle », commente-t-elle. Une relation avec le vivant qu’elle apprécie beaucoup, après avoir travaillé en bureau, hors-sol. «Il y a un côté relaxant à faire de la bouture, du semis, un lâcher-prise aussi quand on s’occupe du végétal, on ne contrôle pas tout », poursuit-elle. Le tout dans un mode de production respectant la nature. « Une évidence », pour Emeline. « Je ne me voyais vraiment pas, vu les problématiques environnementales actuelles, m’installer en conventionnel. Je n’en vois pas l’intérêt. Par exemple avec mes haies, je perds de la place au niveau de la production, mais je m’arrange pour rentrer dans cet espace délimité car elles sont essentielles. J’accepte qu’il y ait une perte sur les cultures, du coup je produis très diversifié pour limiter les risques. Ca me semble tellement logique ! », soutient-elle. Des principes de respect du vivant, de la saisonnalité et d’attachement à un territoire qu’elle met en avant via son engagement dans le Collectif de la fleur française, une association qui milite pour une fleur locale et de saison, et qui est plein développement. Considérée comme « une pionnière », Emeline est heureuse de voir que d’autres se lancent à leur tour dans la belle aventure du Slow Flower français.

 

Plus d’infos :

https://www.fermedelescinquit.com/

https://www.facebook.com/fermedelescinquit

 


 

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Portrait de femme numéro 12. Maryline Le Goff sème les graines de l’éco-construction et de l’autonomie à Questembert (56)

(Rediff) Rencontre avec Maryline Le Goff, à Questembert dans le Morbihan. Autoconstructrice, Spécialiste de l’éco-construction, elle vit dans un « éco-lieu familial » avec son mari et ses deux filles, qu’elle a créé elle-même, avec jardin vivrier et maison bioclimatique. Elle est également conseillère en éco-habitat et formatrice professionnelle en « bois brûlé », technique très utilisée au Japon pour le bardage des habitations.

Questembert, 7400 habitants dans le Sud Est du Morbihan. C’est dans cette commune, à quelques pas de la Chapelle Sainte-Suzanne, que se sont installés Maryline Le Goff, son compagnon Franck et leurs deux petites filles. Depuis 2014, la famille habite ce que Maryline appelle un « écolieu familial ». « L’idée, c’était de se dire : si tout s’écroule, comment faire pour abriter une famille et la nourrir, avec peu de moyens », explique-t-elle. On y trouve donc une maison bioclimatique économe, en « matériaux bio-sourcés », accompagnée d’un jardin vivrier, « qui nous permet de réduire au maximum nos charges quotidiennes, on est aujourd’hui quasi-autonomes en légumes », souligne Maryline.

Le fruit d’un parcours qui a emmené la jeune femme des études de sociologie à l’éco-construction, et à l’auto-construction. « Après mon bac+6, j’ai travaillé en tant que chargée d’études dans la prospective territoriale, au sein d’une association. C’était un travail de bureau, d’analyse, de communication, de secrétariat », détaille-t-elle. Lorsque son emploi se termine, vient le temps du questionnement. « Je me suis demandée si je voulais continuer dans ce type d’activités ». Ayant pris conscience, de par son activité professionnelle de prospective, des perspectives en terme d’effondrement, de réchauffement climatique, à plus ou moins long terme, Maryline choisit alors de « pouvoir y faire face ».

Avec Franck, ils partent alors tous deux en quête d’un terrain dans le Morbihan, du côté de Theix, siège de l’association où celui-ci travaille alors. C’est à Questembert qu’ils trouveront la perle rare. Maryline y découvre notamment l’association La Marmite, très active dans le développement local, qui va l’épauler dans la « gestion de projets ». Le couple, choisit de vivre dans un mobil-home sur le terrain le temps de construire une maison bioclimatique. Elle sera auto-construite. Maryline se charge alors de la conception, épaulée par des professionnels. Elle part ainsi en stage au sein d’Echopaille, société coopérative spécialisée dans la construction…en paille mais c’est avec Déwi Le Béguec et l’association ECLAT de Nantes qu’elle découvre plusieurs techniques liées à ce type de construction et plus particulièrement une technique adaptée aux auto-constructeurs, avec « de toutes petites sections de bois ». C’est celle-ci qu’elle adoptera pour la construction de la maison, qui fait 99 mètres carrés de surface. « Elle contient pour les fondations 3mètres cubes de béton, tout le reste c’est du bois, de la paille, de la terre, un peu de vitres, un peu de gaines électriques. C’est une maison très économe, qui se chauffe globalement avec le soleil, qui nous fait consommer une stère à une stère et demi de bois par an. », s’enthousiasme-t-elle. Franck l’a rejointe sur la maison après avoir quitté son emploi, et s’occupe désormais du jardin, cultivé notamment grâce à des techniques issues de la permaculture, du maraîchage en sol vivant. «  On fonctionne avec nos deux poules, nos deux canards, notre compost, nos toilettes sèches, on fait nos conserves. On développe tout un savoir aujourd’hui qui nous permet de diminuer nos charges et de vivre finalement confortablement. C’est très rassurant, par rapport à ce qu’on vit actuellement », analyse Maryline, qui avoue néanmoins avoir dû franchir un cap, à savoir changer de niveau de vie. «Ça n’a pas toujours été simple, Ça a été un sacré changement, on a quitté notre vie avec nos deux salaires pour venir s’installer dans un mobil-home ». Le regard des proches a aussi été parfois compliqué à vivre. « Mais maintenant, ils voient que notre modèle marche, et que notre jardin est plein de légumes ! ».

Grâce à toutes les compétences acquises lors de l’élaboration et la mise en œuvre de son projet de maison, Maryline, passionnée par tout ce qui touche à l’habitat, a lancé son entreprise de conseils en éco-habitat. Elle a aussi eu l’occasion de découvrir le bois brûlé, une technique notamment utilisée au Japon pour le bardage des maisons, qu’elle a elle-même utilisée. Incitée par une amie, elle anime alors un premier stage sur le sujet. C’est la révélation. « Je me suis éclatée à faire ça. Alors pourquoi pas d’autres ! ». Elle organise désormais des ateliers-découvertes. « Je vais chez les gens qui ont un projet de bardage bois brûlé, ou alors je les accueille ici par groupe de six ». Certifiée Qualiopi depuis janvier, Maryline reçoit aussi les artisans, architectes ou entreprises voulant se former professionnellement. Les avantages du bois brûlé selon elle ? « Il permet de valoriser un bois qui va être tout simple, par exemple une planche brute. On part d’un matériau peu cher, et on va le traiter pour qu’il dure des décennies, sans entretien. » « On brûle le bois, sans énergie fossile, avec un tout petit brasier. On utilise la force du feu pour le traiter en surface et en profondeur », poursuit la jeune femme ». On obtient ainsi un bois résistant aux insectes, aux champignons, aux assauts de l’eau, du vent, des rayons UV, et qui est durci. Seul l’aspect esthétique peut changer avec le temps. ». C’est ce qu’elle a utilisé pour le bardage de sa maison, qu’elle a réalisé avec l’aide de sa mère. Grâce à son entreprise, ses formations, mais aussi l’association qu’elle est en train de créer, elle souhaite semer à son tour auprès d’autres citoyens et citoyennes les graines d’une plus grande autonomie sur son lieu de vie et dans son quotidien.

Les prochaines dates de ses formations sont à retrouver sur son site internet : https://www.ideedoasis.org/