Chalutier hybride : Les pêcheurs sortent la tête de l’eau

Chalutier hybride : Les pêcheurs sortent la tête de l’eau
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 La goutte d’eau qui fait couler le bateau

 Le projet Fish2éco-energy, ou l’expression du ras le bol d’un secteur délaissé qui décide de reprendre les choses en main. Tel est le sentiment de Thierrry Leprêtre, patron de pêche du projet Fish2éco-energy. Il explique, dans un communiqué : « si jusque 2008, les charges liées au carburant représentaient 20% à 25% du chiffre d’affaire, elles dépassent aujourd’hui les 40% ». Conséquences directes, les salaires des équipages se voient amputés, pour les « chanceux » qui réussissent tant bien que mal à faire perdurer leur activité, qui ne mettent pas pied à terre définitivement.

La pêche artisanale est dans le creux de la vague, et rien ne semble indiquer une quelconque avancée. Certes, les navires évoluent, on peut citer des innovations telles que l’allègement des navires, la conception des coques ou bien les logiciels embarqués, mais cela ne suffit nullement à palier les dépenses en carburant qui se comptent en milliers d’euros (un navire de 25 mètres consomme 10 tonnes de gazole par semaine, soit de 7000 à 9000 euros !) Alors lorsque s’effondrent les prix du poissons et que les quotas de pêche se voient diminuer, cela ne fait que précipiter le naufrage. On comprend mieux la frustration d’un secteur dénigré par l’innovation.

S’attaquer aux causes du problême

 Foucauld Desjonquères, qui contrôle et suit la mise au point de la motorisation hybride sur la Frégate, indique à son tour « pour répondre aux premières urgences, le projet Fish2EcoEnergy s’est fixé comme objectif de départ de baisser les charges liées à la motorisation avec une économie immédiate de 35 à 40% sur le coût du carburant. Concernant l’impact environnemental, la diminution des émissions de CO2 escomptée est fixée à 80%. »

Pour relever le défi, la frégate à été équipée d’une génératrice de 450kw. Alimentée au gazole, elle va laisser place au gaz naturel dès 2014. Des résultats directs, pour un projet évolutif. Jacques Bigot (Président de France Pêche Durable et Responsable) nous annonce que « le chalutier hybride pourra évoluer dans le temps. Il fonctionnera tout d’abord avec 75% de gaz naturel, et demain au moyen de piles combustibles, de l’éolien ? Dès 2014, le gaz sera complémentaire au fuel. Avec le gaz naturel, notre impact carbone est réduit de 90% par rapport au fuel. Il nous témoigne également que l’utilisation du gaz comme alternative au gazole est possible grâce à une «convention signée auprès de GRDF pour une installation de gaz naturel sur le port de Boulogne-sur-Mer qui deviendra un « port vert »

Economie oui , mais pas que…

Car outre l’aspect financier, comme nous l’indique Jacques Bigot, il faut aussi « répondre aux exigences environnementales de plus en plus pointues ». C’est donc également dans un soucis de préservation de l’environnement que le projet a pris le large. Les équipements de pêche, notamment le chalut, ont bénéficier d’améliorations. Il nous confie que « du côté des pertes de poisson, nous faisons en sorte d’instaurer des techniques de pêches alternatives via un programme de formation et communication auprès des pêcheurs. Le but est de rentabiliser l’activité sans pêcher plus, mais autrement. Toute une pédagogie est à développer auprès des professionnels de la mer ». Selon Eric Guyniec, Président de la coopérative maritime lorientaise, « les économies de carburant liées à l’utilisation des seuls nouveaux engins de pêche, évaluées à 15%, permettraient d’améliorer la trésorerie des entreprises. »

Guillaume Loth, jeune ingénieur chargé d’optimiser le rendements de chaluts, précise que « les innovations sur les chaluts permettent de conjuguer meilleure qualité de poisson et économies de carburant. Ces économies viennent s’ajouter à celles réalisées par la propulsion hybride. »

Redonner de l’espoir à tout un secteur

Le projet Fish2EcoEnergy se veut donc révolutionnaire,mais aussi nécessaire et exemplaire, selon le président de FPD&R, « la mission de notre association est, non seulement d’insuffler un nouveau souffle à la pêche française, mais aussi de se démarquer d’une attitude  »victimaire » dont souffre souvent les marins ». Il nous assure également que l’hybridation d’un navire est loin d’être utopiste : « pour les marins qui souhaiteront investir dans un chalutier hybride, il n’y aura pas de surcoût sinon en ce qui concerne la motorisation. Le moteur électrique alimenté par la génératrice fuel-gaz sera amortit sous trois ans. Et l’entretien est très inférieur à celui nécessaire pour les moteurs lambda. »

Né d’une initiative contestataire, ce projet concret de navire hybride ouvre les portes du possible. Il se propose de relancer la pêche artisanale en prenant en compte les contraintes, qu’elles soient économiques ou environnementales. Un coup de maître de la part d’un réseau, qui tourne une page de l’histoire nautique.

Un leurre pour adoucir le débat ?

Toutefois, « il ne faut pas se tromper de combat » nous témoigne François Chartier, responsable des campagnes pêches à Greenpeace « Ce projet de chalutier hybride est intéressant si il peut réduire son impact carbone par rapport aux chalutiers existants, grands consommateurs en carburants. Ceci dit, à l’heure du débat sur la pêche en eau profonde: ce chalutier ne réduit pas son impact causé sur les fonds marins. »

France Pêche Durable et Responsable assure, quant à elle, que le nouveau chalut est « sélectif et réducteur de trainée, entraînant une réduction de l’impact sur les ressources »

Le débat sur la pêche en eaux profondes étant engagé, il appartient maintenant aux politiques de trancher. Le projet d’hybridation d’un navire est une révolution technologique, mais son utilisation en tant que chalutier ne fait pas l’unanimité. Affaire à suivre.

 

Plus d’infos :

Site de France Pêche Durable et Responsable :

http://www.francepechedurable.eu/

 

 

 

 

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