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Assainissement : changeons notre regard et reconsidérons nos déchets.

(Plume Citoyenne) Nous sommes élèves en Seconde Bac Pro Technicien Menuisier Agenceur au lycée Alphonse Pellé de Dol-de-Bretagne. Cette année, nous allons participer à un projet pédagogique mettant en lien plusieurs acteurs de notre territoire. En effet, nous allons réaliser des éléments de coffrage pour la mise en place de toilettes sèches à L’Ôôôberge, l’habitat participatif de notre commune. Au-delà de la fabrication de ces ouvrages, ce projet sera pour nous l’occasion de faire connaissance avec les différents acteurs et partenaires impliqués dans cette initiative. Nous documenterons ici nos avancées et nos rencontres via une série d’articles.

Premier article par Guillaume et Mathis, élèves de seconde Bac Pro Technicien Menuisier Agenceur au lycée Alphonse Pellé de Dol-de-Bretagne, accompagnés de Rachel Guitton, professeure documentaliste.

Vendredi 18 Novembre 2022, nous avons rencontré des habitants de l’Ôôôberge. Irène, Samuel et les deux François, qui nous ont accueilli dans l’espace commun. Cette rencontre fut l’occasion pour nous de découvrir le projet et l’histoire de cet habitat participatif et surtout d’en apprendre davantage sur l’assainissement et ses problématiques actuelles.

 

Les toilettes à eau, une révolution devenue un non-sens écologique

Les toilettes à eau que nous utilisons aujourd’hui ont été inventées au XIXe siècle et ont pour principe de fonctionnement, le tout-à-l’égout. A l’époque, puis tout au long du XXe siècle, ce système d’assainissement était considéré comme un véritable progrès ayant permis d’éradiquer des maladies et des épidémies comme celle du choléra. Or, nous découvrons aujourd’hui que ce système est un non-sens écologique notamment parce qu’il fonctionne avec de l’eau potable.

Très pratiques, les toilettes à eau ont l’avantage d’être faciles à utiliser, il suffit de tirer la chasse d’eau pour faire disparaître nos excréments. C’est confortable, hygiénique et ça préserve l’intimité. Mais ce système demande une logistique complexe et une consommation énergétique importante. L’usage des toilettes à eau souille 150 litres d’eau potable par personne et par jour1. Et les installations pour dépolluer et épurer l’eau sont coûteuses en énergie car concrètement, il s’agit tout de même de dépolluer environ 13 millions de mètres cubes d’eaux usées par jour ! Cette action de dépollution est compliquée et il persiste malgré tout une pollution résiduelle qui est évacuée dans les océans, dans la mer et dans nos rivières. Et puis, évidemment, les toilettes à eau représentent un coût financier pour les usagers (prix de l’eau potable, abonnement au réseau, impôts…).

Cependant, les toilettes à eau et le tout-à-l’égout restent dans l’imaginaire collectif un progrès essentiel qui a apporté beaucoup de confort à toutes les classes sociales. Pour bon nombre de personnes, il est impossible d’envisager une autre solution d’assainissement, les toilettes sèches étant alors perçues comme un retour en arrière.

Les toilettes sèches, bien plus qu’un enjeu écologique

Aujourd’hui, il est grand temps de repenser le modèle de nos toilettes et de se pencher plus attentivement sur le concept des toilettes sèches. En effet, grâce aux échanges avec les résidents, nous avons découvert que les enjeux de l’utilisation des toilettes sèches sont multiples et touchent différents champs de notre société.

Grâce à Samuel, nous avons découvert qu’en utilisant le tout-à-l’égout comme assainissement principal, nous perdions des ressources tout en générant des déchets. En effet, nos excréments et notre urine contiennent des nutriments (azote, potassium, phosphate…) très utiles en agriculture comme engrais et fertilisant. Ils deviennent alors des ressources naturelles indispensables pour nos sols. Il y a donc derrière la généralisation de l’assainissement écologique un enjeu agricole : prendre soin de nos terres, nourrir nos sols de façon écologique plutôt que de le faire avec des engrais chimiques polluants.

Ces derniers temps, l’épidémie de Covid-19 et, sur notre territoire, les épidémies de gastro dans les parcs à huîtres nous ont montré que le traitement de l’eau via les stations d’épuration et de potabilisation n’est pas efficace et arrive à saturation. De plus, l’épisode de sécheresse de 2022, nous a fait prendre conscience que l’eau potable est une richesse à préserver et qu’il devient donc illogique de la souiller et de gaspiller en tirant la chasse d’eau de nos toilettes. Nous sommes donc face à un enjeu de citoyen et à un enjeu de santé publique.

Et puis bien sûr, derrière la question de l’assainissement se cachent aussi des enjeux économiques, politiques et sociaux (être accessible à tous, culturellement, socialement, techniquement et financièrement).

Après cette matinée passée aux côtés des habitants de L’Ôôôberge, nous nous sommes rendus compte que développer l’usage des toilettes sèches, c’est s’engager dans une démarche de prévention des sols et dans une démarche de réduction de nos pollutions domestiques. C’est aussi réduire les risques sanitaires et considérer nos excréments non plus comme des déchets qu’il faut s’empresser de faire disparaître mais plutôt comme des ressources naturelles. Il reste cependant des freins importants à lever pour la généralisation de cet assainissement, notamment celui du tabou autour de nos excréments et celui des préjugés autour des toilettes sèches (odeurs, manque d’hygiène, retour en arrière…).

Dans un prochain article, Lucas vous présentera le système retenu et développé par les habitants de L’Ôôôberge pour équiper cet habitat collectif en toilettes sèches.

 

 

Pour aller plus loin : L’Ôôôberge, habitant.e.s du monde et aussi d’ici, Habitat participatif à Dol-de-Bretagne : http://www.loooberge.org/?PagePrincipale

Source des images proposées : Illustrations tirées de l’exposition Terr’eau 2016, graphisme Julien Revenu, https://www.terreau.org/Exposition-Terr-Eau-2016.html

 

1 Fabien Ginisty, Chiottes sèches à tous les étages, L’âge de faire, n°138, février 2019