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Edito. Notre-Dame-des-Landes : la voie de la sagesse…

(Par Dominique Guizien, président d’Eco-Bretons) Notre-Dame-des-Landes est mort. Vive Notre-Dame-des-Landes, a-t-on envie dire paraphrasant ainsi les hérauts de l’Ancien Régime, annonçant la fin d’un règne et le début du suivant.

La décision qui a mis fin à près de 50 ans d’atermoiement des gouvernements successifs clôt un chapitre tumultueux de l’histoire de l’aménagement de notre espace et ouvre, peut-être, en même temps, une nouvelle ère. Ce fut donc une décision sage puisque manifestement les positions étaient si profondément figées que le statu quo n’était plus possible. Sage surtout parce, que tournant le dos à des schémas de pensée du passé, le Premier Ministre a choisi de prendre en compte les arguments de ceux qui croient que notre présent appartient déjà aux générations futures.

En effet, un projet conçu il y a 50 ans, à une époque où tout le monde ou presque pensait que notre planète pouvait indéfiniment subir une croissance elle-même infinie, était un vieux projet et si son urgence avait été déclarée à l’époque, il est certain que ce demi-siècle d’inaction a démontré que cette urgence était surtout dans la tête de ceux qui croyaient à l’époque que agir ne pouvait rimer qu’avec construire.

Mais cette décision ne saurait s’arrêter à cela sinon ce ne serait, comme le proclament les déboutés du droit de bétonner, qu’un reniement de plus de la puissance public. Or, en cette période où les pouvoirs publics ont mauvaise presse, rien ne serait pire qu’un aveu de faiblesse de nos représentants dans une époque où la démocratie est partout, battue en brèche.

Cette décision doit donc s’inscrire dans un projet politique global.

Le territoire des mobilités

Pour l’instant, un seul élément a été mis sur la table : l’aéroport de Nantes-Bouguenais va être aménagé pour faire face aux évolutions prévues du trafic. Pour le reste, rien n’est écrit.

Et pourtant, la page est encore blanche concernant l’avenir des transports dans le grand Ouest.

La première question qu’il convient de se poser : comment un aéroport s’inscrit-il dans le schéma des mobilités des populations concernés ? Cette question est fondamentale et aurait même dû être posée en préambule du débat public sur un projet précis.

Ceci nous pourrait nous amener très loin dans la réflexion sur l’aire géographique d’analyse, sur la nature des mobilités selon les populations, les périodes de l’année et les aires d’analyse. Il y a paraît-il un document qui synthétisera tout cela : on appelle cela SRADDET en jargon administratif, ce qui veut dire Schéma d’aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires. Si la réflexion s’étend à la Bretagne, ce document pourrait même s’appeler Breizh COP, en référence à la méthode utilisée pour discuter largement des changements climatiques au niveau planétaire.

La rénovation du débat public

Cette décision met en évidence, par contraste, les graves dysfonctionnement du débat public. Les procédures mises en place jusqu’à présent ne sont le plus souvent que des enquêtes commodo-incommodo un peu poussées visant à mesurer le degré d’adhésion ou de refus des populations locales. La convention d’Aarhus a rajouté un volet environnemental mais à aucun moment, pour des infrastructures qui vont durer des décennies, on ne se préoccupe de l’impact de tels projets pour les générations futures . En outre, si l’analyse écologique est d’un quelconque intérêt, elle nous apprend que le monde du vivant n’a pas de frontière mais qu’il a une mémoire et donc que l’impact ne se mesure pas sur quelques kilomètres, ni sur quelques années. A cet égard, je voudrais rectifier deux petites erreurs d’analyse faite par les défenseurs du projet qui s’appuient sur un vote des populations concernées. La première erreur est d’affirmer que la démocratie a parlé puisque la population du département a été consultée puis dans la même phrase ajouter que ce projet concerne quand même les 8 millions d’habitants du grand Ouest. La seconde erreur est justement de penser que seules sont concernées les gens vivant aujourd’hui sans tenir compte des reproches de ceux qui naîtront dans 20 ou 30 ans dans un monde plus invivable que le nôtre parce que nous aurions laissé les choses se dégrader. Or ceux-ci ne pouvant s’exprimer, il aurait fallu que d’autres le fassent. L’expertise ici a manqué. Voici de nouvelles pistes à creuser pour que demain, le débat autour de tout nouveau projet de territoire se déroule dans des conditions sereines. A défaut, il est à craindre que ces projets deviendront autant d’abcès de fixation et des projets nouveaux deviendront faute de consensus, des vieux projets. L’exemple de Notre-Dame-des-Landes, mais il n’est pas le seul, est là pour nous montrer que les vieux projets sont par essence des projets morts-nés.

Un projet de territoire

Reste la question du devenir de ces 1650 hectares rendus à un usage autre. Il convient d’abord de souligner que si ce projet a aussi longtemps résisté aux tentatives de passage en force ou en souplesse de l’Etat, cela tient surtout à la grande capacité des habitants de ce territoire précis à se regrouper pour exprimer un refus collectif. Sans cette résistance initiale, il y a longtemps que le dernier Concorde se serait envolé de Nantes. Ce territoire est d’abord le leur. Sans l’agrégation d’autres personnes venues les rejoindre parce qu’elles trouvaient que leur combat était juste, parce que les résistants de la première heure proposaient une vision de l’agriculture et de la gestion des espaces ruraux qui convenaient à leurs aspirations, Vinci aurait déjà inauguré son 36eme aéroport. Ils s’y sont installés pour certains et ont développé des activités conformes à ces aspirations. Ce territoire est devenu aussi le leur. Ce sont donc eux qui doivent dire ce qu’ils veulent faire de ce territoire. Et quitte à fâcher les grincheux, c’est faire trop d’honneur à ces quelques kilomètres carrés de les ériger en bastion de la lutte anti-capitaliste. Le capitalisme mondialisé est autrement puissant pour se préoccuper de ces quelques arpents de bocage. La lutte contre les prédateurs de l’économie mondiale doit se mener ailleurs et avec des moyens autrement puissants. La remise en état rapide des routes sur cette zone sont un premier signe qui montre que les occupants de la zone ont bien l’intention de faire de ce territoire, un territoire de projet.

La voie de la sagesse ?

L’abandon du projet aéroportuaire est un premier petit pas sur la voie de la sagesse. Par modestie, je ne dirai pas que les trois pistes esquissées ici sont la voie de la sagesse mais j’ai la faiblesse de croire qu’elles peuvent y contribuer.

Pour tout dire, si demain, les SRADDET de Bretagne et des pays de Loire, élaborés dans le cadre d’un débat public rénové dans le sens indiqués ci-dessus, remettaient sur la table un projet d’aéroport du côté de Nantes, si demain les 1650 hectares de l’ex-ZAD devenaient une zone d’élevage intensif partagée entre une petite dizaine d’exploitants agricoles, je serai évidemment très déçu mais pas découragé pour autant. Cela prouverait que le message des acteurs de la transition écologique et de médias indépendants comme Eco-Bretons n’aura pas encore été suffisamment audible et qu’il convient donc d’en renforcer l’audience.




Editorial. 2018, année nouvelle

A cette époque de l’année, il est coutume de parler de nouvelle année. Pour Eco-Bretons, ce sera effectivement une année pleine de nouveautés.

En effet, ce sera la première fois que nous fêterons un anniversaire. En 2018, Eco-Bretons aura 10 ans. A l’époque, on nous appelait Bretagne Durable. Nous comptons bien fêter dignement cet anniversaire et il y aura sûrement de la fête dans l’air.

Fin 2017, nous vous avions sollicités pour savoir ce que vous pensiez de nous. Vous avez été nombreux à nous répondre et nous vous en remercions. Bien sûr, les résultats de cette consultation seront mis en ligne prochainement. Nous avons bien entendu ce que vous nous disiez et nous nous efforcerons de vous satisfaire au mieux.

Comme nous, vous pensez que nous sommes, que vous êtes, chacun à notre petit niveau, des acteurs des transitions en cours dans notre société, en cette période et dans cette région. Connaître ce qui se fait ailleurs et qui marche nous conforte toutes et tous un peu plus dans cette certitude et nous donne un peu plus d’enthousiasme pour faire un nouveau petit pas en avant vers un monde que nous voulons meilleur.

Évidemment, si nous voulons en faire plus, il faudra nous renforcer. En réduisant leurs aides directes ou indirectes, les pouvoirs publics nous ont paradoxalement rendu un petit service en nous rappelant que nous, citoyens, devons d’abord compter sur nos propres forces et nos propres soutiens pour avancer. Plus encore que les années passées nous aurons besoin de vous et quand vous avez été consultés, vous nous avez répondu qu’on pouvait compter sur vous. Le message est bien passé. Nous ne manquerons pas de vous en reparler dans les prochaines semaines.

2017 a été l’année où beaucoup ont enfin réalisé que l’information pouvait être une dangereuse arme de manipulation, laissée aux mains de personnes et d’organisations aux arrières-pensées douteuses. Webmédia indépendant et éthiquement engagé Eco-Bretons contribuera, dans son domaine propre, les transitions écologiques et sociales, à vous donner quelques clés pour décrypter une réalité parfois complexe.

Plus que des vœux, ceci est un programme pour l’année et si nous devions formuler un vœu, ce serait que dans 12 mois, quand nous regarderons en arrière, nous puissions nous dire, que le monde que nous trouvons est décidément un peu meilleur que le monde que nous avions trouvé en commençant l’année, c’est à dire maintenant.

Alors nous pourrons dire que 2018 aura été une bonne Année.




Le feuilleton de l’été « Les mots valises » : démocratie participative (chapitre 4, épisode 2)

« La démocratie participative est une forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique. On parle également de « démocratie délibérative » pour mettre l’accent sur les différents processus permettant la participation du public à l’élaboration des décisions, pendant la phase de délibération. La démocratie participative ou délibérative peut prendre plusieurs formes, mais elle s’est d’abord instaurée sur le terrain de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, avant de s’étendre dans les champs de l’environnement. Dans ces cadres, les associations jouent un rôle central en tant qu’interlocuteurs pour les autorités publiques. En France une Charte de la participation du public publiée en 2016 liste les bonnes pratiques en matière de participation du public ».

Voilà ce que dit Wikipédia en préambule de son article consacré à la démocratie participative

De démocratie et de participation à la prise de décision, il fut largement question lors d’un colloque qui eut lieu à La Sorbonne en décembre 2014 et dont vous pourrez trouver le compte rendu en fin de billet dans la rubrique pour aller plus loin. De ces échanges, j’ai retenu un témoignage, celui de la chercheuse qui pilota une conférence de citoyens sur un projet qui malgré cela fait toujours controverse, le site d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure, dit projet CIGEO. Les résultats de cette consultation, exemple trop rare peut-être en France, étaient sans équivoque Démocratie et environnement Partie ¾ Et malgré tout, deux ans et demi après, les forces de l’ordre et une poignée de protestataires se sont violemment heurtées cet été. Cela montre les limites de l’exercice, même si du point de vue scientifique tout avait été mis en œuvre pour que le résultat de la consultation soit le plus incontestable possible. Retenons quand même la méthode (mais pour la connaître, il vous faudra ouvrir le lien) qui montre que consulter des individus lambda peut se faire dans de bonnes conditions pourvu qu’on y mette les moyens.

Le deuxième exemple de consultation citoyenne en matière d’infrastructure ayant un impact majeur sur l’environnement fut le « référendum » organisé par le préfet de Loire-Atlantique au sujet du projet ô combien controversé, d’aéroport sur la zone à aménager de Notre Dame des landes. Pour justifier le périmètre de la consultation le préfet avait utilisé un argument très valable : » il ne faut consulter que les gens concernés par le projet. » Je rajouterai volontiers, « il fallait consulter toutes les personnes concernés par le projet. »

Mais alors qui étaient réellement concernés ? Si on se limite à l’impact environnemental direct sur la faune et la flore, ce sont les habitants de la zone et eux seuls qu’il fallait consulter quitte à définir très précisément les limites de l’écosystème en cause. Si par contre, on voulait valider l’impact économique de ce projet, il fallait prendre en compte l’ensemble de la zone de chalandise du projet de futur aéroport car sa construction et sa mise en service aurait des impacts sur les habitudes de voyage d’une grande partie du Grand Ouest, sur le niveau de fréquentation d’aéroport importants comme Rennes, Brest, Angers. Mais on n’a pris en compte que l’échelle u département dont la moitié Sud n’était pas directement intéressée. Et c’est en s’appuyant sur cette consultation mal calibrée que certains veulent s’appuyer pour dire que la démocratie participative a tranché. Décidément, la démocratie participative est un rude exercice quand elle n’est pas un prétexte pour passer outre à une forte opposition.

Reste une question que je ne traiterai pas ici mais qu’on a rencontré lors de nos pérégrinations dans les dictionnaires : l’entreprise est-elle un lieu de la démocratie ?

Pour aller plus loin :

Colloque  « La Démocratie  face aux enjeux environnementaux : la transition écologique » 11 et 12 décembre 2014

Démocratie et environnement. Partie ¼

Démocratie et environnement Partie 2/4

Démocratie et environnement Partie ¾

Démocratie et environnement partie 4/4




Climate Chance Agadir. Une 4L branchée

Au sommet Climate Chance d’Agadir, dans l’allée qui mène au centre de conférence, les stands s’alignent, montrant la diversité et la vitalité des initiatives prises par les collectivités territoriales et les ONG marocaines en matière de lutte contre les changements climatiques et leurs effets. C’est intéressant mais bien conventionnel.

Et puis, en haut de l’allée, une surprise ! Une superbe petite voiture qui ressemble à un 4X4 en réduction avec sa silhouette haute sur patte et son arrière un peu tronquée. Malgré tout, ce splendide véhicule rouge pompier, ornée sur le capot de l’étoile chérifienne à 5 branches me paraît familière. La calandre peut-être, rectangulaire avec ses deux phares ronds, comme des yeux ébahis, le capot plat horizontal, le pare-brise étroit et vertical : mais c’est bien sûr, il s’agit d’une 4L, cette bonne vieille petite Renault qui a permis à des millions de gens d’avoir leur première voiture dans les années 60.

Evidemment, cela pique ma curiosité. Que vient faire un R4 à l’arrière rabotée dans un sommet sur le climat ? La réponse m’est apporté avec beaucoup de gentillesse par Jamal Addad, un souriant ingénieur qui se fait un plaisir de m’expliquer, avec fierté que ce véhicule fonctionne à l’électricité, qu’il a été conçu et réalisé par des ingénieurs et élèves ingénieurs de plusieurs écoles du Maroc rassemblés dans une association dont le nom est tout un programme : 4greenID c’est à dire « for green idea ».

Les caractéristiques techniques de cette voiture sont les suivantes : elle est mue par un moteur électrique de 67 chevaux, alimenté par 10 piles Lithium-ion ; son autonomie est de 100 à 130 kilomètres et sa vitesse de pointe est quand même de 120 km/h, ce qui pour un véhicule à vocation plutôt urbaine, est peut-être exagéré. La recharge peut se faire à partir d’une prise classique 220 volts et dans ce cas cela prend 8 heures pour la recharger ou par l’intermédiaire d’une prise ad hoc, celle des voitures électriques et dans ce cas la recharge à 80% peut être assurée en 40 minutes.

Certes le poids des batteries (environ 200 kilos) et surtout leur prix (10.000 euros) constituent encore un handicap mais d’ailleurs pour ces étudiants, il ne s’agit que d’un prototype. Cela illustre d’ailleurs ce que disent les promoteurs du site Paléo-énergétique : les étudiants réinventent souvent les choses mais ceux-ci le font avec modestie. Ils savent bien que les voitures électriques existent depuis les débuts de l’automobile mais peut-être ne savaient-ils pas qu’en 1900, ils se fabriquaient plus de voitures à propulsion électrique que de voiture à moteur thermique. Peut-être ne savent-ils pas non plus qu’à l’époque, une voiture électrique dépassait déjà le 100 à l’heure.

A ce propos, je reste quand même épaté par la performance atteinte par cette 4Lélectrique. La seule fois où j’ai dépassé le 120 à l’heure, c’est à dire que j’ai bloqué le compteur en descente par vent arrière, j’ai coulé une bielle ! Aucun risque ici compte tenu du mode de propulsion mais j’ai été ravi d’apprendre que le principal problème de transmission qu’ils avaient connu, venaient des cardans : les anciens propriétaires de R4 comprendront ce que je veux dire.

Cette voiture serait le premier véhicule électrique marocain et il a déjà participé à des « contests » étudiants en Suisse. Il participera également au premier rallye réservé aux seuls véhicules à propulsion électrique organisé au Maroc , qui partira de Tanger le 11 octobre pour aller à Ouarzazate, soit environ 800 kilomètres de course

Pour en savoir plus

l’association « 4greenID» est joignable sur facebook ou par mail à forgreenid@gmail.com




Interview de Ronan Dantec, président de Climate Chance, sénateur de Loire-Atlantique

A Agadir, s’est réuni du 11 au 13 septembre, le 2° sommet Climate Chance. C’était l’occasion pour faire le point avec Ronan Dantec, Sénateur de Loire-Atlantique, porte-parole climat de CGLU, Cités et Gouvernements Locaux Unis, et président de Climate Chance.

Comment est venue l’idée de Climate Chance ?

L’idée est née lors d’ecocity 2013, avec la mise en chantier d’un premier texte commun des principaux réseaux mondiaux d’acteurs non-étatiques pour défendre un ODD spécifique sur la ville durable. La dynamique était lancée. À partir du moment où le constat avait été fait qu’il manquait un lieu de rencontre de tous les acteurs non étatiques, les collectivités territoriales bien sûr mais aussi les entreprises et les organisations non gouvernementales, il a bien fallu créer ce lieu où pouvaient se bâtir ces ponts et se construire des positions communes permettant à ces trois composantes de parler d’une seule voix, pas seulement pour obtenir une place formelle dans la négociation mais aussi apporter des contributions et des propositions sur le fond au débat.

Nantes était en 2013 capitale verte de l’Europe et cherchait des événements mondiaux à accueillir d’où Ecocity. Concrètement, tout est donc parti de cette rencontre et à l’époque, le thème de cette première expression commune n’était donc pas le changement climatique mais les objectifs du développement durable (ODD). Notre initiative, qui cassait les codes de l’ONU, habituée à négocier en silo, fut remarquée à New York et comme elle connut un certain succès, elle fut rapidement suivie d’une autre initiative lors du sommet climat de Ban Ki-Moon à New-York. Fort de ces deux textes qui montraient la capacité des acteurs non-étatiques à s’exprimer d’une même voix, il y eut ensuite le sommet Climat et Territoires à Lyon avant la COP21 puis dans la foulée le 1° sommet Climate Chance, à Nantes de nouveau.

Est-il toujours facile de faire cohabiter dans le même réseau des partenaires aux intérêts aussi divers que les entreprises, les collectivités territoriales et les ONG ?

Pour ce qui est de la coopération entre ces trois entités, je ferai remarquer que ce n’est pas tout à fait un hasard  si l’initiative est partie de France. En effet, nous avons une certaine habitude de travailler ensemble, Collectivités, Entreprises et ONG et les exemples ne manquent pas : Le Comité 21 sur le Développement durable ou plus largement, le CESE.          

Mais Climate Chance ne se résume pas à la coopération entre ces trois types d’acteurs. Nous comptons aussi une forte participation des organisations de jeunesse, de peuples autochtones, syndicats de travailleurs, et de chercheurs.

Qu’est-ce qui fait le succès de Climate Chance ?

Climate Chance est une auberge espagnole et doit le rester. Comme chacun y trouve son intérêt, chacun y collabore et y apporte ce qui lui importe. D’ailleurs en la matière, nous n’avons rien inventé puisque ce schéma est en partie inspiré de ce que nous avions vu à Ecocity Montréal en 2011, avec une multitude d’ateliers et d’événements. Tous ceux qui ont quelque chose à dire et à montrer doivent y trouver leur place, sans exclusive.

Qu’attendiez-vous de ce sommet ?

Vous aurez bien compris que nous n’avons pas de scénario totalement préétabli puisque par essence, nous sommes avant tout attentifs aux attentes exprimées par l’ensemble des parties.

Il me semble qu’on ressent ici à Agadir que les acteurs non-étatiques ont compris qu’ils ne pouvaient se limiter à une action de lobbying en amont des COP. Envoyer des messages aussi forts soient-ils aux gouvernements ne suffit plus. Tout d’abord une partie des dynamiques d’action n’attendent pas les COP pour se développer comme sur les énergies renouvelables. Une partie des décisions se prennent aussi en-dehors des COP, par exemple sur l’accès aux financements. Les bailleurs de fond sont largement extérieurs au schéma des COP et donc l’action de Climate Chance doit viser maintenant à convaincre ce type d’acteurs. C’est d’ailleurs dans cette perspective, que Climate Chance organise à Paris le 10 décembre un sommet consacré au financement, deux jours avant le sommet qu’organisera le Président de la République Française sur le même sujet le 12 décembre, pour justement porter les propositions que nous avons forgé à Agadir pour faciliter l’accès aux financements. 

Peut-on dire que ce sommet est une réussite ?

Aux acteurs présents de le dire. Le principe de l’auberge espagnole est que chacun apporte ce qu’il a et chacun en retire ce qu’il veut. L’action de Climate Chance, c’est une offre. S’il y a du monde à nos rencontres, c’est que notre offre correspond à des attentes. Si personne ne venait s’agréger, cela voudrait dire que notre offre n’est pas pertinente et il faudrait passer à autre chose.

L’association Climate Chance a néanmoins une responsabilité spécifique de diffusion et de suivi des déclarations communes et des résultats d’Agadir.

Et maintenant ?

Pour ce qui concerne la déclaration finale, il ne s’agit pas d’une nouvelle déclaration générale déplorant l’état de la planète mais plutôt d’une feuille de route qui doit nous amener au dialogue de facilitation de 2018 qui est un enjeu important pour la réévaluation de l’action. Nous allons aussi être attentifs au suivi des différentes coalitions thématiques qui portent les dynamiques d’action concrète.

Nous allons par ailleurs développer notre rôle d’observatoire de l’action des acteurs non gouvernementaux et nous devrions publier un premier rapport à l’automne 2018. N’oublions pas que le ressort principal de Climate Chance, c’est la lutte contre le climato-fatalisme et que le meilleur moyen de lutter est de montrer des actions qui marchent et pourquoi elles marchent, d’où la nécessité d’avoir une évaluation aussi rigoureuse que possible de ces initiatives, pour crédibiliser un scénario de stabilisation du climat.

Climate Chance a été créée en Europe mais son but est d’animer la dynamique mondiale et la nourrir partout. La déclaration des élus locaux et régionaux africains est une étape importante de notre développement en Afrique. La présence des élus locaux nord-américains de « we are still in » montre aussi que nous renforçons nos liens avec le continent nord-américain. L’Asie sera une prochaine étape, nous y travaillons.




Le feuilleton de l’été « Les mots valises » : démocratie participative (chapitre 4, épisode 1)

Le feuilleton de l’été « les mots valises » chapitre 4 « démocratie participative », épisode 1 quand les mots-valises sont des « malles »à double fond

Pour le dernier mot-valise de l’été, je m’attaque à quelque chose de périlleux, la démocratie, qui plus est participative. Si je m’écoutais, je dirais qu’il s’agit là d’un pléonasme mais ce faisant, je donnerais un avis personnel et , du coup, je ferais preuve d’un manque de rigueur scientifique qui détonnerait dans ce feuilleton qui jusqu’à présent s’est voulu plutôt objectif. S’il est des mots que tout le monde emploie à tout bout de champ, sans forcément qu’on s’accorde sur leur sens, « démocratie » en fait partie, comme « liberté », « bonheur » ou « égalité ». On peut s’en sortir par une boutade, comme l’avait fait Churchill « La démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres. » C’est drôle, c’est tellement britannique mais ça n’apporte rien. J’en reviens donc à mon approche classique par le dictionnaire, qui me dit ceci :

a) Système politique, forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple.

b) État ayant ce type de gouvernement.

c) Système de rapports établis à l’intérieur d’une institution, d’un groupe, etc., où il est tenu compte, aux divers niveaux hiérarchiques, des avis de ceux qui ont à exécuter les tâches commandées.

Il est inutile de s’attarder sur le point b) qui n’apporte rien de concret mais intéressons-nous un instant au point a) et c). La définition a) est explicite dès lors qu’on aura défini ce qu’on entend par souveraineté et elle aurait mérité d’être complétée par ce qu’en disait Abraham Lincoln « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » car en fait il s’agit bien de cela. Et c’est pour cette raison que le point c), que les auteurs du dictionnaire ont cru bon d’ajouter, devient intéressant. En effet, que nous disent-ils ? Primo que la démocratie n’est pas qu’un mode de fonctionnement de la sphère publique puisqu’elle concerne toute forme d’organisations sociales, entreprise, association sans but lucratif ou groupement informel, deuxio qu’il est un système où on demande un avis mais pas où on laisse décider ni agir, et tercio, que dans ces organisations il y a une hiérarchie, des gens qui commandent et des gens qui exécutent. On s’éloigne un peu de la souveraineté populaire. Restons-en là pour le moment et intéressons-nous au qualificatif qui fait de ce mot un mot valise : participatif. Notez que l’adjectif participatif est en soi devenu un mot « passe-partout » puisque non seulement, la démocratie peut être participative, mais le financement peut lui aussi être participatif comme une nouvelle forme d’économie qui peut être soit participative, soit collaborative, selon les auteurs. Le mot a manifestement une charge émotionnelle forte pour avoir autant de succès

Et là, surprise, quand on regarde le dictionnaire, on trouve ceci, dans l’ordre :

1) Qui concerne la participation dans une entreprise.

2) Qui implique une participation active des protagonistes dans une action, une activité.

3) Relatif à la participation, c’est-à-dire l’action de contribuer à quelque chose, d’en faire partie.

Voilà encore l’entreprise qui pointe le bout de son nez, en premier, mais au fait de quoi parle-t-on avec cette « participation dans une entreprise » ? vraisemblablement s’agit-il du mécanisme de répartition d’une partie des bénéfices imposée par le Général de Gaulle au milieu des années 60 et dont les mécanismes ne laissent que peu de marges de décision aux bénéficiaires de ces dites « participation aux bénéfices. C’est donc pour notre démocratie, une fausse piste. Reste les définitions 2) et 3) qui se ressemblent fort ; elles impliquent toutes les deux un apport actif, qu’on suppose positif, à un ensemble dont on fait partie. C’est déjà plus éclairant.

Du coup, on comprend mieux la définition qu’en donnent deux sites qui se sont beaucoup intéressés à cette question :

http://www.participation-et-democratie.fr/it/dico/democratie-participative

La démocratie participative désigne l’ensemble des procédures, instruments et dispositifs qui favorisent l’implication directe des citoyens dans le gouvernement des affaires publiques.

http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie_participative.htm

La démocratie participative désigne l’ensemble des dispositifs et des procédures qui permettent d’augmenter l’implication des citoyens dans la vie politique et d’accroître leur rôle dans les prises de décision.

Mais dans ces définitions, qu’est-ce qui est important, la démocratie c’est à dire le gouvernement, la prise de décision ou la participation à l’élaboration de la décision et/ou de sa mise en œuvre ? Faut-il alors parler de démocratie participative ou plus simplement de démocratie délibérative ? La première prise dans son sens le plus large implique en effet, une participation à la décision et à sa mise en œuvre alors que la seconde réduit cette participation à l’élaboration d’une décision ou au refus d’une décision prise ailleurs. Dans cette dernière acception, on retrouve la démocratie participative telle que l’avait envisagée Ségolène Royal,et telle que la pratiquent d’ailleurs les partis politiques les plus démocratique lorsqu’ils demandent à leurs militants de prendre part à l’élaboration du programme politique . Dans le premier cas, on retrouve la démocratie active telle qu’elle se pratique dans certaines collectivités qui délèguent à des structures élues (comités de quartier par exemple) une partie du budget de la collectivité pour mettre en œuvre un ou des projets de ces comités. Il serait d’ailleurs intéressant que, dans le cadre de la disparition de la fameuse « réserve parlementaire », les élus de la Nation réfléchissent à un dispositif permettant de remplacer cette aide indispensable à nombre de projets associatifs ou de petites communes, par un dispositif géré localement, en toute transparence par une structure ad hoc élue.

Participatif mot valise lui-même financement participatif, économie participative ?