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A Gâvres (56), Maison Glaz, havre de transition écologique et citoyen

A la suite de la deuxième Edition de son Forum des coopérations, le Réseau Cohérence publie en partenariat avec Eco-bretons une série d’articles sur l’engagement. Chaque article présente une initiative inspirante en Bretagne avec un focus sur sa manière d’accompagner l’engagement dans les transitions : comment sortir de l’entre-soi ; comment toucher de nouvelles personnes ou comment se relier à d’autres initiatives et coopérer ? Des enjeux auxquels nous tentons de répondre au travers de ce dossier. Nous continuons notre présentation avec une initiative au cœur du pays de Lorient : le tiers lieu éco-breton Maison Glaz, situé sur la pointe des saisies à Gâvres. Pour en faire sa présentation, nous avons rencontré Akira Lavault, co-fondatrice de Maison Glaz et encadrante technique d’insertion espaces verts et bâtiments du site.

Cohérence : « Peux-tu nous présenter Maison Glaz ? »

Akira : « Maison Glaz est un tiers lieu situé à l’entrée de la rade de Lorient. Il s’agit d’une reconversion d’un ancien centre de vacances de l’armée qui a été abandonné dans les années 2010. Cette ancienne zone militaire date d’il y a plus de 300 ans et a été démilitarisée il y a 3 ans. Le site fait 1 hectare et demi et comporte près de 750m2 de bâtiments. En reconvertissant ce site, on s’est donnés pour mission de remettre de la vie sous toutes ses formes sur la pointe de Gâvres et de travailler également à l’adaptation de ce petit caillou aux effets du dérèglement climatique. Donc c’est à la fois, un projet de revitalisation territoriale sur une presqu’île assez vieillissante et d’action climat par suite de l’érosion du trait de côte. »

Cohérence : « Comment pensez-vous arriver à répandre cette envie de s’engager dans une transition écologique autour de vous ? En somme, arrivez-vous à faire tâche d’huile ? »

Akira : « Je dirais d’abord que tout dépend du niveau d’engagement que l’on vise. Ce que nous essayons de faire à Maison Glaz c’est de susciter l’envie chez les gens. En travaillant sur l’inspiration et en essayant de montrer que c’est désirable d’agir, d’abord parce que c’est bon pour soi. Par exemple à Maison Glaz, on vend des produits au bar qui sont sains pour la santé mais également respectueux de la planète. Nos espaces sont également pensés pour être ludiques, dans le style guinguette. Il faut du récréationnel ou du sport comme notre espace yoga, et aussi de la culture ! On a besoin de faire appel à la détente, à l’imaginaire, au bien-être. Il est essentiel de montrer que la transition n’est pas contradictoire avec le plaisir et le confort mais sont au contraire, intimement liés. Il me semble par ailleurs essentiel d’adopter une posture bienveillante et de d’accueil inconditionnel des personnes, quel que soit leur niveau d’engagement, plutôt que des discours alarmistes ou culpabilisants. Et c’est ce que l’on essaie d’incarner à Maison Glaz. En effet, glaz en breton, c’est la couleur de la nature. C’est un nuancier de couleurs indéterminées entre le bleu, le vert et le gris, c’est une couleur indéfinie, changeante au gré des saisons et de la météo. Cela représente le nuancier de toutes les approches possibles pour aller vers la transition écologique et sociale.»

Cohérence : « Quelles sont pour toi les clés de la coopération pour une transition écologique ? »

Akira : « De manière générale, je pense qu’il faut porter une attention très profonde à l’intégration des gens et au ressenti des personnes dans un groupe. Pour moi, la clé de la coopération réside d’abord dans le fait d’avoir un cadre d’écoute assez fin. C’est ce qui permet d’établir la confiance. Deuxième élément : une raison d’être claire, une direction qui donne envie de s’engager. Si la cause est juste et que la confiance est présente, les choses peuvent aboutir. L’enjeu est alors que le projet se déroule dans les meilleures conditions possibles pour chacun. Bien sûr, tout le monde ne répond pas aux mêmes règles uniformes. Par exemple, certaines personnes dans un collectif vont demander plus d’autonomie que d’autres qui auront besoin d’un cadre plus sécurisant et déterminé. En fin de compte, il faut surtout que soient réunis ces éléments : un cadre d’écoute, sécurisant et une direction claire. Ce sont à mon sens, les clés de la coopération. »

Cohérence : « Aurais-tu un événement en tête qui a suscité un certain engouement et engagement à Maison Glaz ? »

Akira : « Bien sûr. Je pense à l’événement du Grand Bain qui a eu lieu début juillet. C’est la jonction entre deux dynamiques, le Festival des Tiers-Lieux de Bretagne et la Tournée des Tiers lieux organisée par l’association des 150 délégués élus de la convention citoyenne pour le climat. Cet événement a suscité un engagement fort, tant de la part des organisateurs, des partenaires que du public. Y ont été abordées les thématiques de l’océan, du climat, des Humains au XXIème siècle avec une focale sur le rôle des tiers-lieux dans la transition écologique, sociale et solidaire. Cet événement a été très partenarial, ce qui en a fait un véritable défi mais également tout son succès. Cela nous a permis de réunir assez de moyens financiers pour organiser une programmation culturelle de qualité. En termes d’engagement, on peut dire que celui-ci a pris multiples formes. On a en effet eu des personnes motrices de la dynamique mais aussi des personnes plus ponctuelles dans leur engagement. Dans tous les cas, il me semble important de se figurer que l’engagement n’est pas un trait permanent, mais qu’il va varier, selon les personnes, mais aussi, pour une même personne, selon les moments de sa vie. »

Cohérence : « Comment Maison Glaz accueille-t-elle les nouveaux porteurs de projets ? »

 Akira : « Avec un café (rire). Non, en fait c’est surtout faire en sorte de pouvoir arrimer le projet ou le porteur en question dans le projet Maison Glaz. Notre tiers-lieu est comme une sorte de coquille, et en règle générale, les choses sont assez ouvertes et libres tant qu’elles intègrent la question du lien social, du vivant et du climat. Par exemple, des jeunes artistes du coin sont venus nous voir pour avec un projet qui nécessitait une structure associative du territoire pour se concrétiser. On a écouté leur projet, puis on a tout de suite accepté de porter l’idée avec eux, car ce qui nous intéressait c’était d’apporter un nouveau regard sur le patrimoine du territoire.

Cohérence : Et comment est-ce qu’on fait pour créer du lien autour de l’engagement et pour le maintenir dans le temps ? »

Akira : « En faisant des projets. Les grandes conventions de partenariat que l’on peut signer entre acteurs sur le territoire ont le mérite d’exister mais ce qui compte avant tout, c’est de faire ensemble plutôt que d’avoir l’intention de coopérer. Et puis, ce n’est pas grave si le lien se détend un peu à un moment. Si celui-ci peut se renouer plus tard lors de nouveaux projets, c’est l’essentiel. »

Cohérence : « Enfin, penses-tu que l’on puisse parler d’un archipel de la transition sur le territoire de Lorient ? »

Akira : « Oui et pas que sur le pays de Lorient ! J’aime beaucoup cette expression d’archipel car on est sur une presqu’île ici et j’ai moi-même des origines japonaises. Un archipel possède comme caractéristique de réussir à créer une connexion forte entre toutes les îles qui le composent, tout en respectant l’autonomie de chacun. Sur certains projets, parfois on agit seul, parfois on mobilise les autres de son archipel. Je crois qu’il y a un archipel de la transition et qu’il est à l’échelle de la Bretagne, de la France, de l’Europe et même du monde ! C’est comme ça que se construit le changement, en travaillant chacun sur nos territoires, mais reliés ensemble par une membrane invisible. »




Le RESAM, au cœur de l’engagement des jeunes du Pays de Morlaix

(Plume Citoyenne) A la suite de la 2ème édition du Forum des Coopérations des Transitions ayant eu lieu le samedi 11 juin à l’Université de Lorient, Cohérence publie une série d’articles sur la thématique de l’engagement.

Pour ce premier article, nous avons pu échanger avec Andrea Lauro, animateur au RESAM, du Centre de ressources, pour le conseil, la formation, le matériel, le site internet et l’engagement citoyen, notamment de jeunes.

Cohérence : « Peux-tu nous présenter le RESAM ? »

Andrea : « Oui, le RESAM c’est le Réseau d’échanges et de services aux associations du Pays de Morlaix. Le RESAM est né au début des années 2000 suite à une recherche-action liée au développement d’emploi pour les jeunes, en tant que service au sein de la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC). On a vu qu’il y avait de nombreuses associations sur le pays de Morlaix mais que celles-ci étaient isolées. On a donc voulu donner tout d’abord donner les moyens à ces associations de se rencontrer. C’est de là qu’est né le RESAM. Puis 10 ans plus tard, en 2011, le RESAM est devenue une association autonome avec un effectif qui s’est étoffé jusqu’à 5 à 7 personnes aujourd’hui.

L’année dernière, le RESAM a réalisé un dispositif local d’accompagnement, dispositif public permettant aux associations employeuses, structures d’insertion par l’activité économique et autres entreprises d’utilité sociale de bénéficier d’accompagnements sur mesure afin de développer leurs activités, de se consolider et à créer ou pérenniser des emplois.

À la suite de cet accompagnement, il a été décidé de changer le modèle de gouvernance pour adopter un modèle inspiré des principes de la sociocratie. Le RESAM est composé de 7 cercles autonomes et reliés (richesses humaines, finances, engagement, formation et services, observatoire, porte vois, vie associative et territoire et salarié.e.s). Chaque cercle est représenté au Conseil d’administration qui participe également à la prise de décisions (ressources humaines et financements, etc.). Les adhérents rejoignent librement les cercles. Ce nouveau modèle de gouvernance est surtout pensé pour permettre la participation des associations (qui représentent 84% des adhérents) ainsi que des salariés du RESAM.

Le RESAM porte un projet d’accompagnement de la vie associative sous la forme de services. Mais la vocation principale c’est la volonté de faire réseau, de créer des rencontres dans une démarche d’éducation populaire. Les activités du RESAM sont principalement l’engagement des jeunes, la formation, la location de matériel, la mise à disposition d’informations, comme avec l’annuaire qui recense les associations en activité du pays de Morlaix. »

Réunion des jeunes au sein de l’espace 2D

Cohérence : « Comment parvenez-vous à susciter un engagement à travers vos activités ? »

Andréa : « Parfois, on y arrive et parfois pas. On arrive à susciter l’engagement dans la façon dont on approche les personnes. Faire réseau permet de faire connaître les associations et susciter l’engagement. On oriente les bénévoles vers les associations. Par exemple, en diffusant des informations, comme une demande de financement participatif d’une association, on aide des personnes à connaître une association.

On se fait l’intermédiaire entre les initiatives des associations avec des outils partagés. On suscite l’engagement en faisant connaître et en valorisant les missions des bénévoles sur le territoire. Pour ce faire, une plateforme pour le bénévolat qui recense toutes les missions existantes sur le pays de Morlaix a été créée. C’est un outil à la fois numérique et physique à travers l’animation de temps de rencontre. Cela fait le lien entre les acteurs, les nouveaux arrivants sur le territoire mais également les jeunes qui veulent s’engager dans la vie associative.

Il y a un réseau de solidarité à Morlaix et on essaie de faire « tâche d’huile » en communiquant par thématique. »

Cohérence : « Comment accueillez-vous les personnes venant vers vous ? »

Andrea : « Le RESAM a créé des outils et des ressources nécessaires à l’accueil des bénévoles. Par exemple, des soirées de rencontres avec les associations pour savoir comment on mieux accueillir les bénévoles.

Le RESAM porte également le projet du 2D-Espace libre, un lieu librement accessible aux jeunes de 18 à 30 ans afin qu’ils développent leurs initiatives, en dehors de toute institution. Cela favorise leur engagement sur un territoire.

Des structures, comme l’Université, le Lycée, la Mission Locale, les Points d’Accueil et d’Écoute Jeunes (PAEJ), la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC), la Ville de Morlaix, Morlaix Communauté y organisent également des événements pour créer du lien. Les clés de l’espace sont dans divers lieux dans la ville. Dans notre dimension d’accueil, y a l’idée que c’est un lieu brut et modulable pour y développer n’importe quel projet. Cela casse un peu les barrières.

Le 2D accueille un chantier d’insertion numérique de l’ULAMIR, des chantiers de jeunes bénévoles ou encore Odyssée, service d’accueil des mineurs étrangers isolés sur le département du Finistère. Tout cela favorise le croisement et la mixité des différents publics et participe à la dimension d’accueil. »

Cohérence : « Quels sont les facteurs de la coopération et les difficultés rencontrées pour la créer voire la maintenir une fois établie ? »

Andrea : « On coopère à différentes échelles. Par exemple, avec l’État au niveau départemental, le RESAM s’est engagé cette année dans la démarche Guid’Asso. Cette démarche existe également au niveau national et vise à labelliser les acteurs qui accompagnent les associations. On coopère également avec les collectivités et les bénévoles, qui eux-mêmes coopèrent entre eux. Les difficultés que l’on peut rencontrer sont souvent d’ordre financier ou politique. Par exemple, la collectivité avec laquelle on va travailler peut avoir une vision différente de la nôtre sur certains projets et coopérer peut s’avérer difficile surtout lorsque la collectivité est chargée du financement.

Entre associations, la coopération rencontre ses limites. Le sentiment d’exclusion sur des projets, la mise en concurrence entre les associations peut être des freins à la coopération. La coopération est difficile à maintenir quand une nouvelle personne intègre une équipe avec une vision des choses différente. Dans les périodes de surcharge de travail, on oublie de coopérer. La coopération demande du temps. Certains sujets amènent plus de coopération notamment sur l’accompagnement de la vie associative, sur l’engagement des jeunes, pour les formations des volontaires en service civique et lors de grands événements comme le festival des Solidarités, Festisol. »

Cohérence : « Quels moyens (communication, d’animation, humains) mobilisez-vous pour faire pour toucher le plus de monde ? »

Andréa : « Nous utilisons surtout des outils numériques comme la lettre d’informations hebdomadaire. Cela permet de faire découvrir les initiatives des membres du réseau aux adhérents et aux autres structures associatives. On utilise aussi un agenda partagé.

On a aussi créé un outil appelé Bénévol’art, qui est une sorte de charte expliquant le parcours de vie de l’association et la façon dont on accueille les bénévoles.

La rencontre directe fait aussi partie de nos outils. Au mois de septembre, le RESAM est présent sur les forums des associations. C’est l’occasion pour nous de rencontrer les associations et identifier leurs besoins, les mettre en relation avec d’autres associations, avoir des retours sur nos activités. On organise également des temps de travail collectif, des moments de rencontre comme les speed dating où les associations et les jeunes échangent en quelques minutes. »

Cohérence : « A quelle occasion et par quels moyens avez-vous réussi à toucher le plus grand nombre ? Pouvez-vous nous parler de cette expérience ? »

Andrea : « Une expérience qui a rencontré pas mal de succès, c’est le Festival des solidarités (Festisol), qui a eu lieu en novembre dernier et organisé par La Maison du Monde, collectif animé par le RESAM. C’est un festival très riche. Ce festival existe depuis plus de 20 ans et a lieu chaque année. C’est le rendez-vous annuel sur la solidarité qui réunit plusieurs associations autour de l’entraide. Il y a une thématique nationale (environnement, solidarité, etc.) sur laquelle on organise des conférences, des débats, des projections de films avec intervenant, spectacles, animations et témoignages. C’est toujours une réussite. C’est un événement qui mobilise les gens et sur lequel de nombreuses associations sont présentes et qui crée une dynamique territoriale. On a une communication collective et une mobilisation du réseau de chaque association. C’est un bon exemple de réussite et de mobilisation ce Festival et ce, grâce à la coopération entre association différentes, la mobilisation collective et le réseau de chaque association qui est mobilisé. »

Cohérence : « Comment est-ce que vous favorisez la connexion entre les acteurs de la transition sur le territoire du Pays de Morlaix ? »

Andrea : « On travaille en partenariat avec d’autres acteurs comme l’espace associatif de Quimper, le Mouvement Associatif de Bretagne (MAB) et le Réseau national des Maisons des associations. On travaille dans une dynamique de coopération avec les autres acteurs du territoire. »

Cohérence : « Merci beaucoup Andréa pour ce moment d’échange. »

Andréa : « Merci à vous. »




Paysages, un festival régional en zone rurale pour changer d’échelle et de perspectives

Par Françoise Ramel

Du 1er au 3 juillet 2022, le bourg de Saint-Aignan situé sur la rive Sud du Lac de Guerlédan en Morbihan, favorisera la rencontre entre chercheurs, artistes, poétes et habitants sur différents temps d’échange. Cette proposition associative s’inscrit dans une ambition régionale. Elle est pensée en continuité avec plusieurs thèses dont celle conduite à Motten Morvan par Anaïs Belchun pendant quatre ans sur la thématique « Art, écologie, paysage ».

Plusieurs éléments de contexte permettent de mieux comprendre l’invitation lancée dans cette commune rurale. D’abord la présence à Saint-Aignan de Motten Morvan, site archéologique millénaire sorti de l’oubli grâce à l’accueil de doctorant.e.s sur la durée de leur thèse, puis l’organisation de deux chantiers de fouilles archéologiques en 2020 et 2021 malgré la pandémie.

L’obtention par 35 communes rurales du label Pays d’Art et d’Histoire après deux décennies de mobilisation des acteurs locaux est un autre élément moteur. Implantée depuis sa création dans ce Pays des Rohan, l’association à l’initiative du festival fait partie des premiers lauréats de l’appel à projet régional « Engageons-nous pour le patrimoine ».

A l’occasion des 20 ans de Timilin*, moudre nos idées ensemble, l’envie d’innover, de coopérer s’est faite plus forte que les raisons factuelles de ne pas le faire, notamment faute de moyens humains et financiers pour porter une telle programmation sur trois jours.

Enfin, la presse s’en est fait l’écho maintes fois, la commune de Saint-Aignan s’est retrouvée au cœur d’un débat dont les habitants se sont sentis exclus et facilement montrés du doigt parce que désireux de connaître les tenants et les aboutissements d’un gros projet pensé au-dessus de leur tête : la création d’une passerelle au-dessus du lac de Guerlédan.

Dans cette région, c’est depuis la création du barrage sur fond de premier grand krach boursier mondial (1929) que s’invitent dans les ordres du jours des dossiers d’envergure comme l’ascenseur à bateau dont on ne voit jamais l’aboutissement.

La 1ère édition du festival Paysages s’est déroulé de façon expérimentale à Motten Morvan en juillet 2021 avec des retours très positifs de tous les participants. Promouvoir la qualité et l’originalité d’une programmation éclectique valorisant différents espaces du bourg de Saint-Aignan est un nouveau défi pour les organisatrices, parmi lesquelles on compte Magali Kergal, restauratrice, élue de la commune en charge du patrimoine et du tourisme jusqu’en mai 2022, Céline Kergonnan, créatrice d’Archéo lab et médiatrice du patrimoine, Marie-Ange Dumas, présidente de l’association Xavier Grall, Françoise Ramel, présidente de Timilin.

A Timilin, moudre nos idées ensemble, la question du vivant et de nos relations avec le vivant est centrale

Elle s’enrichit de l’idée que nous gagnons à croiser nos imaginaires et à partager nos savoirs, à condition d’accepter parfois qu’il n’est pas nécessaire de réduire le champ à une thématique donnée et à un seul espace-temps. Pourquoi s’interdire d’être gourmand, curieux, audacieux, surtout quand la géographie vous place en cœur de Bretagne au carrefour de zones géologiques et de zones linguistiques sur lesquelles des organisations humaines dessinent des frontières depuis des siècles ?

Des experts et des passionnés vont se croiser à Saint-Aignan à partir de vendredi soir à l’invitation de Timilin. Il y aura aussi d’autres publics, moins férus de patrimoine, de poésie ou de science. Le marché estival organisé par la municipalité chaque année à cette date, comme le Pardon de St-Aignan, sont des éléments qui ont pu être intégrés au programme de Paysages, conformément à l’effet recherché et à l’invitation faite aux habitants d’être les premiers publics mais aussi les premiers ambassadeurs du festival régional.

« C’est ce qui nous intéresse dans cette deuxième édition. Les habitants de Saint-Aignan ne viennent pas spontanément si nous les invitons à Motten Morvan. Or nous ne pouvions pas fêter l’esprit de coopération et de partage des savoirs que nous cultivons depuis 20 ans sans tenter de créer cet espace de respiration dans notre paysage local pour voir ce que cela produit d’intéressant, de différent, de nouveau peut-être », explique Françoise Ramel.

Une librairie éphémère tenue par des habitantes et des bénévoles venus de loin ouvrira ses portes dans la salle des associations pour permettre à tous les auteurs et autrices qui le souhaitent de venir présenter des livres, les vendre, les dédicacer, en toute simplicité et convivialité. A l’étage de la librairie, un espace est prévu pour accueillir des ateliers d’écriture spontanés et autogérés.

Coté concerts, de nombreux artistes ont saisi l’opportunité pour se produire dans des lieux chargés en énergie, en émotion, que ce soit à l’église de Saint-Aignan ou à Motten Morvan. Là encore, les espaces-temps au service du vivant à explorer par les sens plongeront le passant dans des univers et des répertoires très différents.

La balade poétique à Motten Morvan préfigure ce que pourrait devenir un des usages du site historique qui s’était fondu dans le paysage dans l’indifférence générale pour mieux réapparaître aujourd’hui dans nos cartes mentales grâce à l’engagement de jeunes bénévoles et au savoir-faire d’une association.

Les artistes se posent dans un espace naturel gardien d’une architecture de terre millénaire, où l’abandon devient une stratégie dans un projet de développement et de questionnements contemporains. Par cette immersion, les publics sont conviés à déambuler et à redécouvrir leur propre pouvoir d’écoute et de création, à agir leurs sensibilités, leurs imaginaires, et leurs projections spécifiques dans ce lieu.

« Le festival Paysages repose sur cet adage qui est notre ADN depuis 20 ans à Timilin, conclut Françoise Ramel, nous sommes les auteurs de notre histoire, les acteurs de nos savoirs ».

*Timilin : Territoires de l’imaginaire de l’initiative locale et de l’innovation 

Timilin a été créé avec des élèves de Bac professionnel tous urbains, au lycée agricole du Gros chêne, en mars 2002 sous l’impulsion de Françoise Ramel alors enseignante en éducation socio-culturelle, avec l’appui d’un service régional en charge de la Jeunesse (ex DRJS). 20 ans plus tard, d’autres jeunes et les habitants bénéficient encore de cette dynamique collective ancrée à une vision du monde rural, novatrice et en phase avec les grandes questions de notre époque, tout en puisant dans les imaginaires d’autres époques.

 

https://www.facebook.com/-Paysages-rencontres-poetiques-de-Motten-Morvan-101063952231787/




Retour vers « Nos futurs, la parole à la relève »

Rencontre avec Pauline Lemonnier, élève en master de management des organisations et projets en 4ème année à Sciences-Po Rennes et co-organisatrice de l’événement « Nos futurs, la parole à la relève » qui s’est déroulé du 22 au 27 Mars 2022 à la médiathèque des Champs Libres*.

Durant la semaine du 22 au 27 Mars 2022, Pauline ainsi que 14 autres élèves de Sciences-Po ont participé à un festival axé sur les transitions. Ce festival est le fruit d’une collaboration entre trois entités : le Monde Campus, les Champs Libres et des étudiants de Sciences-po Rennes ainsi que plusieurs jeunes de Rennes 2 ou encore du Conseil Régional des Jeunes. Après trois séances de brainstorming sur la transition, plusieurs thématiques ont été sélectionnées (le climat, les médias, l’alimentation, le travail, la sexualité/genre et l’engagement) et pris la forme d’ateliers ou de conférences.

Pour Pauline, le principal but de ce festival était de montrer au public que la mise en place de ce genre d’événement ne doit pas obligatoirement se faire de façon verticale mais qu’elle peut aussi être co-construite dans la mesure où tout le monde est légitime à parler de l’avenir que nous partageons.

Le message principal de ce festival était de faire comprendre aux jeunes que rien n’est figé et que c’est à nous de construire notre futur de façon multilatérale afin que celui-ci soit le plus désirable possible.

Ce festival était aussi l’occasion de remédier à la problématique selon laquelle les jeunes n’ont pas accès à des plateformes légitimes et reconnues leur permettant d’exprimer leurs idées. La supervision de Sciences-Po et du Monde redonnait à cette parole une reconnaissance et une crédibilité dont elle ne bénéficie pas toujours.

Durant cette semaine, 50 propositions d’événements différentes ont eu lieu parmi lesquelles nous pouvions participer à des ateliers, des interviews, créer des DIY, assister à un défilé de mode upcyclé, écouter un plaidoyer… De fait, il y en avait pour tous les goûts, à la fois sur le fond avec les diversité des thèmes abordés et sur la forme.

Par ailleurs, chaque jour se tenait une conférence sur les thématiques sélectionnées. Celles-ci accueillait une multitude d’intervenant parmi lesquelles nous pouvions notamment retrouver Jean Jouzel (climatologue), Didier Lestrade (co-fondateur de l’association Act Up-Paris) ou encore Lexie (militante du compte Instragram @agressively_trans).

Selon Pauline, le choix du thème des transitions était essentiel car il est à la fois politique sans être clivant et suffisamment vaste afin que tout le monde puisse trouver quelque chose à y dire. De plus, le thème des transitions est pour Pauline un sujet « qui ne parle pas à tout le monde mais qui doit parler à tout monde » car tout le monde est concerné que ce soit dans le domaine du travail, des parcours migratoires, de l’environnement, de la sexualité…

Il a semblé particulièrement important d’évoquer les transitions et de faire en sorte que ce soient des jeunes qui donnent leur point de vue dans la mesure où ceux-ci sont particulièrement touchés par ces dernières. Il s’agit en outre d’une réponse face à l’urgence climatique dont les jeunes prennent davantage conscience que les générations antérieures et se mobilisent d’autant plus pour lutter contre le réchauffement planétaire (ex : les manifestations pour le climat mobilisent majoritairement les jeunes, lors des dernières élections, les moins de 30 ans ont massivement voté pour des programmes en faveur de davantage de mesures environnementales…). De plus, le thème des transitions permet également à la jeunesse de s’exprimer sur des questions liées à la sexualité à l’ère de la génération Me-Too, et même du mouvement Sciences-porc en ce qui concerne les étudiants de Sciences-Po. Selon Pauline, « notre génération est celle qui libère la parole sur de nombreux sujets et notamment sur la sexualité et l’écologie ».

Le fil rouge de ce festival était de savoir quelle société durable et soucieuse du vivant nous pouvions construire ensemble. Pour Pauline, nous devons admettre le principe de sobriété de la société et bien comprendre que nous ne pouvons pas tout traiter. L’enjeu est alors de ne pas remettre à plus tard les problématiques qui nous semblent les plus centrales afin de prendre conscience des inégalités persistantes et de lutter contre l’invisibilisation des minorités pour faire front à la tyrannie de la majorité.

*https://www.leschampslibres.fr/evenements/nos-futurs/nos-futurs/

Photo : Rencontre avec Jean Jouzel, en dialogue avec les jeunes du territoire autour des questions climatiques et de l’engagement #nosfuturs. Crédit: Champs Libres.




Tribune collective. PAC 2023 : suite à l’avis de la Commission européenne, la France doit revoir sa copie !

LA BRETAGNE DEMANDE AU GOUVERNEMENT DE LUI DONNER UNE CHANCE


Le 31 mars dernier, la Commission européenne a demandé à la France d’apporter des compléments à son plan pour la future PAC. Des remarques qui rejoignent largement les critiques formulées par les organisations environnementales, agricoles et de consommateurs réunies au sein de la plateforme « Pour une autre PAC ». Des écueils qui auraient pu être évités si l’on avait laissé les territoires organiser la transition agro-écologique.
Les remarques portent notamment sur la redistribution plus équitable des aides, l’accompagnement de la transition agro-écologique, la baisse des émissions de gaz à effet de serre liées à l’élevage, les moyens pour réduire les pesticides ou encore l’amélioration du bien-être animal.

 

Un gouvernement sourd aux messages de bon sens


Le gouvernement français n’a pas voulu prendre en compte les premières alertes de la Commission européenne qui dès 2020 l’enjoignait de relever le niveau d’ambition : « Le futur plan stratégique relevant de la PAC devrait jouer un rôle important en revoyant à la hausse les ambitions environnementales et climatiques et en relevant ainsi le niveau des exigences minimales et en créant des outils d’incitation appropriés, en complémentarité avec le plan de relance de la France et, en particulier, les mesures de transition agroécologique du pays. »
Le gouvernement français n’a pas non plus pris en compte l’avis de l’Autorité environnementale qui lui recommandait en octobre 2021 : « de rehausser le niveau d’ambition du PSN afin de placer la France sur la trajectoire qu’elle s’est fixée tant en matière de changement climatique que de qualité des eaux et de reconquête de la biodiversité. »

Ou encore celui de la Cour des comptes, qui l’invitait en octobre 2021 à : « mieux valoriser les pratiques agro-environnementale dans la déclinaison de la prochaine PAC ». Pire encore. Alors que la Bretagne disposait d’un bilan encourageant concernant la mobilisation des aides agro-environnementales (MAEC) gérées jusque là, en direct, par le Conseil régional et que ce dernier réclamait le droit de gérer l’ensemble de l’enveloppe PAC, le ministère de l’agriculture a décidé de reprendre la main sur la gestion de ces aides, ne laissant au Conseil régional de Bretagne que des miettes.

Les lacunes qui concernent particulièrement la Bretagne


Pour la Bretagne, première région agricole de France et première région d’élevage, ce document est particulièrement révélateur d’une incapacité à mettre de la cohérence dans les politiques publiques pour engager une véritable transition agricole dans notre région. Ce qu’a souligné fortement le rapport d’évaluation qui portait sur 10 ans de lutte contre les marées vertes, rendu conjointement par la Chambre régionale et la Cour des comptes en juillet 2021. Celui-ci préconisait explicitement dans la prochaine PAC de « prévoir des mesures adaptées à la lutte contre les fuites d’azote, suffisamment incitatives et
accessibles à tous ».

Sur la réduction des gaz à effet de serre (GES), la Commission pointe « un soutien important au secteur d’élevage mais [le plan] ne fixe aucun résultat à atteindre pour la réduction des émissions du secteur de l’élevage ». Ou encore « l’objectif est faible pour la gestion durable des nutriments malgré le rôle clé joué par le bétail et la fertilisation pour les émissions. ». La réduction des émissions de GES (objectif 2040 de moins 50%) passera par davantage de lien au sol, un développement de la polyculture élevage bien répartie sur les territoires et une nouvelle éducation alimentaire, qu’il serait légitime d’accompagner par des leviers économiques.


Sur la protection de l’eau et la gestion des nutriments, la commission constate que « les moyens proposés ne sont pas à la hauteur de ces enjeux prioritaires ». Elle invite à revoir l’ambition tant des aides du premier pilier (aides directes), que de celles du second pilier (MAEC). Les efforts ne sont actuellement pas suffisants pour atteindre le bon état des eaux en 2027 (objectif de la Directive Cadre sur l’Eau). Les moyens pour la réduction des engrais et celle des pesticides, « ne sont pas à la hauteur ». Elle recommande en particulier de renforcer les pratiques de rotation des cultures.


Sur la gestion quantitative de l’eau, la Commission réclame « une réduction significative de la consommation d’eau en agriculture (incluant le changement de culture ou de variétés, mesures de rétention naturelle de l’eau dans le sol, pratiques alternatives, réutilisation des eaux usées, etc.) en vue d’atteindre les objectifs de la Directive Cadre l’Eau et en vue d’adapter l’agriculture au changement climatique. ». La PAC doit aider à anticiper les inéluctables tensions à venir sur le partage de l’eau.


Sur la protection de la biodiversité, de même, « les moyens proposés par le Plan semblent insuffisants auregard des besoins » et « des actions doivent contribuer à combler les besoins d’amélioration de la gestion des zones Natura 2000 de la biodiversité en général ». A noter que « la France a l’une des plus faibles densités d’éléments paysagers de l’Union européenne »

Sur l’objectif de 18 % de la SAU en agriculture biologique d’ici 2027, la commission a des doutes sur l’atteinte de cet objectif tant les actions pour y parvenir font défauts. Elle demande à la France de renforcer les interventions.


Sur la certification HVE (haute valeur environnementale), dont le cahier des charges est très faible, mais qui se retrouve au même niveau de rémunération que l’agriculture biologique : « La Commission note avec préoccupation que la rémunération de niveau supérieur pour service environnemental dans l’écorégime est la même pour l’agriculture biologique et la certification HVE alors que le cahier des charges de cette certification est beaucoup moins contraignant. La Commission prend note que la
certification HVE est en cours de révision, mais demande à la France de tenir compte du niveau de sa contribution aux objectifs environnementaux par rapport à l’AB et si nécessaire de différencier les niveaux de rémunération ».
La Bretagne ne peut admettre que le label promu par la nouvelle PAC fasse totalement abstraction de l’enjeu nitrate qui est une question majeure pour la région, et mette sur le même plan la HVE et l’agriculture biologique reconnue comme beaucoup plus favorable à l’environnement


Sur la régulation des marchés et le soutien des prix : la plupart des mesures de régulation a disparu à part quelques articles concernant des filières en crise et avec des mesures dont la portée est partielle et limitée (incitation à réduire les volumes de production). Pourtant ces mécanismes seraient bien plus efficaces et moins dispendieux que l’assurance revenu proposée dans le 2ème pilier. Délaisser la problématique des prix agricoles, au niveau européen, aura des conséquences incalculables sur la pérennité de certaines productions et notamment sur l’élevage.


Sur le soutien des actifs agricoles, les enjeux de souveraineté alimentaire et environnementaux ne seront atteints qu’avec des agriculteurs nombreux et bien rémunérés. La répartition des aides publiques de la PAC doit tenir compte de cet objectif. En cela, les dispositifs proposés ont été rendus inefficients : une aide aux petites fermes trop faible, un plafonnement beaucoup trop élevé et un paiement redistributif
maintenu à 10% des aides du 1er pilier alors que le règlement européen permet de monter à 30%. Ces arbitrages doivent être revus afin d’en faire des leviers socialement efficaces.

 

Saisir une chance de voir évoluer notre modèle agricole breton


Si la Bretagne ne peut disposer d’une PAC qui soutient clairement les systèmes les plus vertueux socialement et écologiquement, les agriculteurs bretons se retrouveront pris dans une double injonction contradictoire : à savoir, réduire drastiquement les impacts de leur modèle sur l’environnement (marées vertes, pesticides, ammoniac, GES…), sans y être encouragés, ni par les prix, ni par l’argent de la PAC.
C’est la raison pour laquelle nous, les acteurs de l’environnement et de l’agriculture de Bretagne demandons au gouvernement de se saisir de l’opportunité fournie par la Commission européenne pour proposer une nouvelle ambition pour la future PAC : une véritable stratégie d’accompagnement de la transition agroécologique et climatique pour répondre aux enjeux d’alimentation de qualité pour tous et d’emploi paysans nombreux sur tous les territoires.

 

 

 

Alain Bonnec, Président Eau et rivières de Bretagne

Bénédicte Compois, administratrice URCPIE Bretagne

Marc POUVREAU, co-président Réseau Cohérence

Gwénola Kervingant, Présidente Bretagne Vivante

Fabrice CHARLES, Coprésident FR CIVAM Bretagne

Jean-Marc THOMAS, Porte-parole Confédération Paysanne Bretagne

Marie-Pascale Deleume, Présidente FNE Bretagne

Julien Sauvée, président FRAB Bretagne

 

 

Annexes :


La lettre d’observations de la Commission européenne sur le PSN français


L’avis de l‘Autorité environnementale sur le PSN


Le rapport de la Cour des comptes




Quand l’eau des lavoirs vibre avec Shumann

Article écrit avec La Toute Première Fois

Que fait-on de l’eau ? Cette interrogation que l’actualité fait surgir de façon récurrente et désormais inquiétante tant cet élément vital est de plus en plus malmené par les activités humaines, nous est cette fois-ci formulée par un binôme d’artistes, La Toute Première Fois. Emilie Maréchal et Sylvain Descazot, sollicitent nos imaginaires dans le cadre d’une performance au sein de l’exposition « Glaz » où l’association de promotion de l’art et des artistes contemporains Les Moyens du Bord,  propose jusqu’au 5 novembre prochain à Morlaix, dans la très belle et multiséculaire Maison Pénanault, une sélection d’oeuvres de son artothèque*.

Et au travers de leur performance qui accorde une importante particulière à sa dimension collective, les deux artistes nous permettent, mine de rien, de renouer concrètement et symboliquement avec des rituels païens très anciens de guérison que pratiquaient nos ancêtres pour se connecter aux puissants éléments du vivant. 

Laissons Emilie Maréchal et Sylvain Descazot nous en dire davantage sous leur plume et voix numériques :

« Autour des lavoirs la vie sociale féminine des lavandières s’organisait, La Toute Première Fois interroge savoirs d’antan et matières. Ici l’eau est ambivalente : on peut la voir, s’y mirer, s’y perdre dans la noyade, mais aussi la boire. L’eau nous lie au passé et au futur par ce qu’elle a de constant et de cyclique. Cet élément physique inscrit les mémoires et métamorphoses. L’eau, par son parcours souterrain, se charge des ondes électromagnétiques diffusées par les objets et supports techniques que l’homme a mis en place et les garde en mémoire. Cette accumulation de fréquences déséquilibre sa structure fondamentale et modifie son harmonie.

Avec l’installation « Que fait-on de l’eau ? » La Toute Première Fois soumet les eaux de 3 lavoirs morlaisiens (Collobert, rue de Ropars et Pouliet) aux résonances de Schumann, les ondes originelles que produit la terre. Les résonances de Schumann sont un ensemble de pics spectraux dans le domaine d’extrêmement basse fréquence (3 à 30 Hz) du champ magnétique terrestre, observées la première fois dans les années 1960. Ces résonances globales sont présentes dans la cavité formée par la surface de la Terre et l’ionosphère qui fonctionne comme un guide d’onde. La principale a une longueur d’onde égale à la circonférence de la planète et une fréquence de 7,8 Hz. Sont présentes, en plus de cette onde fondamentale, des harmoniques à 14,3 Hz, 20,8 Hz, 27,3 Hz et 33,8 Hz.

Au-delà du prisme scientifique, cette installation traduit l’envie de redonner à cette matière sa valeur primaire et questionner la place de cet élément mal traité et pourtant essentiel à notre survie. Nous avons souhaité que cette installation soit le fruit d’une action collective. Ainsi, durant toute la durée de l’exposition, chacun·e est invité·e à déposer, dans l’emplacement de son choix, un bol contenant une eau d’un lavoir, quel qu’il soit. Ce bol doit être en porcelaine ou verre (pour une meilleure conduction du son) et son diamètre ne pas excéder 15 centimètres. Un carnet répertoriant les dates de dépôt et provenance des eaux est également à compléter par chaque participant·e (NDLR : jusqu’au 5 novembre 2022). »

Interview audio d’Emilie Maréchal et Sylvain Descazot :

«  »La Toute Première Fois est un binôme : Émilie Maréchal, vivant à Bruxelles est metteure en scène et comédienne, Sylvain Descazot, habitant en Bretagne, est designer. Ils cherchent, depuis plus de deux ans, à construire un propos commun. Ce dernier se développe autour d’axes de recherches plastiques, performatives et d’objets. Ils définissent des thèmes et fascinations communes afin de croiser leurs disciplines, apprendre de l’autre. Cette mise en travail commune est déjà en soit une expérience et un défi.

L’attrait de Sylvain Descazot est d’étudier la nature : partir se promener, déambuler, se perdre et revenir avec des intuitions formelles, des rêveries contemplatives, qui sont toujours les premiers temps de la mise en place de ses recherches. En parlant de zones, régions, lieux de manière subjective et sensible, il cherche à révéler l’image poétique de la matière et magnifier ce qui, par les valeurs et vertus sociales, se trouve marginalisé ou rejeté.

L’attrait d’Émilie Maréchal est l’Homme. À travers l’écriture, elle met en scène et joue pour faire marcher les gens, les activer, les bousculer. La prise de conscience, le vertige, ne sont possibles que dans le saisissement, dans le choc presque, dans une recherche formelle et esthétique rigoureuse. C’est en comprenant sa nature archaïque, que l’homme s’élève.

Le binôme s’est alors rendu compte que malgré leurs « sujets d’études » différents, ils partagent des intérêts, qui sont l’archaïsme (l’essentialité de toute construction et l’histoire commune de l’humanité), le communautaire et le rituel (un savoir partagé et une action commune reliant à un environnement), le «faire» et l’immersion (la connaissance de la matière et l’«être» en expérience). Par des formes et volumes simples où la matière pauvre est sublimée, par l’inscription d’un protocole et la sublimation des corps, ils développent des bases d’expérimentations communes pour créer et dialoguer. L’acte de création se situe à la jonction de l’objet ou du volume dessiné, de l’expérience physique et de la production de formes performatives. »

 

*https://morlaix-communaute.bzh/layout/set/print/Visiter-Sortir/La-Maison-Penanault/Exposition-Glaz

Les Moyens du Bord et le binôme La Toute Première Fois proposent de partager et croiser les regards sur la matière eau, à travers une installation et un cycle d’ateliers, tout au long de l’exposition.

  • Samedi 21 mai, 14h>18h : “Excusez-moi de vous demander pardon” – Le pardon du lavoir – Procession en extérieur
  • Samedi 23 juillet, 14h>18h : Lavandière de nuit – Atelier sérigraphie
  • Journées européennes du patrimoine : Madame Propic – Nettoyage d’un lavoir

Réservations auprès des Moyens du Bord : 02 98 88 25 62 – lesmoyensdubord.mdb@gmail.com