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Petit à petit, la transition énergétique sur les îles fait son nid

Depuis maintenant 10 ans, trois îles bretonnes de la mer d’Iroise, Sein, Molène et Ouessant, ont lancé des actions en faveur de la transition énergétique. Ces trois territoires, non raccordés au réseau électrique continental, visent l’autonomie en électricité grâce aux énergies renouvelables, dès 2030. Un projet qui avance pas à pas au gré des expérimentations et de la législation.

Sur l’île de Sein, le soleil brille encore ardemment en ce mardi de fin septembre. De bon augure pour les installations photovoltaïques, qui se sont développées sur les toits des bâtiments publics ou des logements, et qui représentent aujourd’hui 990 m2 pour une production annuelle d’environ 170 MW/h. En effet, cela fait maintenant 10 ans que Sein, à l’instar de ses voisines Molène et Ouessant, est engagée dans des actions de transition énergétique. Les trois îles ne sont pas connectées au réseau électrique du continent, et voyaient jusqu’ici leur production d’énergie se faire par des centrales à fioul. Un fonctionnement au très mauvais bilan carbone, mais aussi onéreux, car les coûts de production et de maintenance sont supérieurs sur ces territoires. Pression touristique, vulnérabilité face aux changement climatique, amenuisement des ressources…sont également des enjeux importants et obligent les îles à réfléchir à leur nécessaire transition. « Sein, Ouessant et Molène sont les territoires sur lesquels l’insularité se fait le plus sentir », explique Denis Palluel, maire de Ouessant. « Cela nous oblige à être inventif, il faut aller au delà du côté « vitrine » », complète-t-il.

Depuis une dizaine d’années, ces trois îles ont donc mis en place des actions d’économie d’énergie, de maîtrise de la demande d’électricité, et de développement des énergies renouvelables. Concernant la maîtrise de la consommation électrique, « La PPE (Programmation pluriannuelle de l’Energie), dont la première échéance est fixée à 2023, approche. Elle fixe différents objectifs », explique Emilie Gauter, chargée de mission énergie au sein de l’Association des Iles du Ponant (association qui regroupe les îles de Chausey, Bréhat, Batz, Ouessant, Molène, Sein, Saint-Nicolas-des-Glénan, Groix, Belle-Ile, Houat, Hoedic, Ile d’Arz, Ile aux Moines, Ile d’Yeu, Ile d’Aix, ndlr). «  En terme d’économie d’énergie, ils sont atteints, et même dépassés, pour Ouessant et Molène. Et Sein devrait suivre la même voie l’année prochaine. », précise-t-elle. Deux programmes de rénovation énergétique du résidentiel et du tertiaire, des opérations de remplacement des ampoules par des LED ou d’appareils de froid énergivores, ont notamment été menés ces dernières années. « La rénovation de l’habitat, ce n’est pas ce qu’il y a de plus spectaculaire, mais ça marche », soutient Denis Palluel. Attention cependant à « l’effet rebond » : avec la réhabilitation de l’habitat, beaucoup sont passés au chauffage électrique, via notamment des pompes à chaleur, ce qui pèse sur la production d’électrique. « Mais sans les actions menées les dernières années, les consommations des îles auraient sans doute régulièrement augmenté », affirme l’Association des Iles du Ponant.

Sein, Ouessant et Molène ont de l’ambition : dès l’année prochaine, elles ont pour objectif d’atteindre les 30% d’énergies renouvelables dans leur production électrique, et les 100% en 2030. Si sur Molène elles sont pour le moment peu développées, sur Sein le photovoltaïque solaire s’est bien implanté, notamment sur le centre nautique, l’écloserie, la gare maritime, la caserne des pompiers, et la mairie. Et une éolienne de 250W devrait être installée sur l’île avant la fin de l’année 2023, ce qui permettrait d’atteindre 60% d’énergie renouvelable annuel.

Sur Ouessant également, les panneaux photovoltaïques sont nombreux à orner les toitures. « On commence à avoir des résultats significatifs, mais ce n’est pas si simple que ça, avec les nombreuses contraintes administratives. », regrette le maire Denis Palluel, qui aimerait bien voir les délais se raccourcir pour l’installation de ce type d’équipement. La fameuse hydrolienne, qui a été remise à l’eau au printemps par Sabella, est toujours en phase d’expérimentation. « Ce n’est pas un long fleuve tranquille », avoue le maire. « On a eu des moments de découragement, mais la persévérance paie ». Sur Molène, la moins bien dotée en énergie verte, un projet de centrale photovoltaïque est dans les tuyaux, sur l’impluvium, qui fournit l’île en eau potable. A terme, l’installation de cette « ferme solaire » devrait couvrir 66% des besoins de l’île en électricité.  « La difficulté, c’est qu’il a fallu montrer que l’eau qui ruisselle sur les panneaux solaires peut être destinée à la consommation », déclare Didier Destalle, le maire de Molène. « En plus c’est une zone classée, il a fallu faire des modifications dans la destination du terrain ». Lui aussi souligne « Le mille-feuille administratif » qui « repousse la mise en place de ce type de projet ». Même si il y a du mieux depuis la modification législative de la loi Elan, en 2018, qui a permis des dérogations à la loi littorale pour mettre en place ce type d’installation. Pas à pas, les îles de la mer d’Iroise expérimentent. Et les solutions créés donnent même des idées à d’autres territoires insulaires, comme par exemple les Iles-de-la-Madeleine (archipel situé dans le Golfe du Saint-Laurent, au Canada).

 

Plus d’infos : https://www.iles-du-ponant.com/