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Retour vers « Nos futurs, la parole à la relève »

Rencontre avec Pauline Lemonnier, élève en master de management des organisations et projets en 4ème année à Sciences-Po Rennes et co-organisatrice de l’événement « Nos futurs, la parole à la relève » qui s’est déroulé du 22 au 27 Mars 2022 à la médiathèque des Champs Libres*.

Durant la semaine du 22 au 27 Mars 2022, Pauline ainsi que 14 autres élèves de Sciences-Po ont participé à un festival axé sur les transitions. Ce festival est le fruit d’une collaboration entre trois entités : le Monde Campus, les Champs Libres et des étudiants de Sciences-po Rennes ainsi que plusieurs jeunes de Rennes 2 ou encore du Conseil Régional des Jeunes. Après trois séances de brainstorming sur la transition, plusieurs thématiques ont été sélectionnées (le climat, les médias, l’alimentation, le travail, la sexualité/genre et l’engagement) et pris la forme d’ateliers ou de conférences.

Pour Pauline, le principal but de ce festival était de montrer au public que la mise en place de ce genre d’événement ne doit pas obligatoirement se faire de façon verticale mais qu’elle peut aussi être co-construite dans la mesure où tout le monde est légitime à parler de l’avenir que nous partageons.

Le message principal de ce festival était de faire comprendre aux jeunes que rien n’est figé et que c’est à nous de construire notre futur de façon multilatérale afin que celui-ci soit le plus désirable possible.

Ce festival était aussi l’occasion de remédier à la problématique selon laquelle les jeunes n’ont pas accès à des plateformes légitimes et reconnues leur permettant d’exprimer leurs idées. La supervision de Sciences-Po et du Monde redonnait à cette parole une reconnaissance et une crédibilité dont elle ne bénéficie pas toujours.

Durant cette semaine, 50 propositions d’événements différentes ont eu lieu parmi lesquelles nous pouvions participer à des ateliers, des interviews, créer des DIY, assister à un défilé de mode upcyclé, écouter un plaidoyer… De fait, il y en avait pour tous les goûts, à la fois sur le fond avec les diversité des thèmes abordés et sur la forme.

Par ailleurs, chaque jour se tenait une conférence sur les thématiques sélectionnées. Celles-ci accueillait une multitude d’intervenant parmi lesquelles nous pouvions notamment retrouver Jean Jouzel (climatologue), Didier Lestrade (co-fondateur de l’association Act Up-Paris) ou encore Lexie (militante du compte Instragram @agressively_trans).

Selon Pauline, le choix du thème des transitions était essentiel car il est à la fois politique sans être clivant et suffisamment vaste afin que tout le monde puisse trouver quelque chose à y dire. De plus, le thème des transitions est pour Pauline un sujet « qui ne parle pas à tout le monde mais qui doit parler à tout monde » car tout le monde est concerné que ce soit dans le domaine du travail, des parcours migratoires, de l’environnement, de la sexualité…

Il a semblé particulièrement important d’évoquer les transitions et de faire en sorte que ce soient des jeunes qui donnent leur point de vue dans la mesure où ceux-ci sont particulièrement touchés par ces dernières. Il s’agit en outre d’une réponse face à l’urgence climatique dont les jeunes prennent davantage conscience que les générations antérieures et se mobilisent d’autant plus pour lutter contre le réchauffement planétaire (ex : les manifestations pour le climat mobilisent majoritairement les jeunes, lors des dernières élections, les moins de 30 ans ont massivement voté pour des programmes en faveur de davantage de mesures environnementales…). De plus, le thème des transitions permet également à la jeunesse de s’exprimer sur des questions liées à la sexualité à l’ère de la génération Me-Too, et même du mouvement Sciences-porc en ce qui concerne les étudiants de Sciences-Po. Selon Pauline, « notre génération est celle qui libère la parole sur de nombreux sujets et notamment sur la sexualité et l’écologie ».

Le fil rouge de ce festival était de savoir quelle société durable et soucieuse du vivant nous pouvions construire ensemble. Pour Pauline, nous devons admettre le principe de sobriété de la société et bien comprendre que nous ne pouvons pas tout traiter. L’enjeu est alors de ne pas remettre à plus tard les problématiques qui nous semblent les plus centrales afin de prendre conscience des inégalités persistantes et de lutter contre l’invisibilisation des minorités pour faire front à la tyrannie de la majorité.

*https://www.leschampslibres.fr/evenements/nos-futurs/nos-futurs/

Photo : Rencontre avec Jean Jouzel, en dialogue avec les jeunes du territoire autour des questions climatiques et de l’engagement #nosfuturs. Crédit: Champs Libres.




L’établi des mots, une librairie rennaise de quartier coopérative

Rencontre avec Nadège Lucas, libraire à l’Établi des mots, une structure rennaise née de l’ambition de créer une librairie à la fois intégrée dans son quartier et dans laquelle les habitants participent pleinement à la vie du projet.

Située à Rennes, dans le quartier populaire du Blosne, et plus précisément au Quadri (lieu dédié à l’Économie Sociale et Solidaire), l’Établi des mots est une agréable librairie indépendante, généraliste et surtout coopérative. Le principe de cette dernière est d’être ancrée dans son quartier et d’être participative : les coopérateurs et coopératrices peuvent s’impliquer facilement et de la façon dont ils le souhaitent dans le fonctionnement de la librairie.

En effet, le sociétaire peut décider de s’impliquer en soutenant financièrement le projet (la part sociale s’élève à 20 euros) et en participant s’il le désire, aux commissions mises en place. Celles-ci traitent de l’animation, de la communication et de l’activité au jour le jour de la structure. Ainsi, les sociétaires peuvent s’impliquer aux côtés des 3 salariés en prenant part à des actions telles que : la tenue d’un stand sur un salon, l’organisation logistique d’une rencontre avec un auteur, la rédaction de coups de cœur, la décoration du lieu… Mais ils peuvent également choisir eux-mêmes certains livres proposés à la librairie. C’est le principe même de la « Table des Coop’s », située à l’entrée de la librairie, sur laquelle sont mis en avant des livres sélectionnés par les coopérateurs sur des thématiques diverses qui changent tous les trois mois (ex : la danse, le sport..).

La « Table des Coop’s »

L’un des principes fondateurs de L’établi des mots repose sur le respect d’une la ligne éditoriale qui a été établie avec les collaborateurs. En effet, les libraires sélectionnent les livres en essayant toujours de respecter les six thématiques relatives à cette ligne éditoriale, à savoir :

  • « Jeunesses plurielles » : pour proposer aux jeunes et aux enfants des livres valorisant la pluralité des enfances et des structures familiales,

  • « D’ici » pour soutenir et diffuser la création artistique et littéraire locale,

  • « Faire soi-même et ensemble » pour promouvoir des livres qui ont pour objectif l’apprentissage et la transition de connaissances,

  • « Multiculturalisme » car la librairie a à cœur de bâtir un espace où tout le monde peut s’exprimer,

  • « les Renversants » qui regroupent des livres tous aussi faciles qu’agréables à lire et qui sont proposés à des prix abordables,

  • « Le monde qu’on veut » pour mettre en avant des ouvrages qui ont vocation à penser et à questionner le monde d’aujourd’hui pour mieux préparer celui de demain.

La librairie tient également à adapter son offre au quartier dans lequel elle est implantée. C’est pourquoi dès le départ, la structure a souhaité créer un rayon petits prix (notamment en littérature et en jeunesse). De plus, en jeunesse, les sociétaires et libraires souhaitent proposer des livres disposant d’une diversité culturelle, familiale et sociale afin que tous les enfants puissent se sentir représentés dans leurs lectures.

Toujours dans l’optique d’accompagner le plus grand nombre sur les chemins du livre, la librairie développe des actions culturelles à destination du jeune public. Elle travaille notamment avec les écoles et les Centres de Documentation et d’Information des collèges alentours ainsi qu’avec leurs professeurs. Elle est également partenaire du Pass Culture et participe au programme régional d’éducation artistique et culturelle « Jeunes en librairie » qui a pour ambition de sensibiliser les élèves à l’ensemble de la chaîne du livre car le biais de partenariats entre des classes et des librairies.

Outre la volonté de L’établi des mots d’offrir à ses clients une grande diversité dans son offre, la structure a également à cœur de les accueillir dans un espace agréable, propice à la détente et respectueux de valeurs écoresponsables. Ainsi, la librairie a choisi de travailler avec une décoratrice d’intérieur et une graphiste pour remplir cet objectif. L’aménagement de la boutique a été pensé autour de l’éco-construction et de l’éco-aménagement et utilise donc des matériaux écologiques et recyclés. Les coopérateurs, guidés par la décoratrice, ont également pu s’impliquer dans la décoration en confectionnant les lustres, en construisant des meubles de rangement en palettes avec l’entreprise Boby and Co, en contribuant à la peinture (dont la composition est à base d’algues) ou encore en créant des poufs avec des chutes de tissus de voiles et de montgolfières. L’aspect écologique de l’aménagement et le goût avec lequel il a été pensé ont été récompensés récemment par le prix honorifique de l’aménagement intérieur de la revue Livres Hebdo. Pour la libraire, « il s’agit là d’une vraie reconnaissance ».

Cadre du prix honorifique de l’aménagement intérieur de la revue Livres Hebdo

Nous l’aurons donc compris, l’Établi des Mots est un projet coopératif qui tient à promouvoir la diversité et la multiplicité à la fois sociale et culturelle, tout en transmettant des valeurs écologiques et en faisant de son ancrage local une véritable force.

Le récent Coup de cœur de Nadège:

Le Grand Procès des Animaux, de Jean-Luc Porquet et illustré par Jacek Wozniak, éditions du Faubourg, octobre 2021, 14€90.

Une fable satirique et une réjouissante leçon d’écologie qui invite le lecteur à porter un autre regard sur le monde animal.Un véritable plaidoyer pour la biodiversité.

Jean-Luc Porquet sera en rencontre à la librairie L’établi des mots le vendredi 21 Janvier 2022 à 19h.

 

 

 

 

 

 

L’auteur préféré  de Nadège :

Nadège Lucas a un véritable faible pour le talent de l’auteur japonnais Haruki Murakami. « Dans ses œuvres, Haruki Murakami est très direct, presque cru. Il a un certain détachement et la dimension quelque peu fantastique qui plane dans ses ouvrages instaure une ambiance unique. », affirme-t-elle.

L’établi des mots

51 avenue des Pays-Bas

35200 Rennes

https://www.facebook.com/letablidesmots/

Lilou Guitton.




La grenouille à grande bouche, un projet qui rassemble

Rencontre avec Nathanaël Simon, coordinateur de la Grenouille à Grande Bouche, un projet rennais unique au coeur de la transition socio-écologique.

La Grenouille à Grande Bouche est un projet autour duquel restauration et écriture se lient. L’idée naît grâce à trois collaborateurs : Nathanaël Simon, Fanny Amand et Louise Katz.

La volonté de départ était de créer à la fois un restaurant (qui ouvre ses portes en Janvier 2020) et une revue trimestrielle (dont le premier numéro paraît en Mars 2019). Le restaurant se concentre essentiellement sur la bistronomie et mise sur une cuisine simple avec des produits de qualité.

En effet, La Grenouille à Grande Bouche s’approvisionne au maximum auprès des petits producteurs locaux du bassin rennais et utilise à 80 % des produits issus de l’agriculture biologique.

En ce qui concerne la revue, il s’agit d’un mook* d’une cent-trentaine de pages au sein duquel la littérature se met au service de l’alimentation. Y sont abordées des problématiques autour de la nourriture, de son évolution, de son impact sur l’environnement ou encore de sa provenance. Selon Nathanaël, l’objectif de la revue est avant tout « d’informer sans juger », de faire en sorte que le point de vue de l’équipe influe le moins possible sur l’information à transmettre.

Il est par ailleurs important de noter la dimension écologique de l’entreprise. Le restaurant, en prônant l’agriculture biologique, cherche à défendre une alimentation durable tandis que la revue appuie encore cette idée à la fois dans la forme (papier certifié, encre végétale certifiée PEFC) et dans le fond (avec par exemple un article sur la provenance du romarin ou du melon et l’impact de leur importation et de leur culture sur l’environnement ou en se questionnant, dans un autre numéro, sur la pollution qu’entraîne l’élevage de porc en Bretagne). Mais tout cela sans émettre de jugement ou de critique, simplement en énonçant des faits.

Les trois co-fondateurs ont opté pour le modèle économique de la SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) dont la spécificité est de s’inscrire dans une dynamique territoriale d’utilité sociale. Ainsi, ce modèle permet de fournir à ceux qui y travaillent un emploi durable et de faire vivre sur le long terme l’entreprise. Le but de ce choix est qu’un maximum de personnes participe au projet en devenant sociétaire de ce-dernier. D’où la volonté de nos trois collaborateurs de créer un « projet qui rassemble ». Pour remplir cet objectif, Nathanaël, Fanny et Louise, on fait le choix d’agir sur deux leviers : la participation et la redistribution.

« Ce dont nous avions envie, c’était d’essayer de, modestement, mettre en adéquation nos valeurs avec la réalité, d’être à mi-chemin entre les idéaux et les actes concrets ». témoigne Nathanaël pour expliquer le choix original de l’équipe d’avoir fondé cette entreprise atypique.

La Grenouille à grande bouche peut être vue comme un projet qui rassemble tout d’abord puisqu’il s’agit d’un projet participatif.

En effet, l’équipe professionnelle accueille chaque jour à ses côtés toute personne motivée pour participer de façon bénévole à la vie du restaurant ou à l’écriture de la revue. Ces bénévoles peuvent, en ce qui concerne le restaurant, aider au service ou en cuisine, et, en ce qui concerne la revue, proposer des articles, poèmes ou tout autre travail d’écriture autour d’un sujet donné (par exemple pour la revue de juillet-septembre 2020, celui du casse-croûte). Les volontaires ont souvent connaissance du projet via le bouche-à-oreille ou via des organismes (centres sociaux, associations…). Aucune compétence particulière n’est requise pour participer à l’aventure et devenir bénévole. Il suffit juste d’avoir envie de donner un peu de son temps et de vouloir rejoindre un projet collectif. Pour Nathanaël Simon, il existe au sein de l’entreprise une réelle volonté d’inclure le plus de monde possible et ce, peu importent les parcours de vie de chacun. Et tant mieux si le projet peut contribuer à la réinsertion citoyenne et sociale de certains habitants. De plus, il s’agit bien d’un projet fédérateur dans la mesure où le restaurant est implanté à Rennes, dans le quartier du Blosne, un quartier d’une grande mixité sociale. Il était essentiel pour nos trois collaborateurs de s’installer dans ce quartier plutôt que dans l’hypercentre rennais.

La Grenouille à grande bouche est un projet qui rassemble puisque l’entreprise est aussi redistributive.

En effet, l’un des objectifs que se sont également fixés Nathanaël, Fanny et Louise est d’être en capacité de générer suffisamment de chiffre d’affaire pour pouvoir en redistribuer une partie une fois les salaires et les charges payés. Par redistribuer, la Grenouille entend : reverser une partie de ses bénéfices à des associations locales telles que « Au p’tit Blosneur », un incubateur de quartier qui créé du lien social entre les habitants du Blosne. A terme, l’objectif des sociétaires est de reverser environ 8000 euros de leurs bénéfices annuels à une association consacrée à l’aide alimentaire, ainsi qu’à une association assurant l’alphabétisation et l’accueil des migrants.

Nous l’aurons donc compris, La Grenouille à grande bouche, en plus de rassembler par son côté participatif en accueillant tous ceux désireux d’aider, rassemble aussi par son versant redistributif en soutenant ceux qui en ont besoin.

* Publication hybride à mi-chemin entre le magazine, la revue et le livre.

Lien vers le site de la Grenouille à Grande Bouche : https://www.lagrenouille.bzh/