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La pétition citoyenne pour une convention Penfeld ouverte par la ville de Brest

(Plume Citoyenne) La ville de Brest vient de prendre en compte la pétition proposée par l’association Rue de Penfeld en vue d’un débat au conseil municipal, lorsque 2 000 signatures sont recueillies. Rue de Penfeld demande un débat citoyen sur le partage de l’usage des rives de la Penfeld, rivière au cœur de la ville à Brest en proposant à la ville d’organiser une Convention Citoyenne Penfeld. Marif et Pierre-Yves nous présentent cette démarche de pétition citoyenne et le contexte de la demande de convention.

La pétition citoyenne peut être signée en ligne ou dans l’une des mairies de quartier.

Bonjour Marif , Pierre Yves, pouvez-vous vous présenter rapidement et nous dire ce qu’est l’association Rue de Penfeld ?

Je m’appelle Marif Loussouarn. Rue de Penfeld, est une vieille association, créée en 1992 sur la thématique de l’ouverture de la Penfeld, rivière au coeur de la ville à Brest sous emprise de la marine et qui pourrait s’ouvrir beaucoup plus aux civils qu’elle ne le fait.

Je m’appelle Pierre-Yves Brouxel et je fais aussi partie de rue de Penfeld depuis près de 30 ans. A certains moments, cela a avancé : Fêtes maritimes de Brest 92, le port du Château, les Capucins, et d’autres où ça a stagné. Depuis les dernières élections municipales, on remet le sujet sur la table parce que c’est un enjeu d’avenir pour la ville de Brest avec les multiples opportunités d »accès aux rives de la Penfeld.

Pourquoi une convention citoyenne ? Qu’est- ce que vous pouvez en attendre ?

Une convention citoyenne, c’est quelque chose qui élargit le débat en associant davantage la société civile, les associations, les personnes qui s’intéressent à l’avenir de la ville. Sur ce territoire très particulier de la rivière en cœur de ville, ce débat qui fait sens à beaucoup de personnes. L’accompagnement citoyen peut permettre d’éclairer les possibles, de développer une synergie avec l’apport de personnes qui connaissent ces sujets, de se poser la question de quels terrains regagner, d’ouvrir la discussion avec la Marine nationale et les opérateurs de l’État.

Cela permettrait de donner à voir de façon plus vaste et avec des personnes différentes, une autre manière d’entrer dans ce sujet. L’idée est aussi que ce ne soit pas une petite association comme la nôtre qui se démène pour parler du sujet, mais d’élargir le plus possible et d’éclairer la population.

C’est aussi la confiance en ce que des citoyens mis en situation lors d’une convention sont capables de faire des propositions originales et pertinentes comme l’a démontré la convention citoyenne sur le climat.

Une convention, c’est aussi dépasser une forme d’opposition entre civil et militaire, Il ne s’agit nullement comme a pu le déclarer le Maire à la presse de « savoir comment expulser la Marine de la Penfeld », cela n’a jamais été dans nos intentions. On voit bien sur les réalisations comme les Capucins ou le port du Château, que la discussion fait émerger des projets et qu’il n’est pas question d’expulser, mais de construire de nouveaux espaces qui rencontrent un très grand succès.

C’est aussi dépasser l’opposition entre le maire et l’association et sortir de cette dualité en ouvrant plus largement. L’expérience avec le travail de l’architecte-urbaniste Paola Viganò sur le Plan-Guide Cœur de métropole  montre que lorsque l’on discute, quand on a des éclairages, on est tout à fait capable de donner des avis riches, intéressants qui permettent d’ouvrir et de sortir de ce blocage. Aujourd’hui, nos tentatives d’échanges avec la collectivité, ne marchent pas.

Quelles ont été les avancées dans cette ouverture de la Penfeld ?

Un élément déterminant a été la mise en place d’une commission Penfeld après un comité interministériel d’aménagement du territoire en 1998. Cette commission, présidée par le préfet, avec le préfet maritime, le maire de Brest et l’équipement, mais sans ouverture à la société civile, a permis l’ouverture du port du Château (auparavant yacht club de la marine nationale) et des Capucins (auparavant ateliers de la Direction des Constructions Navales.)

Au moment des municipales 2020, on a relancé l’ensemble des listes candidates pour connaître leurs propositions. Un an plus tard, on a écrit à la liste élue pour savoir qu’est-ce qu’elle allait faire, sans recevoir de réponse. Après, il y a eu l’épisode Covid et à mi- mandat, on relance la question un peu plus fermement puisque des engagements avaient été pris durant la campagne. Mais nous n’avons reçu aucun écho de la collectivité à nos sollicitations, sinon par l’intermédiaire de la presse.

Pourquoi cette pétition citoyenne et qu’est ce que ce dispositif ?

Face à ce blocage dans le dialogue, en cherchant comment mettre le sujet sur la table, on a pensé à utiliser l’outil de « pétition citoyenne » mis à disposition des habitants par la municipalité pour qu’un sujet soit mis à l’ordre du jour d’un conseil municipale de printemps.

La pétition citoyenne est un dispositif qui se déroule en trois étapes. :

  • Dans un premier temps une association dépose une pétition sur le site dédié « je participe » et les services municipaux ont deux mois pour juger de la recevabilité de la demande. La pétition a été déposée début septembre.

  • Si le principe est validé, ce qui vient de nous être signifié, l’association a quatre mois pour recueillir au moins 2 000 signatures de Brestois de plus de 16 ans. Et s’il y a plusieurs pétitions, les cinq premières sont sélectionnées.

  • Le maire peut alors mettre ces sujets en débat au Conseil municipal. C’est une proposition que le maire n’est pas obligé d’accepter.

Nous voulons utiliser ce dispositif pour élargir le débat auprès de la population sur l’ouverture et le partage de la Penfeld. Et, si on avait les deux mille signatures et que le maire ne souhaitait pas mettre ce sujet au Conseil municipal, ce serait malvenu pour ce dispositif et la participation citoyenne à Brest.

Vous avez commencé le recueil lors des journées du patrimoine, quel en a été l’accueil ?

On est intervenu une demi-journée rue Saint-Malo, lors des journées du patrimoine et on a eu beaucoup de monde avec plus d’une centaine de signatures. C’est un bon début et surtout, on a croisé beaucoup de personnes très intéressées par de nouveaux espaces pour la ville, ou qui découvraient le sujet et pensaient qu’il y avait beaucoup de choses à proposer. J’ai aussi le souvenir d’une action aux Capucins où on demandait aux personnes ce qu’était la Penfeld pour elles ; et dans les réponses, c’était souvent les étangs de Penfeld à Bellevue qui revenaient, mais pas du tout la rivière en centre-ville.

Quand une partie des personnes rencontrées allaient au terrain de la Madeleine qui, on ne sait pas pourquoi, s’était ouvert alors que c’est un terrain militaire, elles découvraient cet espace où se situe le monument historique du bâtiment au Lion et où il n’y a rien depuis des années. Le paradoxe est que ce monument n’était pas ouvert pour les Journées du patrimoine, alors qu’on pouvait visiter le bureau du préfet, des bateaux militaires, l’enceinte militaire, des souterrains militaires. Et pourtant il y a eu neuf millions d’euros de travaux, dont la moitié financée par le ministère de la Culture.

La convention citoyenne parle aux personnes parce qu’il y a eu celle sur le climat, connue pour ses propositions malgré les difficultés ensuite dans la mise en œuvre promise. C’est un sujet, un objet de démocratie que les gens se sont appropriés dans l’esprit et qui intéresse.

Et comme il y a déjà eu une convention citoyenne à Nantes et une autre à Rennes, c’est l’occasion à Brest de faire le triangle breton !

La pétition citoyenne : https://jeparticipe.brest.fr/project/petition-citoyenne/collect/deposez-vos-petitions/proposals/convention-penfeld

Rue de Penfeld : www.penfeld.net




Quelles interactions entre innovation publique d’intérêt général et communs de la transition ? interview de Benoît Vallauri

Depuis 5 ans le Ti Lab à Rennes réunit des acteurs des collectivité locales et services autour d’innovation d’intérêt général. Aujourd’hui, les questions de la transition interpellent l’ensemble des politiques publiques, et des liens sont à construire entre cette innovation par les acteurs des services publics et les acteurs de la transition. Interview de Benoit Vallauri en introduction à la conférence atelier « Innovation publique et Transition », qui aura lieu le 17 novembre dans le cadre du Transiscothon à Quimper (29).

 

Peux-tu te présenter ainsi que le Ti Lab ?

Benoît Vallauri, je suis le responsable du Ti Lab. Avant d’être responsable du Ti Lab, j’ai commis pas mal de choses, dans la fonction publique ou sur d’autres terrains, qui avaient en commun d’être tout à la fois créatives, de chercher des interstices pour faire des choses intéressantes pour l’intérêt général et de s’intéresser à la question des communs.

Le Ti Lab est un laboratoire d’innovation publique qui agit en Bretagne, qui dépend tout à la fois des services de l’État et des services de la région Bretagne et que l’on définit, comme un laboratoire de recherche et développement de politique publique. En gros, on vient nous voir avec un problème et on essaie, par l’intermédiaire de recherches, d’actions créatives et d’expérimentations à petite échelle, de trouver des solutions. Nous hébergeons également des communautés de personnes qui ont envie de prendre un sujet, de le travailler sur d’échanger sur leurs pratiques ou sur des problématiques retenues en dehors des réseaux habituels.

Porté par la Préfecture de Bretagne et la Région Bretagne, le Ti Lab est un laboratoire territorial (préfecture de région).

  • Conduite de nouveaux projets, de l’exploration à l’évaluation des expérimentation

  • Accompagnement et accélération de projets existants

  • Coopération ouverte et multi-partenariale

  • Animation de communautés

  • Recherche-action en politiques publiques

  • Ethnographie/ Design de politique publique / UXDesign / Co-développemen

  • Facilitation directe / Ateliers coopératifs remix et Hackathon

  • Formations-actions

  • Conseil en Innovation publique et en Participation citoyenne

 

Merci. Qu’est- ce que tu entends par « Innovation publique d’intérêt général » ?

L’innovation publique concerne des éléments qui relèvent des politiques publiques, de ce que la « puissance publique » peut aider à faire ou ne pas faire pour laisser la place aux autres. Et l’innovation publique d’intérêt général, c’est pour moi quand l’innovation publique est au service de l’intérêt général, c’est- à- dire des usagers citoyens pour lesquels elle travaille. On essaie, au sein de la laboratoire d’innovation publique, d’être aussi des porte-parole des citoyens sur des aspects opérationnels ou plus politique, en alliant le côté politique publique et l’intérêt général, qui est particulier aux communs.

Justement, à propos de commun, ce n’est pas très courant que les laboratoires d’innovation publique fonctionnent en privilégiant ces communs. Pourquoi le TI LAB développe ces projets comme des communs ?

Il y a plusieurs raisons.

Déjà parce que ce qu’on essaie de faire a toujours une dimension coopérative. On ne travaille jamais tout seul et on a besoin des autres, de personnes sur le terrain, de citoyens, d’usagers. On a aussi des personnes qui viennent au sein du Ti Lab, parce qu’elles ne trouvent pas d’espaces de coopération au sein de leurs organisations. Lorsqu’elles sont dans des espaces de coopération, elles travaillent ensemble et cela nous semble normal que ce qui sort de ces travaux en communs soit « versé » aux communs, mises en partage et puisse s’enrichir.

Une deuxième raison relève d’un principe du Ti Lab. On considère que la recherche et développement financées par de l’argent public a vocation à être partagée, donc à être des communs. Pour le dire plus simplement, une action expérimentale développée par le Ti Lab qui ne trouve pas sa place en Bretagne peux être développée à l’autre bout de la France, voire même à l’autre bout du monde, parce que justement, c’est un commun qui peut être reproduit, et alors on en est très contents et on pense qu’on a rendu service.

Enfin, une autre raison, c’est aussi que le fait de pouvoir délivrer des communs permet à d’autres personnes que l’on ne connaît pas de pouvoir les reprendre, les réutiliser, les améliorer, les repartager et de bénéficier comme ça de toute la force que donnent les communs.

 

Comment s’organise cette pratique des communs ?

Fondé en 2017, le LabAccèsest un programme de recherche-action collaboratif porté par le Ti Lab (le laboratoire d’innovation publique en Bretagne) sur le thème de l’accès aux droits sociaux dans un contexte de dématérialisation de la relation administrative.

Le LabAccès apporte un éclairage concernant les effets de la dématérialisation aux différents niveaux de la relation e-administrative, et mène des expérimentations visant à agir contre le non recours aux droits et aux services publics.
Pour en savoir plus : https://www.labacces.fr

Sur le Labaccès, par exemple, elle s’organise parce qu’on essaye de faire coopérer des acteurs qui ne travaille pas forcément ensemble. Par exemple sur plusieurs échelles territoriales, des associations et des partenaires publics, des organismes dématérialisant comme la CAF et des maisons France Service ou des médiateurs numériques, voire des acteurs qu’on peut qualifier de militants.

Elle s’organise aussi parce qu’on essaye de faire coopérer ensemble différentes professionnalités, différents métiers, qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble, par exemple, des chercheurs en sciences sociales et designers. On recherche des solutions communes, des scénarios communs, et en dehors des silos habituels.

Cette pratique est aussi celle de la documentation de tout ce qui est produit au sein du laboratoire. Ces documentations et/ ou ces outils sont délivrés sous des licences ouvertes comme les licences Creative Commons qui permettent la réutilisation. On s’appuie également sur des données ouvertes pour essayer d’avoir des représentations qui soient accessibles.

 

Utilo, une communauté pour connecter les facilitateur.rices d’intérêt général

Tu t’intéresses à la facilitation, tu cherches à travailler différemment, en intelligence collective, tu as envie de rencontrer d’autres personnes qui sont dans le même cas pour recevoir et partager des outils, des conseils, développer d’autres compétences ?
La communauté est composée d’agent.es public.ques mais aussi de personnes issues du milieu associatif, de l’ESS, d’indépendant.es, tou.tes animé.es par l’innovation d’intérêt général.

 

Pour Utilo, ça s’organise encore plus, comme des communs, puisque à l’origine, Utilo, ce sont des personnes qui sont venues au Ti Lab pour ne se rencontrer entre personnes pratiquant de la facilitation, de l’animation, de l’expérience de l’intelligence collective, de la coopération. Des personnes qui se sentaient isolées dans leurs pratiques et dans leurs institutions ou dans leur milieu et qui voulaient partager.

Le Ti Lab les abrite. Le Ti Lab leur permet de faire des choses pour lesquelles elles nous missionnent. Utilo, ce sont les gens qui font Utilo qui gouvernent Utilo eux-mêmes, et qui mandatent le TI LAB pour enrichir Utilo, pour par exemple créer le site Internet d’Utilo. C’est donc eux qui sont à la base de la décision et qui conservent cette gouvernance qui est pour nous un élément clé des communs. Cela existe aussi dans LabAccès, mais plus à titre de co-gouvernance, avec une échelle de décision un peu plus stratégique et un peu plus administrative.

 

Et pourquoi le Ti Lab s’intéresse aujourd’hui à la transition ?

Déjà, il est évident qu’il faut s’y intéresser, cela nous concerne maintenant, c’est un sujet à la fois contemporains, urgent et important.

La deuxième raison, c’est qu’on s’est rendu compte que depuis sa naissance et par les sujets dont on est saisi, le Ti Lab a une entrée justice sociale importante. Or, on a besoin d’inscrire ces éléments de justice sociale à l’intérieur de la transition environnementale ou des transitions plus sociales en termes de pratiques entre les personnes.

On pense que cela peut permettre de résoudre un certain nombre de problématiques ou d’éviter de prendre de mauvaises solutions parce qu’il y a des limites planétaires qu’il va falloir respecter Pour que ces limites planétaires soient respectées, il y a des décisions à prendre, mais pour que ces décisions à prendre soient socialement acceptées, il faut qu’elles relèvent d’éléments de justice sociale. On est aussi déjà des pense être des acteurs de la transition par cette dimension très coopérative qu’on applique dans nos projets et en cherchant à diversifier les acteurs jusque ceux avec lesquels, généralement, la puissance publique ne dialogue pas.

Et puis enfin, la troisième raison, c’est que les institutions avec lesquelles on travaille souhaitent avancer sur ce sujet sans savoir forcément comment faire. Elles ont besoin d’être un peu aiguillonnés pour pouvoir le faire plus fortement au-delà des lieux communs ou du « greenwashing » Pour rentrer dans des choses dures, c’est certainement plus facile à faire dans un laboratoire en avance de phase que directement dans une administration, vu les changements qui sont à opérer, tant en termes de pratique qu’en termes de manière de décision publique. Ensuite, ces changements peuvent être diffusés.

 

Merci Benoît. Et puis, si les communs et la transition sont au cœur de l’action de Transiscope, peut- être deux mots un sur le sujet de la conférence du 17 novembre, qui sera l’interaction entre Innovation publique et acteurs des transitions.

La première chose, à laquelle je pense que c’est déjà d’avoir des espaces sur lesquels on puisse « s’interconnaître », s’apprivoiser et dialoguer. On a des pratiques en commun, mais parfois, effectivement, ce n’est pas toujours évident lorsqu’on on travaille pour des administrations, de pouvoir le faire aussi un peu librement avec d’autres acteurs. On peut nous dire que c’est trop politique, que ça relève trop de la militance. Or, il y a des choses aujourd’hui qui sont complémentaires, qu’on peut faire ensemble d’ailleurs, et qui nous permettent aussi d’identifier des interstices. C’est dans ces interstices que les actions porteuses de futurs et peut-être les plus intéressantes, vont pouvoir se situer.

Donc, apprendre à travailler ensemble.

Et puis on est déjà un acteur de la transition en accompagnant ou hébergeant des actions comme Utilo, ou lorsque dans Labaccès, on interroge des élus, des acteurs politiques ou sociétaux, sur le techno-solutionnisme qui est aussi présent dans la problématique des transitions.

Enfin, pour l’équipe du TI LAB, la transition concerne les personnes qui y sont embarquées, mais également les gens avec qui on travaille. On a vraiment besoin de jeter des ponts avec tout le monde.

 

Interview réalisée par Michel Briand




Transiscope en terres bretonnes

Transiscope c’est une carte de 2 000 initiatives citoyennes de la transition en Bretagne (plus de 30 000 sur la France). Et c’est une carte décentralisée, une trentaine d’associations, de collectifs y contribuent et font apparaître les initiatives qu’ils ont référencé sur la carte. Les 17 et 18 novembre Transicope en terres bretonnes propose une rencontre des réseaux qui en Bretagne y contribuent en invitant aussi toutes celles et ceux, et ils sont nombreux en Bretagne, tels Eco-bretons, Bruded, le réseau des recycleries, des tiers lieux, des fablab, les fabrique des possibles, les collectifs climat… contribuent à l’émergence d’une Bretagne en transition. Interview de Florent Gaudin, coordinateur du projet Transiscope et de son comité de pilotage.

Bonjour Florent, peux tu te présenter en quelques mots ?

Bonjour, Florent Gaudin, j’ai 31 ans, j’habite dans l’Ouest Lyonnais. En quelques mots, je suis ingénieur de formation, passé un peu par l’informatique et qui aujourd’hui cherche à développer la coopération via la facilitation, l’animation d’outils d’intelligence collective et le numérique libre.

Tu coordonnes le groupe de pilotage de Transiscope : peux-tu expliquer ce qu’est Transiscope ?

Dans cette partie facilitation d’intelligence collective, je suis aussi coordinateur du projet Transiscope et de son comité de pilotage.

Transiscope, c’est un projet de coopération, et c’est cela qui m’a intéressé, entre plusieurs associations qui se sont retrouvées, notamment au sein du CTC, le Collectif pour une Transition Citoyenne il y a cinq, six ans de cela et qui se sont rendu compte de l’intérêt à mettre des choses en commun. Le premier objet à mettre en commun, était des cartographies que chaque association, chaque réseau avait développé de son côté, cartographie de leurs membres, ou des alternatives que chaque réseau souhaitait référencer pour les mettre en avant aux yeux du public.

Plutôt que de refaire une énième cartographie, ce que Transiscope a apporté, c’est de créer un commun numérique en mettant à disposition de tout le monde un outil qui permet d’agréger des données dissues e différentes cartes pour avoir une carte globale des alternatives qui existent aujourd’hui.

Transiscope aujourd’hui, c’est principalement une carte des alternatives, mais sa vocation va plus loin que ça. (un agenda partagé est en préparation).

 

 

Quelle est la particularité d’un groupe source ?

Un groupe source, c’est un groupe issu des organisations qui, en interne, cartographient des éléments, des alternatives et qui ont accepté de partager leurs données avec Transiscope et de les faire apparaître sur la carte de Transiscope. Au début, c’était surtout des membres du comité de pilotage, des membres internes au projet Transiscope.

Quand la carte est sortie, un appel a été lancé pour que d’autres personnes, sans avoir à rejoindre le comité de pilotage, puissent aussi partager leurs données pour qu’on ait la carte la plus exhaustive possible. La particularité d’un groupe source, c’est une organisation qui recense soit territorialement, comme peuvent le faire, par exemple, Riposte Créative Bretagne ou Vert le jardin en Bretagne, ou Anciela à Lyon, qui recensent les alternatives de leur territoire selon leur charte ou alors comme Artisans du monde, qui sont la plus à l’échelle nationale et qui recensent à travers toute la France, thématiquement, donc là, les commerçants d’Artisans du Monde.

Quels sont les éléments structurants de la charte de Transiscope ?

Nous parlons d’alternatives citoyennes parce qu’ une volonté forte de Transiscope, est de mettre en avant des alternatives au système actuel capitaliste et productiviste qui détruit les conditions de vie sur Terre. Mettre en avant ces alternatives, mais ne pas mettre en avant que des alternatives dans lesquelles on serait un simple consommateur, mais les alternatives dans lesquelles, en tant que citoyen, on peut devenir acteur. Il y a une forte volonté à ce qu’apparaissent sur la carte des initiatives dans lesquels on puisse s’impliquer et notamment, les projets d’initiative citoyenne. Cela peut être des associations ou des projets moins formalisés, mais d’origine citoyenne ou des formes coopératives telles les Biocoop, ou les épiceries coopératives dans lesquelles le consommateur peut être aussi acteur de sa consommation. Ce sont ces alternatives là qu’on va répertorier et des magasins bio classiques ne seront pas répertoriés quand ils ne permettent pas aux consommateurs d’en être aussi acteurs.

« 1. TRANSISCOPE agrège des alternatives au modèle économique capitaliste qui proposent des réponses concrètes au niveau local comme global pour s’engager vers une bifurcation écologique et une justice sociale, les deux étant interconnectées.

2. Ces alternatives prenant leurs décisions indépendamment de tout parti politique ou institution religieuse, peuvent être :

  • d’origine citoyenne et gouvernées par des citoyen⋅ne⋅s, c’est-à-dire des individus ou des groupes d’individus

  • d’origine publique avec une gouvernance multipartite donnant un pouvoir significatif aux citoyen⋅ne⋅s et usager⋅e⋅s
  • d’origine coopérative

3. Elles cherchent à réaliser un ou plusieurs communs. Elles doivent témoigner par leur gouvernance, leur modèle économique, leur organisation du travail ou leurs choix d’investissement qu’elles visent l’intérêt commun et non la réalisation d’un intérêt particulier. »

Les critères de référencement, extrait de la charte

 

Et enfin, ce qu’on a intégré un peu plus récemment, ce sont des initiatives initiés par des pouvoirs publics telles les collectivités locales, mais dans lesquelles une place importante dans la gouvernance est laissé aux citoyens. Parce qu’on s’est rendu compte que dans certains territoires, des collectivités publiques apportaient la dynamique initiale pour lancer des projets et qu’elles étaient capables aussi de laisser une place importante aux citoyens, ce qui nous nous intéressait. Et donc, on a élargit récemment la charte pour prendre en compte cette dimension dans les alternatives recensées sur Transiscope.

Transiscope organise les 17 et 18 novembre une rencontre « Transisope en terre bretonnes » à Quimper, quel en est l’objectif ?

Les 17 et 18 novembre à Quimper, nous organisons ce qu’on appelle un Transicothon, qui permet déjà de se voir physiquement, étant donné que le projet se fait beaucoup à distance. Donc c’est déjà rassembler les personnes qui connaissent le projet et qui ont envie de se voir sur ce sujet.

Mais le but, c’est aussi d’aller au- delà de ça, et notamment de répondre modestement à l’axe 3 de notre stratégie : « dynamiser les écosystèmes d’alternatives territorialement ». Il s’agit d’ aller sur un territoire et à notre échelle, humblement, de contribuer à créer des dynamiques de coopération. Parce qu’ après avoir fait une carte des alternatives, nous pensons que la transition, la bascule ne pourra se faire que si les initiatives affichées sur cette carte se relient entre elles.

Notre objectif en allant à Quimper, et comme on l’a déjà fait à Strasbourg en juin dernier, c’est d’aller sur le territoire et d’inviter différentes alternatives, et notamment, nos sources qui répertorient les points sur des cartes, et d’autres réseaux qui cartographient des alternatives, de les faire se rencontrer et échanger sur ce qu’elles font, comment elles le font, les besoins qu’elles ont, les forces qu’elles ont et créer en ensemble des savoirs communs qu’on pourra mettre à disposition plus largement aussi de toutes les sources de Transiscope.

Dans un deuxième temps, l’objectif est aussi de pouvoir ouvrir ces sources et ces lieux alternatifs au public et pouvoir faire connaître aussi ces endroits, ces organisations au public.

Pourquoi élargir cette rencontre aux acteurs qui cartographient les alternatives des transitions en Bretagne ?

En Bretagne de nombreux acteurs sont dans cette démarche de mise en réseau d’initiatives en Transition tels Bruded, Eco-bretons, Bretagne Tiers lieux, le Réseau des recycleries, des repair café, des low-tech, des fablab etc. pour en citer quelques uns sans être source de Transiscope.

C’est pour tenir compte de cette richesse des réseaux que nous avons cette volonté d’ouvrir la rencontre à des acteurs qui cartographient les alternatives en Bretagne qui ne sont pas sources.

La charte de Transiscope permet aux réseaux de participer en tant que source. Cette charte est un objet très politique, où nous mettons ce qui semble important aux membres du comité de pilotage. Mais on n’a pas vocation à vouloir que tout le monde rentre dans cette charte, d’autres éléments exister en dehors de cette charte, qui sont tout aussi importants. Mais pour autant, il est intéressant déjà de se rencontrer pour comprendre pourquoi eux, répertorient d’autres choses et pour pouvoir échanger sur ces choix d’orientation. C’est l’occasion par exemple d’expliquer pourquoi notre charte met en avant cette partie coopération, là où d’autres chartes de certains réseaux ne le font pas et d’avoir des échanges sur le fond politique du pourquoi c’est important pour nous. Certains éléments politiques sont vraiment importants dans les alternatives recensées pour que ces alternatives soient vraiment source de transformation du système et pas uniquement source de réparation du capitalisme actuel, qui pour nous, ne de faire la bascule qu’on a besoin de réaliser.

Ces journées sont l’occasion de rencontrer d’autres acteurs, d’autres projets et peut-être faire évoluer nous-mêmes notre charte par rapport à ce qu’on veut promouvoir. C’est vraiment aussi l’idée de brasser des idées, faire de la pensée.

Qu’en attendez-vous ?

Transiscope est un projet très ambitieux initialement, mais qui n’a pas pour objectif de contraindre les membres du comité de pilotage à des objectifs irréalisables. Et donc on est aussi dans quelque chose de concret : on crée des choses et on voit ce qui se passe. Aussi nos attentes ne sont pas forcément très élevées.

Mais déjà, ce qu’on attend et qui va forcément se produire, c’est de réunir des personnes qui ne se connaissent pas forcément, qui font partie de différents réseaux. Donc, on espère renforcer le lien qui existe entre différents acteurs de la transition sur le territoire.

Ensuite, en tant que projet Transiscope, on a envie faire avancer le projet, c’est notamment ces ateliers par territoire autour de la lecture des points de la carte. Aujourd’hui, des initiatives référencées peuvent ne pas bien respecter notre charte, ou être en double ou certaines initiatives manquent. Donc, une avancée sera aussi de voir comment mettre un peu à jour la carte et faire évoluer la manière dont on peut intégrer des nouveaux points ou pas.

Et enfin, une dernière attente, est de se retrouver entre membres du comité de pilotage de Transiscope et de manière plus élargie, entre personnes proches du projet qui le connaissent ou qui en ont été à la base initialement, de pouvoir passer des temps ensemble de qualité pour continuer aussi à faire vivre ce projet.

Quels sont les temps forts prévus pour cette rencontre ?

Le programme qui demande encore à être affiné est organisé autour de deux journées.

Le vendredi 17 novembre, le matin, à la maison des associations à Quimper sera un temps vraiment dédié aux sources et aux réseaux et acteurs qui cartographient des initiatives de la transition en Bretagne. Un temps d’interconnaissance, mais sur et surtout d’échanges en forum ouvert qui laisse la place aux personnes qui sont là pour nous dire de quoi elles ont envie de parler et co-construire le programme de la matinée avec nous pour voir les synergies et les échanges que chaque acteur, actrice, qui sera là voudra avoir.

Ensuite l’après- midi, après un repas convivial, on aura un temps plus centré sur la charte de Transiscope pour essayer un peu d’expliciter aux sources et aux réseaux les évolutions dans la charte et aussi de réfléchir politiquement au travers de leurs propres chartes sur qu’est-ce que veut dire une charte et en quoi c’est important de mettre certains critères ou d’autres ?

Après ce temps sur la charte, là, on passera à des lectures croisées par territoire (Brest, Rennes, Quimper et ceux qui seront là). Prendre par territoire la carte de Transiscope et regarder sur cette carte les points qui existent et essayez d’en faire une lecture croisée. Est- ce que tous les points sont pertinents ? Est- ce qu’il y en a en double ? Qu’est- ce qui manque ? Et à partir de ça, avoir des petites notes et pouvoir, derrière nous, revenir une fois qu’on aura quitté Quimper dans les groupes de travail e continuer à faire avancer l’outil.

Le soir, on sera aux Halles de Quimper, pour un temps plus ouvert, d’atelier, conférence qui est en train encore d’être travaillé.

Le lendemain, on sera à nouveau aux Halles pour un temps de discussion échange sur les convergences entre les différentes les différents silos, les différents mouvements militants qui peuvent exister.

L’après- midi, on aura plus là un temps de rencontre des lieux alternatifs à Quimper, sous un format porte ouverte où plusieurs lieux proposeront de visiter leurs locaux et d’expliquer ce qu’ils y font, avec toujours l’idée de faire aussi du lien entre ces lieux et les mettre aux yeux du public.

Une interview par Michel Briand, co-animateur de Riposte Créative Bretagne